mardi 20 novembre 2018

Quand les gilets se mettent en mouvement, le Gouvernement rit jaune...

Né sur les réseaux sociaux, le mouvement des gilets jaunes se poursuit et ceux qui l'animent sont déterminés à faire entendre leurs voix. Pas facile quand on est hors syndicats et partis politiques. Le peuple s'exprime parce qu'il se sent exclu et pénalisé. La taxe sur les carburants est l'objet de leur courroux. En haut lieu, on dit les entendre tout en ignorant leurs réelles doléances. Invoquant la pollution et les méchants véhicules diesel dont il a encouragé l'achat dans un passé récent, l'Etat demande une réduction des émissions de CO2. Il faut sauver la planète comme le soldat Ryan : si la France (pays dont la superficie est de 643.801 km²) se mobilise, ce qui est tout à son honneur, quel message lance-t-elle à la Chine (9,597 millions km²), aux USA (9,834 millions km²), la Russie (17,1 millions km²) et l'Inde (3,287 millions km² ) ? Et surtout quelles solutions concrètes et accessibles propose-t-elle aux habitants ? 
Nous avons interrogé des Saintongeais qui ont accepté de répondre à cette question : « Que pensez-vous du mouvement des gilets jaunes et qu'exprime-t-il à votre avis ? ». Merci à eux d'avoir donné leurs points de vue.

Rond-point de l'entrée de Mirambeau mardi matin
• Didier, ancien électeur de Macron : « bobo des villes contre rat des champs, métropoles contre trou perdu, branchés contre court-circuités »

« Je pense que ce mouvement est l’expression d’un sentiment bien connu tout au long de l’histoire : celle d’un peuple qui est excédé par l’impôt et les taxes. D’autant que ces taxes sont spécieusement présentées comme avant tout écologiques, alors qu’elles ont pour fonction essentielle de garnir le portefeuille d’un Etat désargenté.
La réaction est d’autant plus forte qu’elle rencontre un interlocuteur perçu, à mon avis à juste titre, comme arrogant et insolent. En d’autres temps, on a (hélas !) vu ce genre de choses se conclure par des têtes au bout de piques.
N’est-il pas impensable, par exemple, d’entendre les responsables La république en Marche rabâcher à longueur de journaux télévisés qu'ils préfèrent taxer le carburant plutôt que le travail, lorsque, précisément le dit carburant permet d’exercer son travail, ce qui est le cas d’un très grand nombre de ceux qui ne disposent pas et ne disposeront jamais de transports en commun ?
La « transition énergétique » est indispensable, non seulement parce que le fossile est par définition épuisable, mais aussi parce que la pollution induite a des effets redoutables sur la santé et sur le climat. Pour autant, et c’est aussi sans doute ce que disent les Gilets Jaunes, ce n’est pas en taxant qu’on va amener le changement, d’une part. D’autre part, ne ferait-on pas mieux de porter le fer là où sont les vrais responsables, c'est-à-dire le profit à tout prix, l’exploitation sauvage des ressources (quelle indignation ce Gouvernement a-t-il montrée face à l’élection au Brésil de l'individu que l’on sait prêt à détruire la forêt amazonienne et qu’attendait le chef de l’exécutif de ses câlins avec Trump ?) ou bien encore l’agriculture forcenée, le tourisme de masse par avion au kérosène détaxé.
Ce ne sont là que quelques exemples sans grande cohérence, sans doute, mais le mouvement des GJ est lui-même sans vraie cohérence, ou du moins sans vraie cohésion. La colère (j’ai en horreur le mot de grogne, trop souvent employé par la presse), de toute façon, reflète un sentiment très profond et assez ancien qu’éprouvent ceux qu’on appelait autrefois les « ruraux » et qu'on qualifie maintenant de périphériques : sentiment de perte de repères, de démonétisation des valeurs, de dévaluation de leurs fonctions, de leur rôle social et donc de leur personne. Riches contre pauvres, bobo des villes contre rat des champs, métropoles contre trou perdu, branchés contre court-circuités, vélo contre tacot, électricité contre gazole, nationaliste contre internationaliste, ouverture contre fermeture, avenir contre passé, tout cela est bien manichéen et en large partie au moins à nuancer, c’est vrai. Mais les GJ n sont pas, pour l’essentiel, des intellectuels qui pensent la vie. Ils la vivent, au quotidien, vaille que vaille, rage que rage.
C’est pourquoi, bien que n’ayant pas avec la Buick bloqué quelque carrefour, j’ai cependant mis un gilet jaune sur le tableau de bord… Mais il faut que tout cela, avant tout, reste "bon enfant" !
Dernière remarque : je pense que l’exécutif a couronné la somme de ses erreurs de « communication », en dédaignant la main tendue par Berger qui, peut-être, aurait permis d’espérer trouver une sortie par le haut. Car, ici comme ailleurs, il faudra bien que les choses se calment sans que personne ne perde tout à fait la face. On sait ce que coûte l’inverse ».

• Bertrand : « ras le bol des taxes »
De tous les combats et notamment la taxe C.S.P.E !


• Jean-Michel : « l'arrogance »

Que dire sinon que les révolutions naissent lorsque la majorité des gens a plus à gagner qu'à perdre et que la classe moyenne, moteur du financement de la société, prend conscience que l'on veut l'écraser. Elle devient alors le pivot de l'organisation de la révolte. Le premier point n'est pas encore mûr. Le second est clairement perceptible. Enfin, il faut un évènement déclencheur qui incarne l'arrogance...

• Jacques : « à Paris, rien n'évoque cette jacquerie »

« Je crois que nous en sommes en face d'une jacquerie. Je crains qu'à force d'arrogance, l'arrogant de l'Elysée finisse par être remis vertement à sa place, ce qu'il mériterait. Je suis actuellement à Paris et sur les Champs Elysées, voyant des cars de police au bas de l'avenue, je m'en suis étonné, tellement ici rien n'évoque cette jacquerie.
J'ai voté Macron au second tour de l'élection présidentielle en traînant les pieds, mais on ne m'y reprendra plus. Les gilets jaunes, s'ils cognent, ce sera difficile de repartir sur des bases saines. On saura à qui s'en prendre : pas à eux au premier chef, mais aux irresponsables de la capitale ».

• Renée : « A ces grands, à ces puissants, il ne reste plus qu’à donner aux petits, aux sans grade, les garanties suffisantes de leur action et de leur intégrité »

« Le mouvement des gilets jaunes est parti d’un cri d’alarme - et pour certains d’indignation - d’une partie très importante des usagers de la route (soutenus par 69% de sympathisants au départ de l’action), en raison d'une inquiétude légitime pour la pérennité de leurs déplacements (tout particulièrement de ceux qui ne bénéficient pas de transports collectifs, ni satisfaisants, ni suffisants, ni même existants parfois). Ce mouvement s’appuyait aussi sur le sentiment de déni total de leur problématique.
Aujourd'hui, à ce mouvement populaire (au sens positif du mot), s’agrègent tous les mécontentements les plus divers qui, pour certains, n’ont rien à voir avec la taxe sur les produits pétroliers. Certains partis politiques, en perte d’électeurs, en profitent pour le soutenir pour des raisons qui semblent bien plus politiciennes que politiques. Et pendant ce temps-là, Carlos Ghosn, malgré un salaire indécent, est convoqué par la police pour s’expliquer sur sa situation fiscale : cela ne peut qu’ajouter de la révolte au dégoût ...
Les raisons de santé publique et de nécessité de transition écologique sont justes et il est vrai aussi qu’il faut impérativement s’engager dans la voie de ce changement.
Mais il n’est certainement pas vrai que l’augmentation de taxes et la création d’un nouvel impôt indirect, même sur les carburants fossiles, donc la mise en place d’un impôt aussi injuste que celui de la TVA, puisse se satisfaire d’une justification écologique ou de santé publique quand la démission fracassante de Nicolas Hulot montre l’insuffisance flagrante du programme écologique engagé à ce jour. La vraie question est comment sont vraiment dépensés nos impôts?
Les Français ne refusent pas de payer des impôts. Ils sont attachés à l’école publique laïque et obligatoire, connaissent le travail inestimable des professionnels et des établissements de santé, l’engagement des agents de l’état... Ils travaillent tous pour un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
Ce qu’ils refusent, c’est l’injustice et ils ont aboli les privilèges la nuit du 4 août 1789, même si certains aujourd’hui ne semblent plus s’en souvenir ! Il n’est plus suffisant qu’ils entendent, il est urgent qu‘ils écoutent. De nombreux Français sont dans la rue, certains y ont déjà perdu la vie, la santé. ... C’est un prix déjà beaucoup trop élevé pour avoir seulement le droit d’être entendu.
À l’indignation, suit la révolte. A la révolte, suit la fureur, celle du désespoir.
Attention, aujourd’hui, la violence s’insinue des deux côtés des barricades. Les uns écrasent les autres. Les autres insultent et frappent les uns. Bientôt, il n’y aura plus de bons ou de méchants, il y aura des vaincus et des vaincus. Et personne n’y gagnera quoi que ce soit.
Il ne leur reste plus, à ces grands, à ces puissants, qu’à donner aux petits, aux sans grade, les garanties suffisantes de leur action et de leur intégrité, car plus personne ne se satisfera ni de mots, ni de promesses.
Aucune intelligence, de quelque côté qu’elle soit, ne peut prendre ces faits à la légère ou ne peut se draper dans son orgueil ou son entêtement, sauf à vouloir aggraver ou faire perdurer une situation inacceptable par ses causes et ses conséquences.
Nous sommes au pays des Lumières, au pays des Droits de l’Homme et du Citoyen, dans un état de droit et de justice : chacun sera jugé à ses actes ».

• Syndicat Sud Solidaires : « Situation tant inédite qu'interrogative » 

Journée du 17 novembre : « À la suite de l’augmentation brutale du prix de l’essence, une vague de protestations "spontanées" se fait jour dans toute la France. Les gouvernements successifs ont organisé la défiance des citoyens et travailleurs à l’encontre des organisations syndicales au point de laisser une large place aux manipulations de leur colère légitime par l’extrême droite. Ce mouvement populaire reflète une exaspération et une colère sociale qui va bien au-delà des cercles des populistes de droite. Il est un symptôme d’un mécontentement beaucoup plus profond cachant d’autres colères fruit de la politique de casse sociale mise en œuvre par les gouvernements de droite et socialistes qui se sont succédé ces dernières années. Avec le gouvernement Philippe, on assiste à une accélération sans précédent du détricotage de notre pacte social. La taxation généralisée des classes populaires bénéficie aux plus riches à qui l’on redistribue sans discontinuer tous les avantages de cette politique inégalitaire. Mais cette grogne dépasse les postures populistes, voire poujadistes. Elle est l’expression de colères qui sont déjà apparues lors des mobilisations de la SNCF contre la privatisation à venir, des étudiants contre "Parcoursup", des retraités refusant d’être le réservoir de richesse à taxer... Autant de lanceurs d’alerte qui nous avertissaient déjà sur les conséquences de la politique macronienne néolibérale.
Le 17 novembre est l’expression d’une fracture sociale, mais aussi territoriale qui trouve sa source dans la désertion des territoires par les Services Publics qui les structuraient. On peut comprendre que les travailleurs, sans autres alternatives que de prendre leur voiture pour se rendre à leur travail, soient exaspérés par une taxe supplémentaire qui grève leur salaire déjà au ras des pâquerettes. Est-il normal que les travailleurs payent pour se rendre sur leur lieu de travail ? Battons-nous pour des rémunérations permettant à chacun de vivre : 1700 euros minimum, 400 euros tout de suite. Battons-nous pour une extension des transports en commun gratuits. Battons-nous pour que l’argent des taxes des carburants soit affecté à une politique volontaire et impérative de transition écologique plutôt qu’il n’aille dans les poches des riches déjà bien remplies. Battons-nous pour que chacun puisse travailler au plus près de son domicile. Battons-nous pour que chacun ait accès aux services publics ».

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