Les habitants de Saintes devront être patients. En effet, les travaux du site Saint-Louis sont d’une telle ampleur qu’ils nécessiteront une bonne dizaine d’années. Toutefois, cette attente sera récompensée car le lieu, habité depuis l’Antiquité, sera valorisé d’intéressante façon.
Le site Saint-Louis surplombe la ville de Saintes |
Quel formidable challenge pour de jeunes architectes ! |
Le site s’est « ouvert » et la municipalité, en l’achetant en 2009, a compris que ce lieu méritait une métamorphose. Son aménagement s’est inscrit dans le concours Europan 10 avec les villes d’Alès, Dunkerque, l’Isle d’Abeau, Seilh et Triel-sur-Seine.
Que cette mission ait séduit moult cabinets d’architecture est naturel : il y a là plusieurs hectares où s’élèvent une légion d’anciens bâtiments à usage médical, une chapelle, l’ancien logis du Gouverneur, sans oublier le belvédère qui suit la marche du soleil. Le site ne manque pas d’attrait !
En 2009, la mairie a invité les habitants à parcourir cet espace aux allures étranges qui subissait, malgré lui, un arrêt sur image. La balade silencieuse, au milieu d’édifices désaffectés, donnait la curieuse impression d’un lieu abandonné. Les marques du temps d’avant étaient les seuls repères : panneaux signalant les urgences, consultations, maternité, noms des médecins, plan général… jusqu’à la salle mortuaire, située non loin des vestiges du rempart édifié par les Gallo-romains. La coquille vide était en l’attente d’une renaissance.
Connex (cité) !
L'étoile de l'hostellerie Saint-Julien |
Le projet concerne 5 hectares en centre-ville et englobe la place du 11 novembre. « Il s’agit de donner une nouvelle dimension à un périmètre et de l’ouvrir vers les grands axes de la cité, le fleuve bien sûr, mais aussi des pièces maîtresses comme Saint-Pierre, Saint-Eutrope, les Arènes, les Boiffiers, Bellevue, la Fenêtre » explique Frédéric Mahaud.
Cette mixité urbaine, Jean Rouger y est attaché : « des emplois seront créés. Une vingtaine de commerces, d’artisans sont prévus. L’habitat sera conçu dans l’esprit du Grenelle. Les voitures pourront circuler, sans pour autant empiéter sur l’espace public. Dans le cadre du déplacement aussi, nous voulons une ville apaisée. Les nouvelles énergies seront privilégiées ».
La ville part donc à la reconquête de cette friche laissée par le CH en octobre 2007. Dire que tout se fera un jour serait irréaliste ! En effet, les sondages archéologiques obligatoires pourraient prendre du temps. « L’ambition de la ville de Saintes, riche de 2000 ans d’histoire, est d’offrir des projets dans la durée, de les aborder et les construire ensemble » souligne le maire.
Frédéric Mahaud rappelle, quant à lui, la genèse de l’histoire : « nous avons déjà trois ans de travail derrière nous, d’allées et venues, d’échanges. 120 équipes d’architectes ont répondu au concours Europan, 80 dossiers ont été retenus. En 2010, nous avons choisi trois lauréats. Loin d’être confidentielle, cette démarche s’est enrichie, au fil des mois, des réflexions que nous avons recueillies sur le terrain. Depuis vendredi dernier, le site est ouvert au public 24 heures/24. Doté d’un éclairage, il a été sécurisé. Les bâtiments ont été murés pour des raisons de sécurité, d’autres ont été démolis ». Les aménagements ne devraient pas commencer avant 2013 : « nous sommes dans un secteur sauvegardé et il y a des règles à respecter. Le schéma de principe doit d’abord être défini ».
Les explications de Matthieu Wotling |
Des perspectives qui laissent rêveur ! |
Le cabinet sélectionné est l’agence MWAB dans laquelle travaillent Mathieu Wolting et Anne Lise Bideaux (aidés par la paysagiste Agathe Turmel).
S’il n’est pas entré dans les détails, le couple a défini les grands axes de ce futur quartier, exceptionnel de par sa situation dominante. On y trouvera des logements, des maisons, une crèche, des magasins, un hôtel, un restaurant (côté panorama), un centre culturel, un pôle médical et divers organismes dont un équipement public dans l’ancien logis. Ainsi, Saintes s’apprête à hériter d’une superficie supplémentaire qui lui donnera une bouffée d’oxygène. La priorité sera de faire prendre la greffe !
« Aujourd’hui, sur le site Saint Louis, nous pouvons démolir, mais nous ne pouvons plus rien construire pour l’instant » explique Jean Rouger en l’attente des grands aménagements qui nécessiteront des enquêtes d’utilité publique.
Dix ans de travaux étant annoncés, la mairie actuelle ignore si c’est elle qui coupera le ruban tricolore. Mais elle en sera l’âme ! « Nous œuvrons autour de plusieurs thématiques : reconquête, accessibilité, liaison entre ville haute et ville basse, hospitalité, durabilité » remarque le maire. Saintes possède un riche patrimoine, qu’il soit antique, médiéval ou plus proche de nous. Que cette richesse soit mise en connexion, voire en connex (cité) pour améliorer la qualité de l’environnement et de la vie, tout simplement, est un objectif louable. « Nous ne pratiquons pas la langue de bois » ajoute Frédéric Mahaud face aux questions qui fusent. Certaines concernent la place des véhicules : ils stationneront dans un parking souterrain, réalisé sur plusieurs niveaux sous la place du 11 novembre. Une grande partie du site sera réservée aux piétons.
Avant d’en arriver là, les étapes vont se succéder. Elles débuteront par les fouilles préventives qui risquent de réserver quelques bonnes surprises ! Car l’oppidum était un endroit stratégique quand Mediolanum Santonum était grande capitale !
L’été prochain, le site Saint-Louis pourrait accueillir une décentralisation des Oreilles en Éventail. Une façon, pour la municipalité, de montrer qu’elle est tout ouïe !
• Les objectifs des architectes
« Les axes majeurs du projet sont déterminés par les perspectives les plus importantes à mettre en valeur, dessinant en creux l’espace public comme un vide fédérateur. Sur cette trame, viendront s’imbriquer les différents éléments de projet : en retrait du belvédère, le pôle culturel est conçu comme un soulèvement de l’espace public qui ouvre des vues successives sur l’église Saint-Eutrope, la cathédrale Saint Pierre et l’amphithéâtre gallo-romain. Le bâti restauré retrouve une dimension monumentale. Les îlots de logements et les équipements de proximité aux formes denses et durables préservent l’intimité tout en favorisant l’intensité de la vie de quartier ».
Les membres du jury ont salué la subtilité du projet urbain dans son analyse du paysage (triangulation du regard, vision paysagère, construction des lignes de vue), son approche fine et intelligente sur l’ensemble du site, ainsi que l’audace d’ajouter un élément repère, fort et visible. Ils soulignent, en revanche, que l’idée d’une architecture contemporaine faisant patrimoine, en dialogue avec le site, est bonne, mais que l’implantation du bâtiment au bord de la corniche est inenvisageable pour des raisons de constructibilité..
• Un mail bordé par des commerces ira jusqu’à la place du 11 Novembre qui conservera son marché habituel.
• Pour aller de la ville basse à la ville haute, pourquoi pas un ascenseur comme à Rocamadour ?
• Dans la partie nord, plus d’une centaine de logements seront construits dans des immeubles ne dépassant pas trois étages. Très tendance, des toitures plantées de végétaux sont envisagées. L’orientation des appartements sera plein Sud. Sur l’emplacement de la gare routière, s’élèveront des maisons avec des espaces verts.
Que reste-t-il de cette réunion en 2016 ?... |
Le site Saint-Louis abrite de nombreux vestiges. D’après les historiens, les occupations se sont succédé, du castrum romain au château des Comtes de Saintonge. A l’époque de la Guerre de Cent ans, la forteresse était tenue par les ducs d’Aquitaine, vassaux du roi d’Angleterre, puis par les seigneurs fidèles au roi de France. La ville était coupée en deux et le fameux pont sur la Charente en délimitait la frontière. A cette époque, la colline abritait trois édifices religieux : la chapelle Notre-Dame, qui desservait le château, la chapelle Saint-Frion et l’église Saint-Agnant, en surplomb du faubourg Berthonnière.
• Une tradition d’hospitalité
En 1609, c’est le roi Henri IV qui confia au gouverneur Louis de Pernes le soin d’implanter une citadelle à la place du château médiéval. Le logis, dit du Gouverneur, serait l’unique vestige de cette citadelle détruite par Richelieu vingt ans après sa construction.
En 1687, l’Hôpital Général succéda à l’ancien Hôtel-Dieu ou Hôpital Saint-Pierre, implanté depuis le Moyen-Age à côté de l’évêché. Louis de Bassompierre, évêque de Saintes, en fit un havre pour les indigents. L’hôpital pouvait accueillir jusqu’à 150 déshérités. Le marquis de Monconseil alla jusqu’à fonder une manufacture de draps dont les bénéfices servaient à financer l’hôpital. En 1789, la ville en prit la responsabilité.
En 1805, les Filles de la Sagesse assurèrent les soins jusque dans la première moitié du XXe siècle.
En 1808, Napoléon 1er aida à la construction de l’aile ouest. Le dispensaire de salubrité publique vit le jour en 1860. La chapelle fut édifiée en 1876, la maternité en 1905.
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