mercredi 2 novembre 2016

On va se faire sonner les cloches !

Une enquête inédite a été rendue publique dernièrement sur la façon dont les cloches sont sonnées à travers la France. L'objectif était de dresser un état des lieux de ce "patrimoine sonore" que rien ne protège aujourd'hui... et qui se perd.

  
"Le pays des 36.000 clochers", c'est l'un des surnoms de la France. Mais à quelle réalité correspond de nos jours cette expression ? La Société française de campanologie vient de rendre publique une étude encore jamais réalisée, un véritable état des lieux. Des sonneurs de cloches de toute la France ont répondu à une série de questions. Combien de clochers sonnent encore dans leur commune ? À quelle fréquence ? Et pour jouer quelles sonneries ? De quelle façon ? Tout cela compose un véritable "patrimoine sonore" selon cette association, qui alerte sur un appauvrissement de ce savoir-faire.

Des automates, mais toujours la main de l'homme derrière
 
C'est la cacophonie du 1er août 2014 qui a poussé Éric Sutter, président de la Société française de campanologie, à mener cette enquête. Ce jour-là, toutes les communes de France étaient invitées à sonner le tocsin pour commémorer le début de la Première Guerre mondiale. Le tocsin est une sonnerie civile et non religieuse, censée alerter la population en cas de danger. Les Français l'avaient entendue en 1914, mais en 2014 beaucoup n'ont eu droit qu'à une sonnerie de messe du dimanche, voire de mariage, voire rien. Car peu de personnes en charge de sonner les cloches aujourd'hui connaissent cette sonnerie.
À quelques exceptions près, ce sont des boîtiers automatiques qui contrôlent les cloches des églises et des mairies. Mais ce sont toujours les hommes qui pilotent ces boîtiers, il faut donc savoir sur quels boutons appuyer pour définir quelles cloches vont sonner, à quelle fréquence, etc. C'est ce savoir-faire qui est en train de disparaître. « Souvent, ce sont des sacristains bénévoles qui sonnent les cloches, ils n'ont reçu aucune formation » regrette Eric Sutter.

Une pratique culturelle autant que cultuelle
 
Pour lui, la question est patrimoniale, car la façon de sonner les cloches crée dans chaque commune une véritable "carte d'identité sonore" que les habitants s'approprient, croyants ou pas. « On confond d'ailleurs souvent les sonneries religieuses et civiles » explique Alexandre Jore, sacristain à l'église Saint-Lambert de Vaugirard, dans le XVe arrondissement de Paris. « Nous avons actuellement deux cloches qui ne fonctionnent plus et sonnaient l’Angélus trois fois par jour en semaine. Plusieurs personnes du quartier sont venues nous voir pour nous demander ce qui se passait, dont un homme qui avait l'habitude de se réveiller avec cette sonnerie et se disait désorienté sans ce repère ».
D'ailleurs, Eric Sutter propose d'inventer de nouveaux usages civils aux sonneries des cloches. « Nous avons constaté que les Français appréciaient beaucoup certaines initiatives récentes, par exemple les sonneries marquant le recueillement et les hommages aux victimes suite aux attentats. Beaucoup de jeunes s'intéressent à ce patrimoine, ils font des enregistrements et les mettent sur YouTube » ajoute-t-il.
La principale conclusion de cette enquête est que pour empêcher ce patrimoine sonore de tomber dans l'oubli, il faut le valoriser. Comment ? Certains territoires ont déjà commencé à dresser des inventaires de leur paysage sonore et proposent parfois même à leurs habitants de partir à sa découverte.

Dans les Côtes d'Armor par exemple, la communauté de communes du Centre Trégor a créé des "promenades des oreilles" qui proposent de découvrir à la fois le territoire et son identité sonore. À différents endroits, des bornes attendent les visiteurs pour leur expliquer ce qui s'entend sur le site. A imiter dans d'autres régions !

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