mercredi 19 octobre 2016

Site Saint Louis : Ce que les fouilles préventives ont révélé, fondations, rempart, fossés, pièces romaines, poteries, silos… ossements et cimetière

Christian Schmitt : « Nous travaillons à la valorisation du site »

Comme l'avaient pressenti les historiens, les fouilles préventives conduites sur le site Saint-Louis ont bien révélé des vestiges gallo-romains appartenant à la grande Mediolanum Santonum (premiers siècles de notre ère). Une ville sans équivalence dans tout l'ouest de la Gaule, dit-on ! C'est ici, sur ce promontoire qui s'étire doucement vers le fleuve Charente, que se trouvait le forum (centre administratif de la cité). Ce site, remarquablement situé, a toujours été habité puisque s'ajoutent les témoignages de différentes époques  - mérovingienne, carolingienne et médiévale - sans oublier de plus récentes avec le Logis du Gouverneur et l'ancien hôpital de Saintes réalisé au XXe siècle… 

De profondes tranchées ont été réalisées
A l'époque où Jean Rouger était maire, on pouvait lire le commentaire suivant au sujet du site Saint Louis : « Le site libéré par l'ancien hôpital Saint-Louis, sur la colline du Capitole, va permettre la création d'un nouveau quartier en plein centre-ville, sur une superficie de 4 hectares. Le projet, baptisé Saint-Louis-Saintes 2030, a été présenté au concours d'architecture Europan 2010, qui permet à de jeunes architectes européens d'imaginer des immeubles de logements, des commerces ainsi que des services publics. Cinq villes françaises y participaient.
En avril 2011, c'est le projet Conexcité (équipe MWAB) qui a finalement été retenu. Il propose la création d'un éco-quartier constitué de logements et de commerces, regroupés autour de grandes esplanades-belvédères piétonnes donnant sur le centre historique, et offrant des vues panoramiques sur les principaux monuments saintais : cathédrale Saint-Pierre, abbaye aux Dames et basilique Saint-Eutrope. Le logis du gouverneur du XVIIe siècle et l'église Saint-Louis du XIXe siècle seront intégrés au nouveau quartier. Un grand mail piétonnier permettra de faire la jonction avec le cours Reverseaux ».


Du site Saint-Louis, une vue magnifique de la ville
Avec une description aussi prometteuse, de nombreux Saintais ont cru que ce secteur allait connaître non pas une révolution culturelle, mais une nouvelle jeunesse ! La participation d'architectes talentueux présageait d'une ouverture d'esprit intéressante de la part des édiles.
On espérait et patatras, l'équipe municipale issue des urnes de 2014 s'est aperçue que le projet était trop onéreux (16 millions d'euros, le montant que coûtera le centre des congrès à Jonzac !). Pire, les fouilles préventives, pourtant obligatoires, n'avaient jamais été menées... à l'exception du parking. Les uns ont trouvé des circonstances atténuantes à Jean Rouger, fort occupé par la création de la CDA ; les autres ont estimé qu'il faisait part de "légèreté" compte-tenu des sommes engagées.
Bref, Jean-Michel Machon est devenu l'héritier de ce futur aménagement. S'il souhaite valoriser le vallon des arènes, il estime par contre que la ville n'a pas les moyens de concrétiser, à elle seule, les ambitions de Jean Rouger sur le site Saint-Louis. Il a donc confié le suivi du dossier à Christian Schmitt, la municipalité s'engageant à lancer les fouilles préventives. Lesquelles sont en cours.

Confier l'aménagement du site Saint-Louis à un groupe privé

En ce qui concerne les bâtiments existants, logis du gouverneur, chapelle, cité hospitalière, la ville envisage de les vendre à des sociétés privées porteuses de "bons" projets : « Nous nous appuyons sur un document élaboré par l'équipe de Bernadette Schmitt résultant de consultations citoyennes. Il comprenait des logements, un établissement pour personnes âgées, un hôtel et un ascenseur reliant la ville basse au site. Actuellement, nous travaillons à la concrétisation d'un hôtel de standing de 180 chambres, avec spa, ainsi que de logements. Nous avons reçu plusieurs propositions sérieuses que nous sommes en train d'étudier ». Quant aux structures récentes qui ne présentent aucun intérêt, elles seront détruites d'autant que la plupart contiennent de l'amiante : « il faut se rendre à l'évidence, le site a été abandonné durant plusieurs années. Certains édifices ont souffert, nous avons fait le nécessaire sur les toitures, mais des dégradations sont apparues. De ce fait, nous vendrons moins cher que prévu. Il faut également tenir compte de la situation immobilière sur Saintes où le prix du m2 a chuté de 20% ». Libre de circulation, l'esplanade sera réservée aux promeneurs et aux amoureux du patrimoine. « On devrait y voir plus clair en 2017 » estime Christian Schmitt qui ajoute « l'idée de l'ascenseur est retenue. La mairie devrait prendre en charge cette dépense ». 
Pour l'heure, revenons au résultat du diagnostic conduit par les archéologues départementaux Bastien Gissinger et Karine Robin.

Jean-Philippe Machon et Christian Schmitt
Le site a toujours été habité

Le groupe est accueilli par Bastien Gissinger sous le regard d'Alexandre Grenot, conseiller départemental, Jean-Philippe Machon, maire de Saintes, Christian Schmitt, conseiller municipal et Eric Normand, représentant la DRAC.
Attention où vous posez les pieds, des tranchées de deux ou trois mètres de large, faites à la pelle mécanique, ont été creusées sur l'ensemble du site ! Elles permettent une exploration maximum en un minimum de temps (trois semaines, fin des travaux vendredi). La superficie concernée est deux hectares fouillés de manière représentative, les sondages étant équitablement répartis sur le périmètre. « Ce diagnostic est délicat en raison des profondeurs importantes nécessaires avant de parvenir aux vestiges » souligne l'archéologue. En effet, les réseaux de surface sont légion en raison de l'ancien hôpital, canalisations et autres branchements contemporains se distinguant en première ligne. Il faut alors creuser pour qu'apparaissent plusieurs niveaux jusqu'au plus ancien, le fameux gallo-romain.
Il y a belle lurette que l'éminent professeur Maurin situe le forum de l'immense Médialanum Santonum en cet endroit stratégique. Il aurait donc été décevant de ne rien y trouver d'autant que le moindre trou creusé dans Saintes fait découvrir une antiquité ! Près de la place Bassompierre, le musée lapidaire, en cours de restauration, abonde de colonnes corinthiennes, sculptures, frises (sans oublier les trésors des réserves non exploités)…

Présentation des recherches par Bastien Gissinger, 
archéologue départemental (colonnes romaines cannelées)

Sur le site Saint-Louis, les traces de la ville antique sont bien visibles (dont le rempart), les pièces du puzzle s'assemblant peu à peu. Mais la surprise est également au rendez-vous avec des présences postérieures, Mérovingiens, Carolingiens, Xe, XIIe et XIIIe siècles. Autrement dit, ce promontoire a toujours été un lieu de vie et d'échanges, les vicissitudes subies par la ville en des temps agités n'ayant pas eu raison de la détermination des habitants. Avec ce bon vieux principe : récupérer les pierres du passé pour reconstruire les maisons, les grands édifices d'antan devenant de véritables carrières.
Il n'empêche que la célèbre maçonnerie romaine, qui fait encore des envieux de par sa qualité, y est bien présente ainsi que des fragments de colonnes (blocs cannelés), tessons de poteries, monnaies, pavages, silos et bien sûr le mur d'enceinte construit dès la fin du IIe siècle, l'agglomération se réduisant alors à quelques dizaines d'hectares (alors qu'à son apogée, elle avait plus de 15000 habitants et s'étendait sur une centaine d'hectares). S'y ajoutent des fossés et les bases d'un quartier (maisons en terre et bois) « révélant une occupation médiévale non soupçonnée ».
Des corps, enterrés dans des sépultures en bois, ont été trouvés devant le Logis du Gouverneur, demeure dont la construction remonte au XVIIe siècle, transformée par la suite en hospice sous le nom d'hôpital général Louis-le-Grand. Devant les nombreux ossements, Bastien Gissinger pense qu'il s'agit là du cimetière de l'hospice et du proche couvent.

Une partie encore visible du rempart antique
Le site fait apparaître plusieurs occupations successives
Que conclure de cette "prospection" ? Qu'elle a fait apparaître les vestiges gallo-romains tant espérés ainsi que des témoignages d'occupations successives, démontrant que l'endroit n'a jamais été délaissé. Les couches de terre se superposant ont d'ailleurs permis une bonne conservation des différents "marqueurs".
Des fouilles approfondies seront-elles lancées si la DRAC préconise à la Ville de poursuivre les recherches ? Dans un tel cas, l'ensemble serait protégé. L'idée séduit Eric Normand : « les réserves archéologiques ne sont pas si nombreuses en France puisqu'une fois le diagnostic établi, on rebouche. L'histoire de Saintes retient l'attention ». Qu'en pense le premier magistrat ? Il préférerait, semble-t-il, valoriser ce lieu emblématique en faisant appel à des investisseurs. Son grand projet est le renaissance des arènes (très proches) sur le modèle de ce qui a été fait à Grand dans les Vosges où la collectivité a fait protéger les gradins de son amphithéâtre de bois exotique afin de les préserver des intempéries et lui redonner sa forme...

Le chemin qui conduisait au site n'est pas situé face au Logis : 
coïnciderait-elle avec la route actuelle ?
Le logis du gouverneur transformé en hospice à la fin du XVIIe siècle
Présence de sépultures dans l'ancien cimetière de l'hospice et du couvent ?
Le lieu, placé sur un promontoire, a toujours été habité
Après l'étude du rapport scientifique, la DRAC fera des préconisations
L'histoire de Saintes par Louis Maurin , professeur émérite de l'université de Bordeaux et historien (histoire de l'Aunis et de la Saintonge, tome 1)

C'est le général et homme politique Agrippa, gendre et ministre de l'empereur Auguste, qui réorganise la Gaule en 4 provinces en -27. Mediolanum est alors désigné comme centre administratif d'une de ces 4 provinces : l'Aquitania. La capitale des Gaules est Lugdunum (Lyon). Il est possible que Mediolanum soit choisie comme capitale de l'Aquitania en raison de son emplacement, situé sur la même latitude de 45°, à l'ouest de l'autre côté de la Gaule. Dans sa réorganisation des Gaules, Agrippa créée quatre grandes routes stratégiques, la premier de ces voies d'orientation est-ouest relie Lyon à Saintes en quasi ligne droite. Cette voie traversait la Charente, à Saintes. 
De nos jours, l’ensemble des chercheurs reconnaît le rôle de Mediolanum depuis 40-37 avant notre ère.

Plan de Medialanum Santonum réalisé par M. Golvin
Une ville sans équivalence dans tout l'ouest de la Gaule

Saintes est l'une des premières cités moderne bâti sur le modèle des villes romaines en Gaule, et très probablement la première dans tout l'ouest du pays. La cité est construite simultanément à Lugdunum avec qui elle est en lien par la via Agrippa. À ce titre, Saintes a vu se construire, espacés dans le temps, des monuments romains, afin de montrer la puissance de Rome. La quantité et la qualité des éléments lapidaires montrent qu’il n’y a pas d’équivalent dans toutes les villes d’Aquitaine. Pour le culte impérial, un premier temple dédié à Auguste a vu le jour vers 25–20 avant notre ère, copie identique à celui de Rome. Ce panthéon a probablement été construit dans l'enceinte du forum qui pourrait dater de la même période et dont l'emplacement est supposément situé sur les hauteurs de la ville, autour du cours Reverseaux, peut être à l'emplacement de l'ancien hôpital ou du couvent de la Providence. Le premier aqueduc, exploitant l'eau d'une source de Fontcouverte au nord-est de la cité, est décidé par Agrippa après la construction de celui de Lyon. Il est peut-être bâti vers l'an 20 avant notre ère pour alimenter en eau les fontaines et les premiers thermes ainsi que les 6000 à 8000 habitants de Mediolanum. La via Agrippa relie Lyon à Saintes dans le dernier tiers du Ier siècle avant notre ère. Un premier pont en bois devait traverser la Charente avant l'édification du pont romain en pierre érigé sans doute dans les 20 premières années de notre ère. L’arc de Germanicus à l'entrée du pont est inauguré vers 18-19 de notre ère, marquant l'entrée monumentale de la ville. L’amphithéâtre quant à lui n’est construit qu'à partir du règne de Tibère pour être inauguré sous le règne de Claude vers 40 de notre ère, restant le premier amphithéâtre construit dans l'ouest de la Gaule (celui de Poitiers est bâti juste après, celui de Bordeaux date du IIème siècle).

Les autres grandes villes de la région comme Poitiers (Lemonum) et Bordeaux (Burdigala) ne se sont modernisées qu'après Saintes. Poitiers ne s'urbanise que dans la première moitié du premier siècle de notre ère, soit une cinquantaine d'années après Mediolanum. Quant à Bordeaux, qui existait déjà à l'époque gauloise, elle est reliée à Saintes par un prolongement de la via Agrippa ce qui lui permettra de se développer au Ier siècle de notre ère.

1 commentaire:

FERRAND a dit…

Tristesse de pas voir exploiter ce site complexe de Saintes grande capitale de l'ouest de ce qui deviendra la France..
SAINTES n'aurait jamais dû perdre sa place de préfecture. D'autant qu'un jour, 16 et 17 deviendront un seul département. Saintes est alors au centre comme au temps de la SAINTONGE, BELLE CAPITALE !
Jacky FERRAND
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