mardi 18 octobre 2016

Zoo de la Palmyre : La formidable histoire de Claude Caillé

Son meilleur souvenir ? Sa rencontre avec les Pygmées…

En Charente-Maritime, tout le monde connaît le zoo de la Palmyre où des générations d’élèves accomplissent leur voyage scolaire de fin d’année, à la découverte d’espèces qu’ils n’auront jamais l’occasion de voir réunies dans la nature en un même lieu.
Un homme est à l’origine de ce lieu hautement fréquenté. Claude Caillé, disparu en 2011 à l’âge de 80 ans, a réussi ce tour de force. Portrait d‘un "passionné" dont le souvenir a été honoré récemment lors des cinquante ans du zoo. 
Ouvrons le livre des confidences (entretien de Claude Caillé réalisé en 2004)...

Claude Caillé, une passion pour les grands primates (© Zoo de la Palmyre)
Certains hommes ont “un fabuleux destin“. Parmi eux, le royannais Claude Caillé qui a créé l’un des plus beaux zoos d’Europe sur la côte atlantique. C’était en 1966.
À cette époque, il ignorait que ce lieu recevrait des flots de visiteurs, heureux de se retrouver face à une faune inattendue, singes, lions, guépards, toucans, pandas ou… serpents et chauves-souris.
Le monde animal est à portée de main, si proche qu’il vient l’envie de le toucher, comme ce lion qui vous regarde avec ses yeux dorés. Heureusement, une solide glace vous sépare du félin. Qu’importe, l’émotion est vive et vous en oubliez cette “barrière“ transparente, au demeurant nécessaire !

Dans les allées, en période de vacances, les familles déambulent et les enfants écarquillent leurs yeux : seraient-ils entrés dans l’arche de Noé ?
Claude Caillé, le maître des lieux, regarde cet environnement avec “tendresse“. Créer un zoo dans les pinèdes, était ambitieux. Avec sa femme Irène, son fils Patrick et une solide équipe, son rêve est devenu réalité. Son parcours démontre qu’avec détermination et courage, les projets - y compris les plus audacieux - sont réalisables. « Devant les difficultés, et elles n’ont pas manqué, j’ai toujours gardé mon sang-froid » avoue ce voyageur entreprenant. Confidences…

Claude Caillé en Afrique, chez les Pygmées
 Un zoo, sinon rien !

Claude Caillé est né à Rochefort, rue Voltaire où ses parents étaient marchands de journaux. « Mon père était sévère. Il m’a appris à lutter, à me battre dans la vie. Il a fait de moi un homme » reconnaît-il. Dès l‘âge de 14 ans, il l’accompagne dans les livraisons, se rendant à la gare dès 5 heures du matin pour récupérer périodiques et magazines. Il s’endurcit. L’une de ses passions est la course cycliste et il décroche le titre de Champion du Poitou sur route en 1949.
Qui va loin ménage sa monture ? Claude Caillé en a l’intime conviction. René Pumeroulie, son futur beau-frère, va déterminer son avenir. Il possède un parc animalier près de Limoges. Dans cet univers, Claude Caillé sent qu’il se passe quelque chose : « très vite, j’ai pris un réel plaisir à jouer les garçons de cage. J’ai alors pensé à monter mon propre zoo ». Malgré l‘importance du chemin à accomplir, il en est persuadé !

Dans un premier temps, il présente des animaux (mangouste, vautour, porc-épic, etc) dans les écoles. « En fait, il s’agissait d’un cours de sciences naturelles. Au départ, les instituteurs étaient sur la réserve. J’étais un inconnu ! Quelques-uns me prenaient pour un forain et ne donnaient pas suite, prétextant qu’ils n’étaient pas intéressés. Toutefois, avec l’autorisation des inspecteurs d’Académie à qui j’avais présenté mon programme, ils ont compris que ma prestation était sérieuse et j’ai poursuivi cette activité. Je faisais partager mon enthousiasme aux élèves » se souvient-il.

Avec son épouse, il sillonne l’hexagone : « nous avions un camion pour transporter les animaux et une caravane pour nous loger ». Pendant les congés, ils se retirent dans leur maison de Fouras où des enclos accueillent les pensionnaires. La nuit, la panthère Radja couche dans la cage d’escalier, attachée à une longue laisse. Quant à un lion nommé Prince, il est le compagnon privilégié de Claude Caillé : « Il m'accompagnait chez le coiffeur. Il ne s’est jamais habitué à la présence de ce lion dans son salon, les clients non plus. Aujourd’hui, je ne recommencerai plus ce genre de fantaisie. Je crains trop le risque que peut présenter un fauve en liberté ». On imagine la scène, en effet !

Complicité entre Claude Caillé et son lion !
L’Afrique et sa face cachée

Les tournées qui le conduisent à travers la France sont agréables, mais Claude Caillé n’en démord pas, il veut “son“ propre zoo. Pour y parvenir, il lui faut des animaux. La solution serait d’aller les chercher en Afrique. “L’aventure“ est possible puisque la convention de Washington, interdisant leur commerce, ne sera signée qu’en 1973 par trente-neuf pays. Dans sa tête, il se voit déjà attraper, avec une étonnante facilité, panthères, lions ou antilopes : « j’étais bien naïf ! » admet-il.

Au Gabon, il déchante. Ses pisteurs chassent en effet… mais pour se nourrir. Dans la brousse, les habitants se débrouillent comme ils le peuvent pour subsister ! S’il rentre bredouille en France, il a entrevu certaines réalités du continent noir et devient prudent. Gare aux fausses idées que se font les Occidentaux…

Claude Caillé et le peuple Masaï. Son meilleur souvenir, sa rencontre avec les Pygmées !
L’année suivante, il repart au Kenya où il obtient une autorisation de capture dans le secteur du lac Nakuru. Sur place, il achète une Land Rover et recrute une vingtaine de Kikouyous. À Rumaruti, ils construisent cases et corrals où sont regroupés girafes, zèbres et antilopes.
Quand son "cheptel" est suffisant, ironie du sort, il est totalement fauché. Il rentre au pays et demande à son équipe de surveiller les prises. Quand, trois mois plus tard, il y revient plein d’espoir, il tombe sur un lieu déserté. Les hommes ont disparu, les animaux aussi et le véhicule a été vendu. C’est la déconvenue totale.
Il doit repartir à zéro avec la certitude qu’une telle expérience forge le caractère : « mon retour ne fut pas glorieux comme vous pouvez vous en douter. J’ai repris les tournées dans les écoles ».

Un serpent, voilà qui produit un effet certain !
La chance revient quand il repart au Kenya : « j’ai toujours été bagarreur et têtu ». Devenu méfiant, il s’associe à un professionnel, Carl Hartley. La vente d’animaux à des zoos européens lui permet d’imaginer l’avenir sous un angle prometteur. Grâce aux fonds recueillis, il peut “se lancer“, sans crainte des lendemains.

Fouras ou Royan ?

S’étant constitué un “capital“, comme on dit dans le jargon, Claude Caillé entre dans la phase concrète. L’implantation du zoo reste à déterminer. Fouras ou la région de Royan ? Des pourparlers sont engagés. Finalement, Léon Nicolle, maire des Mathes, accepte de lui louer deux hectares et demi de terrain : « auparavant, on y cultivait des tulipes au printemps et il y avait un parc d’attractions, le Palmyrosa. Le lieu était connu du public. Nous avons commencé modestement avec une centaine d’animaux environ et trois employés. Avec ma femme, nous nous sommes transformés en maçons, menuisiers, serruriers, plombiers, peintres. Les travaux les plus conséquents furent confiés à des entreprises ». Elles jouèrent le jeu en acceptant d’être payées après la saison touristique : « pour boucler, 60 000 entrées étaient nécessaires. Nous en avons eu 125 000 ». Ce succès est encourageant.

Néanmoins, entretenir un zoo est une préoccupation de tous les instants. Du marché de Brienne, à Bordeaux, dès 4 heures du matin au soir, on est bien loin des 35 heures hebdomadaires. « C’est dans la répétition des tâches quotidiennes que se fait l‘apprentissage des animaux. Avoir un zoo, ce n’est pas seulement en être responsable. C’est aussi balayer, gratter, pousser les brouettes de fumier, charrier les caisses de légumes, vendre des billets, se transformer en nounou » souligne-t-il en riant !

Aujourd’hui, l’eau a coulé sous les ponts et le zoo de la Palmyre est le deuxième parc d’Europe par son infrastructure, sa propreté et son taux de reproduction. S’étendant sur quatorze hectares, il abrite 1 600 animaux. Il reçoit 750 000 visiteurs chaque année. Contrairement à Vincennes ou à Mulhouse qui dépendent d’organismes publics, le zoo reste privé. Patrick, le fils de Claude Caillé, en a pris les rênes. Au fil des années, des aménagements importants ont été réalisés dont des parkings et l’extension réservée aux primates, sur plusieurs hectares. Aux alentours, les bois sont gérés par l’Office National de la Forêt.

Malgré les aléas - dont un incendie qui a causé de grosses frayeurs en août 1976 et la tempête de décembre 1999 - le zoo poursuit son ascension. Il participe activement à la protection des espèces rares ou en voie de disparition. Des programmes d’élevage européens été mis en place : « le zoo de la Palmyre est partie prenante dans trente programmes et de nombreuses espèces sont suivies dans le cadre de recensements internationaux. Il est également l’un des membres fondateurs de la CEP, Conservation des Espèces et des Populations animales ».

NICOLE BERTIN

L'info en plus

• Participer aux repeuplements 

Les zoos contribuent à la sauvegarde d’animaux et d’oiseaux victimes de braconniers dans leur milieu naturel. Par le biais de programmes d’élevages européens, des animaux sont réintroduits dans leur milieu d’origine, quand les conditions sont acceptables, bien entendu. Ainsi, le tamarin loin doré, ce petit singe à la crinière de feu, est revenu au Brésil d’où il avait failli être chassé, victime de la déforestation et l’extension de la population humaine. Le zoo de la Palmyre participe à cette opération ainsi qu’à plusieurs autres : lâchers d’oryx et d’algazelles en Tunisie, dans la réserve de Sidi Toui, protection du lémur aux yeux turquoise de Madagascar en partenariat avec l’Association Européenne pour l’Étude et la Conservation des Lémuriens, d’orangs-outans à Sabah, en Malaisie. Sur place, le zoo aide financièrement un couple de médecins français travaillant à Bornéo, Isabelle Lackman-Ancrenaz et Marc Ancrenaz. Il soutient également le programme baptisé “West African Primate Conservation Action“ dont le but est d‘assurer la survie des primates dont le cercopithèque Diane de Roloway.

• Le fonctionnement des zoos a terriblement évolué. Fini ces cages où la bête n’est que curiosité ! On essaie, au contraire, de replacer l’animal dans les conditions où vit son groupe, lorsqu’il est en liberté. Cette notion requiert une bonne connaissance des comportements. Chez les rhinocéros, par exemple, les blancs et les noirs ont des coutumes et usages différents. Il est préférable de le savoir !


• Le zoo de la Palmyre, c’est 250 tonnes de fourrage, 70 tonnes de paille, 50 tonnes de viande, 20 tonnes de poisson, 180 tonnes de fruits et légumes divers, 20 tonnes de granulés et 7 000 litres de lait.

• Les zoos d’Europe travaillent en étroite relation. Les animaux ne sont jamais vendus, ils sont “prêtés“ par convention ou donnés. Depuis 1973, le commerce des animaux venant d’Afrique, d’Asie, etc est interdit dans le but de protéger des espèces menacées et d’endiguer les trafics, ivoire, etc (défenses des éléphants, dents d’hippopotames, cornes de rhinocéros).

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