président du Collège de Médecine Générale de France
Organisées en octobre dernier à Royan et Saujon, les journées de la psychiatrie ont réuni des praticiens de renom. Parmi eux, Pierre-Louis Druais, professeur d’université et président du Collège de la Médecine Générale française, tire la sonnette d’alarme quant à un usage prolongé des benziodiazépines. Une benzodiazepine est le nom générique de diverses substances employées comme tranquillisants. La France étant l’un des premiers consommateurs de psychotropes et d’anxiolytiques en Europe, quels sont les effets secondaires réels de ces médicaments s’ils sont pris sur une longue durée ? En effet, un Français sur cinq en consomme. Agissant sur le système nerveux central, ils sont indiqués dans le traitement de l’anxiété, les états d’agitation, les troubles sévères du sommeil, l’épilepsie et les contractures musculaires. Ils peuvent toutefois présenter des risques selon l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé), 50,2% des anxiolytiques et 37,6% des hypnotiques contenant ces fameuses benzodiazépines. Leur consommation exposerait à des risques tels que les troubles de la mémoire et du comportement ainsi qu’à une dépendance psychique et physique. Certaines études suggèrent un lien entre benzodiazépines et la maladie d'Alzheimer.
Au micro, le professeur Pierre Louis Druais aux côtés de Christophe André, psychiatre |
Le Collège de la Médecin Générale est une association née à l'initiative des syndicats représentatifs de médecine générale et de sociétés scientifiques reconnues par la profession. Elle regroupe également la société universitaire ainsi que des structures, d’envergure nationale, qui assurent la formation. Le Collège de la Médecine Générale a pour objectif de faciliter la qualité de l’exercice professionnel de la médecine générale. Le Collège de la Médecine Générale est le représentant officiel de la France auprès des instances européennes et à la Wonca (World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians).
• Actuellement, la France s’inquiète. Plusieurs régions vont manquer de médecins généralistes dans un proche avenir ?
On manque de médecins généralistes installés. En deuxième cycle des études de médecine, une formation à la médecine générale est proposée, accompagnée d’un stage d’une durée de dix à douze semaines. La loi prévoit d’ailleurs que tous les étudiants fassent un stage en médecine générale pour découvrir cette discipline et mieux l’identifier. Cette opportunité leur permet de choisir leur spécialité après le concours d’internat qui termine le deuxième cycle. Le problème actuel est le suivant : seulement 20 à 25% des étudiants titulaires du DES de médecine générale s’installent dans un délai de 4 à 5 ans après la fin de leurs études. Le DES (diplôme d’enseignement spécialisé) dure trois ans ; il comprend des stages de médecine générale et hospitalière, formateurs à la médecine générale. Il s’agit d’un programme global national. Un médecin généraliste doit être capable d’utiliser ses savoirs de façon pertinente et adaptée en fonction de chaque situation. C’est un métier à haut niveau de compétences, où il faut avoir une démarche clinique solide, prendre du temps et bien écouter ses patients. Prenons par exemple un mal à la gorge. Le patient peut en souffrir parce qu’il est inquiet et angoissé ou encore parce qu’il est en train de faire une leucémie. Ce n’est pas tout à fait la même chose ! Le médecin généraliste évolue entre ces deux extrêmes.
• Parfois, vous comparez les médecins généralistes à des « oiseaux de malheur » ?
Le médecin généraliste reçoit majoritairement des patients qui souffrent de maladies chroniques. Il leur apprend à vivre avec. Comme elles évoluent, il les accompagne vers une issue souvent fatale. Parallèlement, il aide la famille à vivre avec un parent malade en ayant une approche systémique. Quand une mère est atteinte d’un cancer, il n’est pas rare qu’un désordre scolaire en découle auprès de ses enfants. Il faut donc anticiper. Nous sommes des médecins de famille avant tout !
• La profession de médecin généraliste a beaucoup évolué depuis la création des cabinets médicaux. Il fut un temps où il pratiquait les accouchements !
Effectivement, autrefois, il n’était pas rare que les médecins généralistes pratiquent des accouchements. Dans ma carrière, je n’en ai fait qu’un seul, un dimanche. Il y a maintenant un système organisé des soins. Quel est notre rôle ? Nous avons à gérer des patients qui rencontrent de graves problèmes de santé. La population vieillit et le nombre de personnes atteintes de maladies à haut niveau de morbi-mortalité a augmenté. Dans mon cabinet, je traite en moyenne trois à quatre patients par jour atteints d’un cancer. Je les accompagne dans leur traitement et peux également intervenir sur les processus de soins. Quand le patient entre en phase terminale, c’est souvent le médecin généraliste qui demande l’arrêt du traitement au cancérologue. Aujourd’hui, nous assistons malheureusement à une surenchère thérapeutique de chimiothérapie de certains patients. Le rôle du généraliste est de redonner à son patient du confort et du bonheur. Récemment, j’ai fait arrêter le traitement d’une patiente atteinte d’un méchant cancer de l’ovaire. Ainsi, elle a profité de cinq mois de liberté en passant ses vacances sereinement. La famille vous-t-elle aidé dans cette démarche ? C’est un travail de collaboration. Ce n’est pas à la famille de s’adresser au cancérologue, mais au médecin traitant. Le médecin généraliste est un grand négociateur.
Conférence à Royan : on reconnaît entre autres Pierre Louis Druais, président du Collège de Médecine Générale, les psychiatres Olivier Dubois (Saujon), Jean-Pierre Olié et Christophe André (Paris). |
Quand un médicament a une forte puissance d’action, il faut l’utiliser dans des situations où il est hautement nécessaire et non pas comme un médicament de confort, voire de routine. L'usage à long terme des psychotropes est problématique en raison de l'apparition d'une accoutumance, d’une tolérance, d’une dépendance tant physique que psychique et d'un syndrome de sevrage à l'arrêt de consommation. La délivrance des benzodiazépines ne peut se faire que sur prescription médicale. Dans certains cas, on constate des dégénérescences. Je pense à certains patients qui ont pris régulièrement des anxiolytiques pendant une trentaine d’années. Le volume d’anxiolytiques qui arrive en France tous les ans est révélateur : une tonne est consommée par les patients.
• Comment changer les habitudes de prescription des médecins généralistes ?
Je fais partie de ceux qui l’enseignent à la nouvelle génération de médecins. Ils sont d’ailleurs très peu prescripteurs de psychotropes, d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs. Ils prescrivent de manière pertinente et adaptée à chaque cas. Ce sont des médicaments qui sont nécessaires, mais ils doivent entrer dans des cases nosologiques bien spécifiques avec un diagnostic d’anxiété sévère. Tout cela doit être fait de façon précise et non au bon vouloir du patient qui arrive en disant « j’ai des angoisses, donnez-moi ce médicament ».
• Comment la France en est-elle arrivée à consommer autant d’antidépresseurs ?
Le problème de tous les jours, comme je vous le disais, est le patient de 75 ans qui arrive en disant : « docteur, vous n’oublierez pas de me prescrire mon somnifère ». Si je ne le met pas sur l’ordonnance, il ira le chercher ailleurs, je ne me fais aucune illusion. En tant que prescripteur, chaque cas est différent : un patient anxieux par exemple a besoin d’anxiolytiques car il a le droit de vivre avec un confort de vie. Les anxiolytiques sont des médicaments actifs, c’est pourquoi il faut les prendre avec précaution. N’oublions pas que la première cause de chute et de fracture chez les personnes âgées est précisément la prise d’anxiolytiques. Il existe d’autres solutions pour soulager les patients, médecines douces, psychothérapie, etc.
Propos recueillis par Nicole Bertin
Un nombreux public réuni à Royan pour les Entretiens de la Psychiatrie |
• Le Collège de la Médecine Générale appelle à signer une pétition pour l'évolution du système de DPC (Développement Professionnel Continu). Les organisations professionnelles et scientifiques du Collège de la Médecine Générale dénoncent unanimement une situation du DPC aujourd’hui établie : un système sans pilote, une gestion technocratique, un pillage par l'Etat des honoraires différés qui finançaient la FPC, la stratégie de vouloir le même régime de formation pour toutes les professions de santé. Nous voilà maintenant au pied du mur ! Les syndicats représentatifs de médecins ont déjà dénoncé dans un communiqué commun le 15 octobre dernier, les décisions autoritaires prises par l’OGDPC pour ‘solvabiliser’ un système à la dérive. Nous devons continuer, ensemble, à nous battre avec détermination pour faire reconnaître nos droits légitimes à une formation indépendante, adaptée aux besoins de santé de la population et aux besoins des professionnels. Aujourd’hui, le Collège de la Médecine Générale appelle toutes les organisations professionnelles, et les organismes de DPC à diffuser massivement une pétition pour l’évolution du système de DPC.
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