jeudi 8 novembre 2018

Saintes/Vente du site Saint-Louis à une filiale du Bouygues : Jean-Philippe Machon obtient un vote favorable malgré une majorité divisée


L’opposition en colère : « La ville vend ce site 59 euros le m2 alors qu’un terrain bâti vaut à Saintes entre 1 300 à 2400 € le m2 »

De gauche à droite, Françoise Bleynie, Liliane Arnaud, Marie-Line Cheminade,
 Jean-Phlippe Machon, Jean-Pierre Roudier, Nelly Veillet
L'opposition représentée par Serge Maupouet, Renée Lauribe Benchimol, Philippe Callaud, Laurence Henry et François Ehlinger (absentes Mmes Grolleau et Favreau)
La vente du site Saint-Louis (ancien hôpital) à un groupe privé fait couler de l’encre. Lors du dernier conseil municipal, cette question a suscité explications et interventions face à un public nombreux et clairement hostile à « cette dilapidation d’un patrimoine emblématique de Saintes au groupe Bouygues ». L’opposition et une partie de la majorité ont demandé un vote à bulletins secrets, lequel a cependant été favorable au projet présenté par Christian Schmitt. Ainsi s’écrit l’histoire avec un point d’interrogation : soit la société Linkcity fait un bon travail d’aménagement sur ce lieu historique, soit le site ne sera qu’un nouveau quartier avec des bâtiments d’une grande banalité, situation qui enlèvera une partie de son charme à la belle cité. La création d’un restaurant dans l’église du XIXe siècle a également choqué une partie de l’assistance…
A l’approche des élections municipales, l’équipe de Jean-Philippe Machon, fissurée, est face au mur  : si ce projet n’apporte pas les résultats escomptés, elle sera alors celle qui aura « cédé » un lieu peuplé depuis l’antiquité pour une somme faible (2 millions d’euros alors qu’il a été acheté au centre hospitalier 4 millions d’euros par la municipalité de Bernadette Schmitt), favorisant ainsi les intérêts d’un groupe privé et non ceux de la ville de Saintes dont elle est censée défendre les intérêts…


Une nombreuse assistance
Mercredi soir au conseil municipal de Saintes, avons-nous vécu un moment qui comptera dans l’histoire locale ? Il s’agissait, pour la mairie de Saintes, de faire voter le compromis de vente du site Saint-Louis à une société privée, Linkcity, filiale de Bouygues. L’ambiance était fébrile et le public nombreux dans les rangs. Il s’est exprimé plusieurs fois, manifestant son mécontentement au point que Jean-Philippe Machon a du le rappeler à l’ordre. Du numéro 15, la question a été avancée en sixième position (après l’installation d’une nouvelle élue, Brigitte Bertrand, en remplacement de Fanny Hervé).

A la question de Laurence Henry « pourquoi avez-vous bouleversé l’ordre du jour ? », Jean-Philippe Machon répond que c’est un sujet qui demande une présentation détaillée : « nous sommes plus frais en début de conseil municipal et c’est aussi par respect pour le public ».
Avant d’entrer dans le vif du sujet, le maire expose (prémices des municipales de mars 2020 ?) une rétrospective de son action. Il rappelle que la ville s’inscrit dans le plan Action Cœur de Ville disposant de dotations importantes de l’Etat, le grand projet étant l’élaboration d’une « dorsale » allant de l’Abbaye-aux-Dames au vallon des Arènes où seront construits un musée regroupant les découvertes archéologiques (entreposées à la Trocante, après avoir quitté le musée Bassompierre), des gradins dans l’amphithéâtre pour « faire vivre le site et attirer des spectateurs », sans oublier des travaux nécessaires dans la crypte de Saint-Eutrope inscrite sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle (Unesco), ce qui lui évite d’être livrée aux marchands du temple ! Au passage, on notera la réflexion du maire au sujet de l’arc de Germanicus datant du IIe siècle après J.C « nettoyé et mis en lumière » (nettoyé ou karchérisé ?). S’y s’ajoutent les bornes dans le secteur piétonnier ainsi que la consolidation de la passerelle franchissant la Charente.


Les aménagements prévus sur le site Saint-Louis : Restaurant, hôtel Mercure, résidence pour séniors les Jardins d'Arcadie, maison de santé, logements

La maire se réjouit de la renaissance de ce quartier qui contribuera à dynamiser la ville en accueillant de nouveaux habitants. Linkcity, filiale de Bouygues, a été retenue après un appel à projets. La ville a pris des engagements définis par Christian Schmitt : la sécurisation des falaises, la création de logements sociaux dans des locaux de l’ancien hôpital par la Semis et sur l’emplacement de l’actuelle gare routière (avec parking), la réfection de la rue Dangibeaud, la création d’un ascenseur urbain que reliera les parties haute et basse de la ville, la valorisation du belvédère, la réfection de la place du 11 novembre et des améliorations du cours Reverseaux.

Résidence pour personnes âgées
Un hôtel Mercure
L'ascenseur reliant les deux parties
Les logements sur le site dont le château
Les stationnements
Six entrées
Le projet de Linkcity, l’investisseur retenu : Création d’une résidence pour personnes âgées de 90 places géré par les Jardins d’Arcadie (T1,2,3 de 30 à 60 m2) dans un bâtiment de l’ancien hôpital avec parking en sous-sol et commerces en rez-de-chaussée (dont supérette de la Coop Atlantique) ; un hôtel Mercure de 70 chambres disposant d’espaces pour le public avec terrasse, salle de réunion, conférences, espace bien-être. Des logements de standing dans l’ancien château (58) seront réalisés par la CIR (société qui réhabilite l’hôtel Brémond d’Ars). Un restaurant est prévu dans l’ancienne église (sur le modèle de celui des Archives, à Poitiers). La maison des années 60, située à l’entrée, sera également transformée en logements.
L’édifice qui accueillait les services d’hémodialyse deviendra une maison de santé (professions médicales) tandis que sur l’esplanade, sera construit un pavillon culturel.

Christian Schmitt souligne que l’impact archéologique sera faible « la majorité des constructions ayant lieu à partir des fondations existantes », ce qui évitera de sonder la butte et « permettra la préservation du patrimoine ». Les fouilles nécessaires seront financées par la municipalité . Celles-ci devraient avoir la même ampleur qu’à la Providence, lesquelles ont duré six mois. « Je ne peux pas vous en dire plus, elles seront programmées à partir du moment où le permis de construire sera déposé » explique l’élu qui cherche à apaiser ses détracteurs. L’ensemble sera encadré par la DRAC.

Au centre Christian Schmitt (aux côtés de Bruno Drapron qui a démissionné 
de ses fonctions d'adjoint)
Sur une superficie de 3,17 ha, Linkcity occupe 2,28 ha, la ville 0,71 ha et les logements sociaux 0,18 ha. A la fin de l’opération, Linkcity envisage de rétrocéder à la ville 1,30 ha. La municipalité aura alors à sa charge l’entretien de ces parties. 
Le prix d’achat du site a été fixé à 1.200.000 euros (hors TVA), plus le désamiantage et les démolitions à hauteur de 650.000 euros. La finalisation des études préalables est annoncée pour juin 2019, d’impact en décembre 2019 (protection des chauve-souris en particulier), la fin de procédures en janvier 2020 et les premières livraisons en 2022.
202 places de parking sont prévues. Une mutualisation des emplacements est envisagée pour une occupation des places à temps plein. L’accès à Saint-Louis comportera non plus deux, mais six entrées. Enfin, les diverses structures devraient générer la création de 54 emplois directs et 20 indirects.

La partie qui sera rétrocédée à la ville par Linkcity
L’opposition en lanceur d’alerte… mais pas seulement

Un élu de la majorité, Philippe Creachcadec, estime que le prix de vente du site est trop faible, d’où son abstention ainsi que celle d’Annie Tendron : « Demandez à Linkcity de faire un effort supplémentaire » dit-il. Sentiment partagé par l’opposition : « la ville vend ce site comme s’il était nu 59 euros le m2 alors qu’un terrain bâti dans le centre, comme c’est son cas, vaut à Saintes entre 1300 euros et 2400 euros le m2 selon l’état des bâtiments. Ce qui se passe est scandaleux ».
Pour Philippe Callaud, la dépense engagée pour Saint-Louis depuis son rachat au Centre Hospitalier n’est pas de 4 millions, mais de 10 millions d’euros si l’on ajoute projets et études. « Et vous voulez le céder pour moins de 2 millions d’euros ? » lance-t-il au maire.
Christian Schmitt explique que les 4 millions dépensés par la mairie - alors dirigée par sa femme Bernadette - pour acquérir le site Saint-Louis étaient destinés au « démarrage du nouvel hôpital, le prix ayant peut-être été surévalué ». La ville ne revend pas tout l’ensemble et le désamiantage, à la charge de Linkcity, coûte cher. Enfin, le site ayant longtemps été abandonné, les constructions sont dans un piteux état.
Philippe Callaud aurait préféré un projet d’aménagement concerté : « Prenez-vous l’engagement solennel que tout ce qui a été présenté sera réalisé par Linkcity ? J’espère que vous avez été assistés par des avocats spécialistes de l’urbanisme dans la rédaction de vos documents ! Vous avez lancé un appel à projets, ce qui démontre que vous n’avez pas d’idées. Or, tout un travail avait été fait en amont. Je suis consterné par ce que je vois aujourd’hui. La ville perd la maîtrise du foncier et ce sont les Saintais qui paieront l’addition. Monsieur le Maire, vous serez celui qui a bradé le site Saint-Louis à un privé. Le sursaut, c’est maintenant ! ».

Le public brandit des messages...

Jean-Philippe Machon précise que les candidats ont répondu à un cahier des charges selon les axes dressés par la municipalité : « Quant à un projet de ZAC comme celle de Saint-Georges des Coteaux, elle a montré ses propres limites. Avec une vente à la découpe, encore faut-il trouver des investisseurs ! ». Et d’ajouter : « Le projet de Jean Rouger était à l’horizon 2030. Rapidement, nous allons créer un nouveau quartier en centre ville ». La construction d’un musée sur le site Saint-Louis est, à son sens, irréaliste : « il occuperait l’ensemble du périmètre, on ne mettrait que ça ».
Renée Lauribe Benchimol fait ressortir une clause du compromis de vente qui va à l'encontre du règlement de consultation de l’appel à projet où la ville « se réservait le droit de modifier, compléter ou supprimer le programme de l’appel à projet, sans autre justification et sans que les candidats ne puissent prétendre à une quelconque  indemnisation». Dans le le compromis de vente actuel, c’est l’acquéreur qui peut modifier le programme à sa convenance et en supprimer des éléments, notamment ce pavillon culturel ou en modifier l’attribution ou l’usage sans autre obligation que d’en informer la mairie :  « s’agissant du pavillon culturel, la réalisation de cet élément optionnel du programme de construction est laissée à la libre appréciation de l’acquéreur quant à son développement  et s’il est effectivement réalisé, l’acquéreur aura toute liberté quant à sa destination ; seules la structure et l’architecture de l’abri devront être respectées ». A méditer…
A leur tour, Marie-Line Cheminade, première adjointe, et Laurence Henry, membre de l’opposition, émettent des réserves quant à ce vote qui sera « irréversible ». Christian Schmitt tient à rassurer les commerçants sur le devenir du parking du 11 novembre : « il sera aménagé et conservé. La présence de 223 familles vivant à trois minutes du marché ne sera pas négligeable ».

Les opérations de vote orchestrées par Laurence Henry, Marcel Ginoux et Melissa Trouvé


Le vote de Brigitte Bertrand, nouvelle élue qui remplace Fanny Hervé, démissionnaire
Le dépouillement (le vote à bulletins secrets a été demandé par 15 conseillers)
Le vote à bulletins secrets donne le résultat suivant : 5 abstentions, 2 blancs, 8 contre et 20 pour. Jean-Philippe Machon sauve donc la face, mais sa majorité est fracturée. Son adjoint aux finances, Frédéric Neveu, a d’ailleurs annoncé, lors de la question suivante portant sur une rallonge (électricité et Noëls Blancs), qu’il démissionnerait de ses fonctions s’il devait élaborer en 2019 un budget pour lequel il ne disposerait pas de tous les éléments...

Au sujet des fouilles


Les personnes favorables à la création d’un musée sur le site expliquent ce choix par la présence de vestiges, gallo-romains et médiévaux, dans le sous-sol du promontoire. Ainsi, on concilierait passé et présent. La municipalité a fait un autre choix en privilégiant la venue de nouveaux habitants et de clients à l’hôtel et au restaurant. Par ailleurs, la ville n’a pas les moyens de gérer un musée à ciel ouvert, c'est à dire de financer des chantiers de fouilles sur un long terme.
Une idée : pourquoi ne pas créer dans la future boutique culturelle un centre d’interprétation du site Saint-Louis présentant ses occupations successives ? Ainsi l’histoire serait préservée et la connaissance transmise…

•  Dans les 10 millions d’euros déjà dépensés par la Ville pour Sait-Louis,  il y a les études, les fouilles préalables déjà effectuées, les frais de clôture et de gardiennage du site pendant les deux premières années ainsi que les travaux de comblement des carrières creusées sous le site (ces travaux ont duré des mois et il a fallu construire une centrale de production de béton sur place pour arriver à fournir les quantités de béton nécessaires pour ce comblement : la noria des toupies ne suffisait pas !).

 • Pourquoi l'opposition et une partie de la majorité se posent des questions : « La mairie perd complètement la maîtrise du foncier et même la maîtrise de la réalisation du projet. Dans le règlement de consultation, il y a des choses qui font réagir. C’est l’acquéreur, en particulier, qui doit proposer un prix d’achat pour le site afin qu’il soit "compatible avec son projet" et que cela soit attractif pour la ville. Le prix de vente des 13 417 m2, réhabilités ou construits, permet une estimation des bénéfices nets sur l’opération foncière de 9 à 14 millions d’€. À ce bénéfice foncier, s’ajouteront bien sûr les bénéfices d’exploitation des lieux construits comme l'hôtel, le restaurant, les commerces. Aucun de ces revenus ne profitera aux Saintais ! ».

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