Il y a des jours où les combats sont épuisants. Ce ras-le-bol, le Dr Cleirec, psychiatre à l’hôpital de Saintes, l’a exprimé dans un récent courrier. Parce que les mots couchés sur le papier libèrent des pesanteurs et d’une situation qui lui semble injuste.
Qu’en est-il ? Il y a d’abord les problèmes financiers. Malgré l’augmentation des demandes, les fonds alloués au service (qui regroupe les secteurs de Saintes et de Saint-Jean d’Angély) sont en diminution. La crise financière de 2010 a entraîné une baisse du nombre de lits (de 59 à 52) et une réduction du personnel soignant.
S’y ajoutent de nouvelles dispositions : en effet, la direction envisagerait de prendre 80 m2 des bâtiments de la psychiatrie pour la destiner aux dialysés. « Conséquence, on va réduire l’espace de vie de nos malades. Je m’interroge sur le peu de cas qui est fait de la psychiatrie. En Saintonge, les malades mentaux sont de longue date différemment traités. La discrimination d’accès aux soins, liée à une disparité des moyens mis à la disposition de la population, a été actée, validée et reconnue par tous. Que dois-je conseiller à la douzaine de patients que je reçois par demi-journée ? Qu’ils aillent sur La Rochelle ou Bordeaux ? Nous ne pouvons pas absorber la clientèle laissée par nos collègues retraités » souligne le Dr Cleirec.
Le constat est préoccupant : quatre psychiatres libéraux saintais sont partis, de même que deux psychiatres libéraux angériens ; trois psychiatres libéraux jonzacais sont à la retraite tandis que les cliniques privées de Saujon et de Jarnac ne prennent plus de nouvelles consultations…
Le dr Cleirec |
« Un seul d’entre vous imagine-t-il ce que c’est que d’être interné, enfermé dans le boyau ‘bunkerisé’ du rez-de-chaussée, aujourd’hui aux fenêtres condamnées sous un prétexte administrativo-sécuritaire, soumis parfois pendant des années à un univers que tous nos visiteurs ont décrit comme inadapté ? » remarque le dr Cleirec. En effet, on peut demander pourquoi la psychiatrie de Saintes ne bénéficie pas d’un environnement mieux conçu. Il n’y existe pas d’espaces verts et l’endroit qui est réservé aux fumeurs est minuscule. Pas d’arbres, sinon une sorte de haie, pas de jardin même petit. La porte donne sur la route ou sur les secteurs bitumés.
Le dr Cleirec admet qu’un environnement moins minéral serait mieux indiqué, mais l’essentiel pour lui est la façon dont sont menées les politiques liées à la psychiatrie. « Il a trois ans, on nous a rogné trois millions d’euros. Maintenant, une partie de nos locaux devrait disparaître. Les soins des patients ont atteint leurs limites puisque nous ne pouvons pas répondre aux nouvelles sollicitations. Et pourtant, le phénomène va encore s’accentuer avec le vieillissement de la population, la paupérisation, les fragilités sociales et familiales, les ‘burn out’ des salariés. Que devra-t-on dire à tous ces gens ? On leur répondra qu’on ne peut rien pour eux ? Amputer un corps soignant chétif de longue date, mais sain, est une honte. Comment soigner dans de bonnes conditions avec des moyens réduits et une surface amputée ? Qu’on nous dise franchement les choses. Il faut tenir un langage clair » estime le Dr Cleirec.
Comme la médecine générale, la psychiatrie souffre de disparités territoriales persistantes, en matière d'équipements comme de présence de psychiatres. « L’organisation territoriale des prises en charge, la "sectorisation" psychiatrique, qui avait permis de sortir de la tradition de l'asile, fait l'objet d'une discrète et progressive mise en déshérence » remarquent les spécialistes. Jusqu’où ira-telle ? A moins qu’une délocalisation du service psychiatrique de Saintes sur un site mieux adapté ne vienne régler le problème ?
Nicole Bertin
Des tableaux réalisés par les patients de l'unité psychiatrique de Saintes |
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