mercredi 16 novembre 2016

Jeunes Soudanais accueillis à Saint-Georges de Didonne : « il suffit de presque rien pour communiquer avec eux ! »

Eric Jalon, préfet : « les migrants sont l'objet d'exploitations sordides de la part de filières organisées »

A l'initiative de Jean-Marc Bouffard, maire de Saint-Georges de Didonne, une réunion sur l'arrivée de 29 Soudanais au centre de vacances de la RATP, était organisée l'autre jeudi à l’espace Colette Besson. Le sujet est d'actualité et une bonne information est nécessaire afin d'éviter les non-dits ou les appréciations hâtives. De nombreuses personnes avaient répondu présent.


En prenant les rênes de Saint-Georges de Didonne, Jean-Marc Bouffard savait que la partie ne serait pas facile. En premier lieu, les divergences entre élus de la majorité et de l’opposition, preuve de la bonne santé des deux camps ! Partagée entre la droite et la gauche, la France oublie parfois que des situations inattendues peuvent surgir. Réalités auxquelles il faut faire face avec courage et organisation. Qui pouvait imaginer que l’Europe allait connaître des flots migratoires d’une telle envergure ? Certains pays (Hongrie, bientôt Autriche et Slovénie) ont pris des mesures et édifié un mur, position la plus détestable si l'on part du principe que l'humanité est en marche.
La France, de par ses traditions humanistes, ouvre ses frontières à des hommes et des femmes fuyant les conflits. Parfois, dans les flux, se glissent des individus cherchant à s'infiltrer en Occident pour des causes peu louables. Le "travail" des services de renseignements.

Récemment, le Gouvernement a donc démembré la "jungle de Calais", devenue « lande » (terme plus acceptable !). Elle regroupait des migrants cherchant à rejoindre l'Angleterre et les incidents, rapportés par les médias, y étaient quotidiens. L’exaspération de la population aussi.
Ce camp, sorte de « favela » où régnaient des lois pas toujours catholiques, était une "épine" plantée dans le pied d'une France dont les valeurs sont l'égalité et la fraternité. D'où la volonté d'en finir avec les abris précaires (arrivée de l’hiver) pour de vrais lieux d'accueil où chaque cas personnel serait étudié par le service de l’immigration. C'est ainsi que Saint-Georges de Didonne, station balnéaire de la côte atlantique, abrite depuis fin octobre une trentaine de jeunes Soudanais dans les bâtiments de la RATP. Présence qui change des habitudes (et attiserait, dit-on, les représentants du Front national). Jeudi dernier, le premier magistrat avait invité la population à dialoguer tant sur leur séjour dans la commune (jusqu’en mars prochain) que sur la recherche d'idées qui favoriseront leur insertion.

Eric Jalon : « notre objectif est à la fois humanitaire et sécuritaire »

Aux côtés du préfet Eric Jalon, Jean-Marc Bouffard accueille le public
Jean-Marc Bouffard est aux côtés du préfet, Eric Jalon, Magali Selles, sous-préfète et Stéphane Jean, président adjoint de l'association Escale qui encadre les migrants. S'appuyant sur la récente exposition de l’artiste béninois Julien Yamadjè et le festival Plein Sud, il rappelle que Saint-Georges de Didonne est une ville "ouverte" aux autres cultures.  
« Depuis l’arrivée des jeunes Soudanais, les habitants s’interrogent. Pourquoi sont-ils ici et que pouvons-nous faire pour eux ? Ce soir, nous ne débattrons pas du problème de l'immigration et il n'y aura aucun caractère politique dans les échanges. L'hébergement est une responsabilité de l'Etat qui est le seul compétent avec l'association Escale à qui il a confié l’encadrement du groupe. La commune n'est donc pas en première ligne. Cela n'empêche pas, et je m'en réjouis, certains d’entre vous de vouloir faciliter la tâche de l'association. Il nous appartient aujourd'hui de gérer au mieux la générosité que vous manifestez ».

Le préfet souligne l'urgence d’évacuer la "lande" de Calais : « il fallait mettre fin à cette situation » dit-il. 7000 migrants ont été pris en charge, orientés vers de nouvelles destinations où ils feront le point : « le Gouvernement a fait des efforts importants. 260 filières ont été démantelées par la police aux frontières en 2016. Rappelons que les migrants sont l'objet d'exploitations sordides de la part des gens qui organisent les filières. Notre première action est de lutter contre ces réseaux ».
Chaque dossier de migrant sera examiné avec soin et seront reconduits à la frontière ceux qui n'ont aucune raison valable de résider en Europe. Les mineurs, quant à eux, doivent avoir des proches susceptibles de les loger. « Notre objectif est à la fois humanitaire et sécuritaire » déclare Eric Jalon.
Les 164 centres d'accueil répartis sur le territoire sont des « lieux provisoires » qui font l’objet d'une convention avec les gestionnaires. Généralement destinés au tourisme, ils seront "rendus" le 15 mars afin que les propriétaires puissent préparer la saison.
Durant les semaines à venir, le devenir de ces jeunes gens sera étudié : les uns demanderont le droit d'asile, les autres retourneront dans leurs pays selon la décision de la commission. L'objectif est d’avoir une vue d’ensemble avant le 15 mars. Certaines demandes ont déjà été déboutées (récemment une famille sur le secteur de La Rochelle).

« Ce soir, ce sont eux qui ont installé les chaises »

Au centre de la RATP, le groupe est accompagné par un travailleur social bilingue présent 24 h/24. Il aide ces jeunes à trouver leurs marques dans un environnement totalement inconnu (ils ont été secourus en Méditerranée). D’où la question de l’un d’eux sur la plage, face à l’estuaire : Qu’y-a-t-il en face ? Le Verdon et allant un peu plus loin, l’Amérique !
Comment s'organise leur vie de tous les jours ? Ils participent aux tâches collectives, ont des cours de français donnés par Anna et la possibilité de faire du sport. Une société livre les repas et une autre s'occupe de l'intendance : « jusqu'à présent, je n'ai eu aucun écho défavorable à leur sujet. J’ai reçu plusieurs propositions de personnes voulant donner des vêtements et ayant du temps à leur consacrer » précise le maire qui ajoute « ce sont eux qui ont installé les chaises pour la réunion de ce soir avec les agents de la ville ». Dans ce conditions, pourquoi sont-ils absents ?  Les responsables ont pensé que ce serait compliqué pour eux vu qu’ils ne parlent pas le français (un peu d’anglais seulement). Une autre fois sans doute ! Vincent Prest, responsable du camping Beau Soleil (5 étoiles) a mis ses structures sportives à leur disposition : il est vivement applaudi.

« Ce n'est pas “bien” d'être généreux et d'accueillir ces gens, c'est juste normal » 
déclare un participant

« Les aides aux migrants ne sont pas faites au détriment des Français »

Suivent les questions du public. Des membres d’associations les ont rencontrés lors de l'exposition « Julien Yadamjè » en particulier : « on peut communiquer avec trois fois rien. Les œuvres de Julien les ont touchés. Voir que le centre culturel abritait des tableaux de leur continent les a forcément interpellés ». « Ils sont demandeurs et volontaires » remarque Anna. D'autres se demandent pourquoi ils n'ont pas le droit de travailler (réponse évidente : ils n’ont pas de statut) et pourquoi le coût de l'ensemble des repas de la journée - 4,5 euros - ne pourrait pas bénéficier à des citoyens tricolores en position délicate. Terrain un peu mouvant qu'aplanit le Préfet : « les aides aux migrants ne sont pas faites au détriment des Français ». Pour preuve, les Banques alimentaires et les Restos du cœur proposent des paniers gratuits (sous condition de ressources), geste qui démontre les solidarités nationales mises en place.

D'une manière générale, Jean-Marc Bouffard se veut rassurant : « ces garçons ont vécu des épisodes dramatiques. Ce ne sont pas des délinquants, ni des criminels. Toutefois, les inquiétudes des habitants sont légitimes, d’où la nécessité de cette rencontre basée sur la transparence. Il faut faire taire les rumeurs farfelues. Et il y en a ». Une partie du public aurait aimé en savoir plus sur les arrivants : de quelle partie du Soudan viennent-ils ? Qu’attendent-ils de l’avenir ? Quelle est leur religion ? Ont-il un suivi psychologique ? Un participant déclare, en aparté, que lorsqu’un pays est en guerre, les hommes doivent y rester pour le défendre… tandis qu’une jeune femme, aux antipodes, envisage d’inviter des groupes « à la maison » afin de leur présenter la région, la façon dont nous vivons. 
« L’important, c'est de mettre aux filières » explique le Préfet, c’est-à-dire aux « mafias » qui profitent du désarroi des populations. En effet, en prenant des sommes astronomiques aux migrants et en leur faisant miroiter des vies dorées qu’ils auront du mal à atteindre, ils en font d’innocentes victimes ballottées de tente en tente, de foyer en foyer quand elles n’ont pas péri en mer sur des radeaux d’infortune. Quelles que soient leurs nationalités, les personnes secourues en Méditerranée sont déboussolées à leur arrivée en Europe : elles n’auraient jamais quitté leurs terres d’origine si ces dernières offraient une stabilité. Mais là est un problème de géopolitique et le contexte actuel, tant dans certains pays d’Afrique qu’au Moyen Orient, ne porte guère à l'optimiste.

La réunion s'est terminée par les questions du public
Par ailleurs, une partie des Français s’étant appauvrie ces dernières décennies, il devient de plus en plus malaisé de persuader un électeur démuni qu'il est plus heureux qu'un étranger en errance. D’où cette interrogation : La France a-t-elle encore les moyens financiers de ses actions caritatives ? Ces préoccupations seront forcément abordées dans les mois qui viennent dans la perspective des Présidentielles…

Yannick Flochlay encadre les migrants
• L’association Escale, dont le siège est à La Rochelle, est chargée de l'insertion professionnelle, des domaines médical et social et de l'accueil des personnes précaires. L’Etat lui a confié l’encadrement des jeunes Soudanais hébergés au centre de la RATP de Saint-Georges de Didonne.

• Jean-Marc Bouffard : « La venue des jeunes Soudanais ne pose pas de problème. Je ne pourrais pas en dire autant des gens de voyage arrivés en grand nombre l’été dernier. Ils se sont installés sur un terrain sans autorisation, au grand dam des riverains »…

• Parmi l’aide directe, les migrants perçoivent un petit pécule de 40 euros par mois. 

• Le Front National compte de nombreux militants sur la région de Royan. A cette réunion regroupant quelque 300 personnes, ils étaient « entre 60 et 80 » selon les estimations

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