lundi 4 novembre 2013

SMIDDEST : Jacky Quesson s'étonne du grand nombre d'études...


La réunion du Smiddest (Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde), qui réunit la Gironde et la Charente-Maritime, s’est tenue lundi à Royan sous la présidence de Dominique Bussereau. Si les acteurs des deux départements se retrouvent sur certains points, d’autres entraînent des tiraillements…


À l’heure où les Bretons ont démontré qu’ils tenaient à leur terroir, les Charentais-Maritimes et les Girondins veulent pareillement défendre leurs intérêts au cœur d’un syndicat qui réunit les deux rives de l’estuaire de la Gironde. Les représentants en sont les conseils généraux et régionaux ainsi que la CUB de Bordeaux (depuis la tempête Xynthia) et la CARA que préside Jean-Pierre Taillieu à Royan. Des communautés de communes, comme la CDC de Haute Saintonge, voudraient bien y faire leur entrée, mais elles devront attendre un peu.

Lundi dernier, il fut une nouvelle fois question du SAGE (syndicat d’aménagement et de gestion des eaux), sujet qui divise manifestement les décideurs. Depuis la tempête de décembre 1999 qui faillit provoquer d’importants dégâts sur la centrale nucléaire de Braud Saint-Louis (depuis, elle a rehaussé ses digues), les élus sont vigilants. Récemment, le Smiddest a lancé une étude sur les risques que provoquerait une inondation dans le secteur de la CUB bordelaise. Il en ressort plusieurs pistes pour éviter que Bordeaux n’ait les pieds dans l’eau. La première serait de créer des zones d’expansion vers les marais. Certaines communes y sont catégoriquement opposées en raison d’habitats isolés et de terres agricoles. La seconde serait de réduire les dégâts de la crue en provoquant un débordement minimum sur Bordeaux.

Réunion présidée par Dominique Bussereau (la présidence changera l'été prochain)
« De toutes les manières, l’eau s’écoulera quelque part, c’est la loi de la nature » souligne Benoît Biteau, conseiller régional. Pour Jacky Quesson, conseiller général de Saint-Genis, il n’est pas question d’opposer les uns aux autres, mais de répartir les zones d’expansion sur des deux départements : « je vous rappelle que la CUB de Bordeaux devrait doubler sa population d’ici 2050 et qu’en conséquence, elle voudra se protéger des inondations. Ce sera forcément au détriment de tous les autres ». Et de citer l’exemple de logements haut de gamme en cours de construction sur les quais de la capitale girondine, dans le cadre de la défiscalisation. « Il est évident que les futurs propriétaires ne voudront pas jouer les Vénitiens ! ». Pour Dominique Bussereau, il est urgent de définir des priorités.
Les Aquitains recherchent, quant à eux, une solution acceptable sur l’aire urbaine étendue. La volonté des élus de Gironde est de se cantonner aux marais du haut Médoc, Blanquefort, presqu’île d’Ambès. « Les impacts doivent être équilibrés sur ce secteur. Il est faux de dire que nous allons inonder la rive droite de l’estuaire. La partie des marais du Blayais, qui s’étend de Meschers à Blaye, ne sera pas touchée » explique la députée Pascale Got.
« Il faudrait une étude sur la totalité de l’estuaire » suggère Jean-Pierre Taillieu, président de la Cara. Jérôme Baron, chargé de mission au Smiddest, estime qu’une stratégie est à élaborer à l’échelon global. « Faisons une note claire sur le sujet » propose Dominique Bussereau tandis que Jacky Quesson s’exclame : « Nous n’arrêtons pas de faire des études qui coûtent cher pour le moindre sujet. Dans quatre générations, on y sera encore ! On dit tout et son contraire. Nous avons d’abord eu un plan d’ensemble, puis nous revenons sur des zones ciblées. Il serait bon de prévoir une modélisation sur la totalité des communes de l’estuaire ».

Jacky Quesson, Régine Joly.
Même s’ils ne s’expriment pas tout haut, plusieurs participants abondent dans son sens. Inutile de dépenser encore et toujours : « En ce qui concerne les crues, l’expérience des anciens pourrait être utile, mieux que des bureaux d’études, et nous savons ce qui s’est passé avec Klaus et Xynthia. Nous avons donc des références. À nous d’en tirer parti pour élaborer une action qui ne sera pas préjudiciable aux riverains ». Affaire à suivre…

• Un logo pour le Smiddest

Il est des sujets moins stressants ! Le cabinet ABC a présenté les conclusions de l’audit quant à la stratégie de communication du Smiddest. Chacun a bien conscience que l’estuaire est ‘‘extra-ordinaire’’ ! Parmi les actions envisagées, la création d’un logo qui mettra en scène le phare de Cordouan. Après Fort Boyard, qui est aujourd’hui l’emblème de la Charente-Maritime, cette sentinelle fait l’unanimité car « elle est la porte de l’estuaire ». L’édition du magazine sera poursuivie, un site internet sera ouvert et des événements organisés. La présence du Smiddest à « Bordeaux fête le fleuve » est envisagée en 2015. Budget prévisionnel de ces actions 61 000 euros. Les responsables pensent que le Smiddest doit porter un message fort sur l’estuaire en y associant tous les acteurs du tourisme (CRT, CDT).

Jérôme Baron, Pascal Ferchaud, Yves Pérochin
• Orientations Budgétaires du SMIDDEST (budget voté le 21 décembre prochain)
Budget principal = 779 000 € ; budget annexe "gestion de l'eau" comprenant SAGE et PAPI = 1025000 € dont 600 000 € pour une seule action du SAGE en 2014 concernant le plan de gestion des vases ; budget annexe Cordouan = 288 000 €

• Les grands axes de la stratégie estuarienne 2014-2020 

Le Smiddest a compétence pour encadrer le PAPI Estuaire (programme d’action de prévention contre les inondations) tandis que le Conseil général sera maître d’ouvrage sur l’ensemble du département. Le Smiddest doit élaborer avec ses partenaires des stratégies, prendre en compte les besoins de la population, innover, intégrer les aires urbaines, mettre en place les programmes (Dial, ex Leader, plan Adour Garonne nouvelle génération, rechercher des crédits européens, nationaux et régionaux). Un plan d’action sera présenté dans les mois à venir (les présidents des CDC sont invités à faire remonter leurs projets). Un rendez-vous aura lieu avant mi-décembre entre Philippe Plisson et Alain Rousset. La région Poitou-Charentes y sera-t-elle invitée ainsi que les préfets ?

• Le phare de Cordouan nécessite des travaux


Désormais géré par le Smiddest, le phare connaît une fréquentation record. Et c’est sans doute là que le bât blesse : le plus beau phare de France peut-il supporter une telle fréquentation, banc de sable y compris. La sonnette d’alarme est tirée par Jean-Pierre Taillieu qui souligne l’urgence d’y accomplir des travaux. D’autant que le dossier pour un classement à l’Unesco est dans l’air du temps. « On est en insécurité dans ce phare et aux environs immédiats, il y a trop de monde. Normalement, il faut un guide pour encadrer trente personnes. Un de ces jours, on va se retrouver en correctionnelle. L’été dernier, un hélicoptère de la Sécurité civile a failli ne pas pouvoir se poser sur le banc pour secourir un blessé. On ne peut pas laisser le phare dans cet état » déclare Dominique Bussereau.
Une commission de sécurité a été chargée de dresser un état des lieux. L’Association de sauvegarde du phare sera sollicitée pour apporter une contribution financière aux travaux. En ce qui concerne la gestion proprement dite, il manque actuellement 25 000 euros. Jacky Quesson suggère d’augmenter le prix d’entrée (de 8 à 9 euros).

• Aire marine 
Alors que celle d’Arcachon serait sur les rails, l’aire marine charentaise-maritime est au point mort. En octobre dernier, l’Association « une Pointe pour tous » a adressé un courrier à Philippe Martin, ministre de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, l’interpellant sur le retard inquiétant pris dans la signature du décret de création du Parc Naturel Marin Estuaire de la Gironde Pertuis Charentais. Pour sa part, Dominique Bussereau rappelle qu’il a, à plusieurs reprises et de diverses façons (courrier, entretien, questions écrites), interrogé le ministre sur ce dossier.
Il réaffirme également son attachement à la mise en œuvre d’une politique maritime intégrée et à la création de ce Parc…

Sophie Labbé, créatrice de parfums : « L’immortelle me rappelle la Côte Sauvage »


Elle a un charme incroyable. Sophie Labbé est ce que l’on appelle un « nez » qui crée des parfums de renom dont Parisienne d’Yves Saint-Laurent ou Mon jasmin noir de Bulgari. Distinguée récemment par l’Académie de Saintonge, elle parle magnifiquement de son métier et surtout des odeurs qui composent son univers. L’une de ses fleurs préférées est l’immortelle. Elle lui rappelle la Côte sauvage et cet océan que le baigneur découvre après avoir traversé chênes verts et dunes façonnées par le vent. Née à Saintes, elle n’a rien oublié des effluves de son enfance ! Le parfum est une émotion qu’elle met en scène. Il laisse derrière chaque femme un sillage qui les rend plus belles. Sophie Labbé explique le chemin qui l’a conduite à exercer cette profession. En 2005, elle a été la première femme à recevoir le prix François Coty. 

• Sophie Labbé, quand avez-vous senti que votre nez avait quelque chose d’exceptionnel ?

 J’ai toujours été très sensible aux odeurs qui m’entouraient, mais je n’imaginais pas que l’on pouvait utiliser son nez pour exercer une profession passionnante.

• Parlez-nous de votre carrière professionnelle. Comment devient-on un « nez » pour les grands parfumeurs ?

Je ne savais pas que ce métier existait jusqu’au jour où j’ai lu un article sur l’ISIPCA (Institut Supérieur International du Parfum et de l’Aromatique Alimentaire), école qui forme aux métiers de la parfumerie. Avant de postuler dans cette école, j’ai souhaité rencontrer des parfumeurs. J’ai eu la chance de connaître Jean Kerléo, le parfumeur de la maison Patou à cette époque. Il m’a expliqué son métier et j’ai alors été convaincue que c’était la profession que je voulais exercer. Ensuite, j’ai passé deux ans à l’ISIPCA et suis sortie major de ma promotion en 1987.

 • À l’Académie de Saintonge où vous avez été distinguée, vous avez parlé, avec une grande poésie, des odeurs de votre enfance à Saintes et dans la région. Quels sont les effluves auxquels vous êtes sensible ?

Pour devenir parfumeur, il n’y a pas de chemin tout tracé. En ce qui me concerne, à la sortie de l’école, j’ai été l’assistante d’un parfumeur pour une société internationale. Ensuite, après avoir fréquenté l’école interne de cette maison de parfums, je suis devenue Parfumeur Junior. En 1992, je suis entrée chez IFF (International Flavors and Fragrances) et, au fil des années, je suis devenue Parfumeur, Parfumeur Senior et aujourd’hui Parfumeur Vice-Président. Quels sont les effluves qui m’émeuvent le plus ? J’adore l’immortelle car elle me rappelle le chemin qui mène à la Côte Sauvage. L’immortelle a des facettes multiples : elle sent la note épicée du curry ainsi que le côté gourmand d’un sirop d’érable. Elle sent aussi une peau chauffée au soleil. C’est une odeur très addictive !

Sophie Labbé et sa marraine à l'Académie de Saintonge,
Roselyne Coutant
• Quels sont les parfums que vous avez créés dont vous êtes la plus fière ? La Cologne du 68 de Guerlain est celui que préfère votre marraine à l’Académie, Roselyne Coutant. 

Les parfums que j’ai créés et dont je suis fière ?
C’est une question très difficile comme « Le Choix de Sophie » !

 • Imaginons-nous dans votre laboratoire. Comment s’élabore un parfum ?

L’élaboration d’un parfum peut prendre entre neuf mois à deux ou trois ans. Après la remise du brief qui est le cahier des charges de la société cliente (la marque), nous commençons à imaginer la réponse la mieux adaptée pour traduire cette demande en parfum. Puis nous proposons à la marque notre interprétation à son brief. S’il y a un coup de cœur, nous allons développer ensemble le parfum. Notre rôle est de comprendre ce que recherche la société cliente et de le suggérer en parfum. Nous sommes des traducteurs de mots et d’émotions en parfum ! Sur le plan pratique, les parfums s’écrivent comme des recettes avec la liste des ingrédients et en face, les quantités. Nous travaillons dans un bureau et nos formules sont consignées dans l’ordinateur. Une assistante va peser la recette et nous la faire sentir. Les sources d’inspiration sont multiples : un voyage, un souvenir d’enfance, un plat exotique, une lecture, de nouveaux ingrédients issus de la recherche, des arômes.


 • Etes-vous nombreux en Europe à exercer ce métier bien particulier ? 

Je ne connais pas le nombre de parfumeurs en Europe, mais je sais que chez IFF, nous sommes une petite centaine au monde ! Nous sommes partagés en plusieurs catégories : ceux qui créent des parfums dont le support est l’alcool (parfumerie fine dont je fais partie), ceux qui créent les parfums pour la beauté et le soin (déodorant, gel douche, lait pour le corps, shampoing) et enfin ceux qui développent les parfums pour la maison (lessives, adoucissants, nettoyants).

• Quels vos projets ?

Les projets sur lesquels je travaille aujourd’hui sont secrets. Je ne peux rien dévoiler !

 • Y a-t-il un parfum idéal que vous aimeriez créer ? Et pourquoi pas le dédicacer à l’Académie de Saintonge !

Le parfum idéal que j’aimerais créer et dédier à l’Académie de Saintonge ? Lors de la remise du prix, dimanche 13 octobre dernier, une idée m’a été soufflée et j’ai très envie de la réaliser, d’autant plus qu’elle serait liée à ce prix !


 • Parmi les parfums que Sophie Labbé a créés : Organza de Givenchy, Very Irresistible de Givenchy, Jasmin Noir de Bulgari, Parisienne d’Yves Saint Laurent, Eau des Jardins de Clarins, Promesse de Cacharel, Beauty de Calvin Klein, la Cologne du 68 de Guerlain, Signorina de Salvatore Ferragama. 

• Choisir son parfum : Sélectionner quatre ou cinq parfums. Les sentir sur un testeur en parfumerie. Quand l’un d’entre eux vous procure une émotion, vaporisez-le à l’intérieur du poignet et sur un morceau de tissu (mouchoir, foulard) puis vivez vingt-quatre heures avec. S’il vous plaît, si vous vous sentez plus belle, plus confiante, si votre entourage vous fait des compliments, c’est lui qui vous convient !

Au XIVe  siècle, les taxes faisaient déjà grincer des dents !


Que les dirigeants veuillent prélever des taxes n’est pas une nouveauté. L’histoire est jonchée de révoltes qui agitèrent les provinces. L’histoire que nous avons choisie se déroule dans la région et c’est le Pape lui-même qui lève des fonds ! En 1326, en effet, Jean XXII, pour subvenir aux besoins pressants de l’Église (il lutte contre une hérésie), ordonna la levée d’un subside sur la province ecclésiastique de Bordeaux. Un manuscrit contient les comptes de cette opération rendus par un envoyé du Saint-Père, Faidit Giraudon, qui paraît avoir été un mandataire habile. La contribution avait bien le caractère d’un impôt forcé, mais le quantum demandé à chaque bénéfice donnait matière à débat et on rencontre plus d’une fois la trace de compléments obtenus arrondissant une souscription primitive.
Il y eut aussi des refus, fort nombreux dans le diocèse de Saintes en particulier ; Faidit Giraudon eut le talent de faire revenir une foule de futurs imposés sur leur réponse négative, « Madame de Saintes », l’abbesse de l'Abbaye aux Dames en tête.
Sur le secteur de Saintes, l’évêque Thibaud de Chastillon promit, le 17 décembre 1326, mille florins qu’il versa le 3 août 1327. Le chapitre s’imposa pour 100 florins, acquittés le même jour. La recette fut de 2 252 florins, plus 1 770 livres 16 sols tournois.

Sculpture d'Aliénor d'Aquitaine (photo Nicole Bertin)
 Non loin de Saintes, l’église de Chaniers est la seule à posséder, avec Libourne, un chapiteau comportant la sculpture d’Aliénor d’Aquitaine. Depuis son remariage avec Henri Plantagenêt en 1152,  La Saintonge, la Guyenne, l’Angoumois et le Poitou étaient partie intégrante d’une grande Aquitaine, sous influence anglaise. Sur la paroisse de Chaniers, s’élevait le prieuré Dorion, aujourd’hui disparu.

Jean-Louis Berthet : « Les élus locaux constituent l'un des groupes de pression les plus puissants du pays »


S’il est un homme qui conjugue plusieurs cordes à son arc, c’est bien Jean-Louis Berthet. Magistrat à la Cour des Comptes, élu (dont un mandat à Lignières Sonneville en Charente) et maintenant écrivain. Son dernier ouvrage paru aux éditions du Croît Vif, « Les naufrages de Géricault », lui a valu d’être récompensé par l’Académie de Saintonge où il a reçu le prix de la ville de Rochefort. Car il aime la Charente-Maritime et ne s’en cache pas ! 
Esprit ouvert, fidèle à lui-même, cet observateur avisé répond en toute franchise à nos questions.


• Jean-Louis Berthet, vous êtes un homme aux multiples facettes. Commençons par celle de l’écriture. Dans quelles circonstances vous êtes-vous intéressé aux naufragés et aux naufrages du célèbre peintre Géricault ?

Je me suis d’abord intéressé à Géricault parce qu’il venait, il y a deux cents ans, visiter son oncle et sa tante au château du Chesnay, près de Versailles, dans la commune où j’habitais.
J’ai découvert qu’il y avait vécu un amour clandestin et dramatique, au moment même où il peignait, dans la solitude et la dépression, son tableau le plus célèbre « Le Radeau de la Méduse ».
J’ai alors compris que tout était lié et j’ai raconté le naufrage de la Méduse, partie de la Charente-Maritime et perdue au large du Sénégal, le naufrage de l’amour de Géricault, le naufrage de sa vie brisée à trente-deux ans et enfin le long naufrage de son fils non-reconnu, sacrifié dès sa naissance. Ces vies malheureuses sont à l’image de beaucoup de vies. Seule, la maîtresse de Géricault réussit - je raconte comment - à surmonter plus ou moins bien les tragédies de sa vie. Par un curieux hasard, ce livre m’a conduit à évoquer trois pays liés à ma propre histoire, la Saintonge, Le Chesnay, Paris et la Normandie où s’acheva la dernière de ces tristes histoires.


• Deux autres personnalités ont retenu votre plume, Gustave Cuneo d’Ornano, le dernier bonapartiste, sans compter un curé de campagne au pays du Cognac. Quand peut-on dire qu’un personnage vous inspire ?

J’ai écrit ces biographies pour tenter de comprendre des êtres et des vies qui m’intriguaient. Un journaliste corse né à Rome qui devient député de Cognac en 1876 et qui, pendant trente ans, demeure bonapartiste alors que la République est solidement installée en France, comment était-ce possible ? Un curé qui, en plein vingtième siècle, renonçant à toute ambition, demeure cinquante ans curé d’un village de Grande Champagne dont j’ai été l’élu et qui conserve une foi intacte à travers les bouleversements de la société et de l’Église, comment était-ce possible ? Finalement, en écrivant leurs vies, j’ai compris que ce qui les caractérisait, c’était la fidélité, une qualité trop ignorée qui mériterait d’être revalorisée. En effet, en étant fidèle à soi, ce qui est la vraie fidélité, on accomplit son destin et on peut vivre heureux.

• Avez-vous d’autres projets littéraires concernant la région ?


Beaucoup trop pour le temps qui me reste. J’ai commencé un roman qui se déroule à Angoulême, en Grande Champagne et à Royan. Je fais des recherches en vue d’écrire un jour, peut-être, la biographie d’un Charentais un peu oublié et celle d’un homme de guerre qui choisit de vivre dans les Charentes d’une autre époque.


En recueillant ses confidences et les témoignages de ceux qui l’ont connu, Jean-Louis Berthet a éclairé la personnalité et l’œuvre de l’abbé Perrin.

• Vous êtes « Charentais de cœur ». Vous dites aimer les cités proches de la nature. L’avez- vous trouvée en Charente-Maritime ?

Dans les deux Charentes, j’ai trouvé, entre autres choses, la luminosité des ciels reflétée sur les vignes ou les marais, la simplicité d’une terre cultivée au milieu des vestiges d’antiques forêts, la clarté rassurante des maisons blanches et la paix des fleuves nonchalants. Et aussi une longue histoire tourmentée.

• Autre corde à votre arc, la Cour des Comptes dont vous avez été magistrat. Elle a pour mission de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’en informer les citoyens. Or, le dernier rapport soulève une sérieuse dérive des dépenses générées par les structures intercommunales en particulier. Pensez-vous que la Cour des Comptes puisse avoir une réelle influence sur la gestion des élus ?

Je le voudrais, mais j’ai du mal à le croire. Les 500 000 élus locaux, dont la plupart sont d’un dévouement admirable, constituent un des groupes de pression les plus puissants de notre pays. Grâce au cumul des mandats, que la dernière loi n’a nullement supprimé, ils dominent le Parlement. Or, ils aiment les structures intercommunales car celles-ci leur procurent de multiples indemnités.
Le maire d’une commune importante peut cumuler cinq ou six indemnités dans les communautés de communes, dans les syndicats à compétence multiple ou unique, dans les conseils généraux, sans parler d’autres institutions. Ils en vivent. Comment voulez-vous qu’ils renoncent à tant d’avantages ?

• Précisément, vous avez été élu et avez appartenu à des cabinets ministériels. Évoluer au cœur de la vie politique, est-ce une étape indispensable pour mieux comprendre les rouages de la Nation ? Quelles expériences en avez-vous retiré ?

J’ai beaucoup aimé les fonctions que j’ai exercées auprès des ministres et dans les collectivités locales. On peut y agir dans l’intérêt général, de façon désintéressée, ce qui est quand même plus passionnant que de chercher à gagner de l’argent, et on partage une aventure collective avec ses contemporains. J’y ai beaucoup appris, notamment à aimer les êtres.
J’ai eu l’impression d’être utile, ce qui est peut-être un des secrets du bonheur. Mais j’ai rencontré trop d’ambitions dérisoires, trop d’égoïsmes individuels ou corporatifs, trop de mensonges et de tromperies, trop d’autoritarisme sans scrupule, trop d’inégalités et d’injustices pour en avoir gardé un souvenir uniquement positif. En fait, ce ne sont pas tous les êtres qui sont mauvais, mais les institutions, qui sont souvent faibles ou viciées, et la démocratie, qui est toujours imparfaite.

• Vous avez été vice-président du Conseil général des Yvelines. Que pensez-vous du redécoupage des cantons et du tandem homme/femme qui va en résulter ?

On devrait regrouper les régions, supprimer les conseils généraux et regrouper les communes pour être efficace. Je suis également favorable à tout ce qui permet aux femmes d’accéder aux responsabilités publiques.

• Estimez-vous, à une époque où le Front National enregistre des intentions de vote importantes, qu’une réforme de l’État s’impose ?

L’État devrait avoir comme devise celle de l’Église protestante : « Semper reformanda ». Aujourd’hui, trois réformes sont nécessaires et impossibles : la simplification des structures politiques que j’ai évoquée en réponse à la question précédente, avec la fin du cumul des mandats, la création d’une Europe confédérale et la modernisation complète de notre système éducatif dans le seul intérêt des enfants et des adolescents. Et aussi, peut-être, la constitution de deux nouvelles institutions internationales, une francophonie décomplexée et heureuse et une Union de la Méditerranée fraternelle. Certains prétendent que ce sont des rêves, ce qui leur permet de s’enfermer dans un conservatisme qui leur profite et fait de notre pays une petite province cancanière. Mais les vraies questions qui se posent à nous, ce sont moins celles de l’État que celle du monde dont nous dépendons. Or, sans une autorité mondiale impossible à imaginer, l’environnement va continuer à se dégrader, l’organisation économique et financière va continuer d’accentuer les inégalités et les injustices, les guerres vont continuer de ravager l’humanité et d’humilier les moins forts.

• Dans une interview, vous avez déclaré que votre occupation préférée, c’était vivre. Que manque-t-il à cette vie déjà bien remplie que vous aimeriez concrétiser ?

Je voudrais ne pas vieillir et ne pas mourir. Il paraît que c’est impossible. J’aimerais revoir les paysages et les villes que j’ai aimés. Cela devient de plus en plus difficile. J’aimerais aider mes enfants et mes petits-enfants à être heureux. C’est peut-être impossible mais, heureusement pour eux, ils n’ont pas besoin de moi. Alors, il me reste à savourer chaque heure de bonne santé qui passe, ce qui n’est pas une petite occupation, à aimer encore plus ceux que j’aime et à écrire quelques livres qui me permettent de partager avec quelques lecteurs le bonheur d’être vivant et l’émotion devant la beauté du monde et les mystères de la vie.

Une passion pour l'écriture
Un parcours bien rempli

Né en 1941, Jean-Louis Berthet est diplômé d’études supérieures de droit public, licencié en littérature comparée, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris - où il a d’ailleurs enseigné de 1973 à 1987 -, ancien élève de l’École nationale d’administration (promotion Turgot, 1966-1968). Il a occupé plusieurs postes au sein de cabinets ministériels (dont le cabinet de Jean-Pierre Soisson, ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs).
Après un passage dans le privé, de 1982 à 1985, il est élu premier adjoint au maire du Chesnay en 1983. En plus de ses fonctions de conseiller référendaire, il a été rapporteur adjoint au Conseil Constitutionnel (1987-89), commissaire aux Comptes de l’ONU (1986-89), chef du contrôle externe du FMI en 1992, contrôleur des comptes du Programme alimentaire mondial (PAM) de 1996 à 1998, membre puis président de section à la Commission des infractions fiscales depuis 1995. Conseiller maître à la Cour des Comptes en 1989, président de section en 2000.
Premier adjoint du maire du Chesnay de 1983 à 1992, il a été élu conseiller général du canton du Chesnay en 1992 et vice-président du Conseil général de 1998 à 2011.
Fondateur (en 1987) et président de l’association « Le Chesnay, d’hier à aujourd’hui », il est le directeur de la revue annuelle « Les Annales du Chesnay » où il a publié de nombreux articles d’histoire locale.
Il est l’auteur de plusieurs essais : Les Reflets de la Charente en 1984, Une histoire de France en 1987, Les institutions de la Ve République en 1987, Une éducation politique en pays charentais en 2008 et Un curé de campagne au pays du cognac en 2010.
Il est l’auteur de deux ouvrages biographiques, Les naufrages de Géricault en 2012 et Gustave Cuneo d’Ornano, le dernier bonapartiste en 2013, tous deux publiés aux éditions du Croît Vif à Saintes.
Il anime également un blog.