mercredi 9 mars 2016

Pascal Amoyel, Georges Cziffra sont
des noms qui vont très bien ensemble !

Ils ont en commun l'amour de la musique. Que Pascal Amoyel, en concert vendredi dernier à Jonzac, ait rendu un hommage vibrant à son aîné, pianiste aux cinquante doigts, relève de l'alchimie. Celle d'une rencontre entre deux êtres qui devaient se retrouver. N'ont-ils pas habité le même appartement ? Des points communs et une envie irrésistible de faire dire au piano les beautés et les vicissitudes du monde…

Pascal Amoyel rend hommage à Georges Cziffra (© Nicole Bertin)
Faut-il parler de destins croisés ? Rien n'interdit de le penser. Le premier spectacle de Prélude au Printemps était un hommage rendu par Pascal Amoyel à son maître Georges Cziffra. Tous deux se sont rencontrés par un hasard qui a bien fait les choses.
Confidences de Pascal Amoyel : « à treize ans, je lui ai interprété quelques-unes de mes improvisations. Plus tard, il a accepté de me faire travailler en privé. Je réalise aujourd'hui le grand privilège qu'il m'a accordé. Cet homme, qui avait connu les pires souffrances, paraissait jouer sa vie à travers la musique. Il ne parlait pas beaucoup, mais son regard était parfois bien plus évocateur que tous les mots. Un regard d'écorché vif, profondément humain. Pour lui, la musique était comme le prolongement de l’amour et de la fraternité humaine ».
Georges Cziffra fut l’un des plus grands pianistes du XXème siècle. Ses concerts faisaient délirer les foules, dit-on. En 1956, son interprétation légendaire du 2ème Concerto de Bartók fit l'effet d'un électrochoc : des milliers de personnes investirent les rues de Budapest pour scander l’hymne national avant le soulèvement. Doté de dons exceptionnels dès son plus jeune âge, les critiques virent en lui « la réincarnation de Franz Liszt », « l'interprète aux moyens paranormaux » et le « pianiste aux 50 doigts ». Pas étonnant qu'il fut à la fois admiré… et jalousé. Il a tout connu, la chance et le désespoir, la gloire et la misère et surtout il a côtoyé les sordides idéologies des hommes quand les guerres les conduisent aux pires atrocités.

Un spectacle, une ambiance © Nicole Bertin
Pascal Amoyel a fait de son incroyable histoire un spectacle qui entraîne le public dans des phases successives de noirceur et de douceur. L'obscurité et la lumière.
La scène musicale s'ouvre sur la Hongrie quand le petit Georges (né en 1921), d'origine tzigane, est admis dans la prestigieuse Académie Franz Liszt de Budapest. Un miracle que la guerre va bouleverser. Entre nazisme et communisme. Enrôlé, embrigadé, arrêté, il se souviendra surtout des camps. Dans l'un d'eux, il exécute la dure tâche de porteur de pierres qui affaiblira ses poignets et ses mains. En 1956, il profite de la brève ouverture de la frontière pour fuir le régime communiste et demander l'asile politique à la France avec sa femme et son fils. Au pays des Droits de l'Homme, il se dédie entièrement à la musique. Sans peur des milices. En 1966, il fonde le festival de musique de La Chaise-Dieu et crée la Fondation Cziffra qui a pour but de soutenir de jeunes talents qui deviendront des pianistes talentueux. Ce grand virtuose s'est éteint en 1994.


Ce spectacle était proposé par la ville de Jonzac dans le cadre de Prélude 
au printemps que coordonne Jeanine Belot

Sur scène, Pascal Amoyel incarne Georges Cziffra avec fougue et passion, chaleur et émotion. Tandis que le pianiste joue, l'artiste lance un appel à la liberté d'expression qui permet aux peuples d'avancer. Combien de talents gâchés par ces porteurs de conflits qui commandent aux musiciens, comme si la musique avait un devoir d'obéissance !
Malgré les douleurs qui ont ponctué sa route, Georges Cziffra a échappé au pire, porté (sauvé ?) par son bonheur d'être musicien précisément. Quelle chance, pour Pascal Amoyel et le public, que le chemin de l'existence leur ait donné rendez-vous…


• Georges Cziffra est né à Budapest en novembre 1921. Naturalisé français en 1968, il s'est éteint en 1994.

Un lien étroit unit les deux pianistes
Les applaudissements du public

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