lundi 6 mars 2017

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle ? Marylise Fleuret Pagnoux, Didier Catineau, Jean-Paul Négrel, Armand de La Rochefoucauld, Dominique Brochard et Stéphane Trifiletti répondent à cette question

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle 2017 ? » est la question que nous avons posée à des personnalités de Charente-Maritime et d'ailleurs. Qu'ils soient élus ou non, quelles que soient leurs convictions et leurs appartenances politiques, tous portent un regard inquiet sur ce scrutin alors que le feuilleton "Fillon" se poursuit. Ce matin même, Alain Juppé, le fameux Plan B des Républicains, a annoncé qu'il ne serait pas dans la course. Quand parlera-t-on enfin du programme des candidats alors que l'élection se rapproche (23 avril et 7 mai) ? 
Première partie de ce forum avec Marylise Fleuret-Pagnoux, Didier Catineau, Jean-Paul Négrel, Armand de La Rochefoucauld, Dominique Brochard et Stéphane Trifiletti.


• Marylise Fleuret-Pagnoux, conseillère départementale : « cette élection est déroutante »

Cette élection présidentielle est plus que désolante, elle est déroutante pour tous ! C'est une véritable tragédie démocratique, on ne parle que des affaires Fillon Le Pen et pas des sujets qui préoccupent les Français ! Je crains une très forte abstention, ce qui ne peut que favoriser l'extrême droite et serait catastrophique pour la France et les Français. Dès lors, je crains qu'on ne soit obligé de choisir un candidat par défaut et par forcément pour son programme. Jamais Marine Le Pen n'aura été aussi proche du pouvoir suprême ! Enfin, je déplore en tant que Radicale de Gauche l'insuffisance de dialogue en haut lieu entre le PS et le PRG. Cela peut mettre en péril l'union de la gauche traditionnelle, déjà très fragilisée, et conduire celle-ci à l'échec...

• Didier Catineau, journaliste : Qui t'a fait roi ?

En quelques lignes, il me semble bien difficile de résumer l’actualité présente faite de pourritures multiples et de trahisons nombreuses à l’occasion de cette putride campagne présidentielle. L’essentiel sera sûrement dit dans ce forum des Nouvelles de Saintonge. Cependant, à bien y songer, j’aimerais juste ajouter un élément essentiel à ces logorrhées médiatiques en m’adressant à tous ces candidats lamentables, tous et sans exception aucune.
« Qui t’a fait roi » ? Dans cette bien belle phrase vieille de plus de mille ans, tout est dit (sur Google, on vous dit tout sur ses origines historiques). Le mot « roi » m’importe peu, mais le mot « qui » est essentiel ! Nous sommes les citoyens qui allons élire un homme (ou une femme : la parité est bien difficile !) ou plutôt un égo sans parler de programme, sans s’intéresser aux disparités d’un peuple en souffrance.
Je suis un citoyen qui ne cherche pas un maître, je n’en veux aucunement, je suis un citoyen qui cherche à confier à un homme ou une femme toutes mes aspirations, mes espoirs pour qu’il me représente.
En parlons-nous ? Suis-je naïf de croire qu’en république démocratique, ces simples mots puissent avoir assez de force pour toucher « l’élite » ? Les citoyens peuvent faire des roi, mais non l’inverse ! Je ne veux pas de cette empoignade qui a pour aboutissement des enrichissements éhontés et des injustices insupportables !
Etre à la croisée des chemins n’est pas effrayant, c’est justement parce que ce carrefour est atteint qu’il nous faut avec conscience penser à l’avenir et au fait que nos enfants doivent être fiers de leurs parents, de leurs institutions. Je ne vois rien de tout cela !
« Qui t’a fait roi » ? Cela ne sera pas moi et j’exercerai mon choix de citoyen en toute conscience. Le silence des urnes peut être assourdissant !
                                                        
• Jean-Paul Négrel, retraité : « de nouveau, voici le retour des nécessaires sacrifices à accomplir »

Depuis un certain temps, n'avons-nous pas un sentiment persistant de démocratie à la dérive ? De république à l'étrange saveur monarchique ? Une partie de nos (très) chers (parfois très mal) élus, baignant dans leur monde de privilèges (qu'ils se sont) généreusement accordés, ne s'estiment-ils pas légitimement intouchables? Et surtout à l'abri de toute poursuite judiciaire réservée uniquement au « vulgus pecum » ? S'ajoutant à la fameuse immunité parlementaire, pour les conforter, une nouvelle loi de février leur accorde un délai de grâce de 12 années pour le cas où l'on découvrirait des délits financiers dont ils seraient les acteurs. Bizarre dans le contexte actuel, n'est-il pas ?

N'observons-nous pas globalement que certains discours proposent toujours et encore qu'il s'agit d'urgence de « redresser la France » ? N'entendons-nous pas évoquer ce redressement depuis de nombreuses décennies ? Et puis les multiples, sempiternelles, graves et même questions à résoudre, que nous connaissons tous par cœur. Un exemple frappant parmi tant d'autres? Le terrible Hiver 1954. L'Abbé Pierre lance son appel en faveur des « sans abris », devenus depuis des SDF. Le problème est-il réglé alors qu'un récent candidat à la présidence (non, pas celui-là... l'autre) avait promis qu'il « ne voulait plus voir des gens dormir dans la rue » ? Avec, évidemment le ton qui convient. Celui d'une indispensable émotion fatalement très sincère. Mais pas forcément désintéressée...
Et puis, de nouveau, voici le retour des nécessaires sacrifices à accomplir. Pour qui et venant de qui ?

Le fonctionnement de nos institutions, l'organisation même de notre démocratie confisquée par certains arrogants professionnels de la politique, tout ceci ne mérite-t-il pas d'être réformé d'urgence pour le bien de notre République censée être de liberté, d'égalité, et de fraternité actuellement en danger ? Qui va le faire ?...

• Dominique Brochard, artiste peintre : « Désolation »... 
 
Le regard que je porte actuellement sur la campagne des Présidentielles me rappelle une émission de télé mensuelle bien respectée, il y a maintenant un demi-siècle, « Au théâtre ce soir » !
Les comédiens naissaient d’écoles et de cours réputés pour le sérieux des connaissances distribuées aux élèves et aux spectateurs avides d’un respect réciproque.
Le théâtre actuel nous est imposé plusieurs fois par jour, joué par de pâles comédiens issus d’une seule et unique « pauvre » école. Les acteurs tournent uniquement une comédie sans talent et personnelle. Les textes sonnent faux, les sourires échafaudés et les mots vaporeux. Les honoraires que touchent ces nouveaux bateleurs n’ont rien à voir avec ceux des nobles et honnêtes sociétaires théâtreux. Sur scène, la gestuelle, la déco et les costumes sont sans recherche et professionnalisme, quelle que soit la priorité du rôle.
Bref, pour un comédien, « la scène est bonne », mais pour un politique: « la place est bonne » !

• Armand de La Rochefoucauld : « En Europe, nous sommes la risée de tous »

 Mon "regard" est triste pour la France. Je voyage souvent en Europe et nous sommes la risée de tous. Je dois sans arrêt tenter d'expliquer comment nous avons un candidat de gauche ancien banquier chez Rothschild, une candidate "d'extrême droite" dont le programme ressemble de plus en plus à celui de l'extrême gauche, et un candidat de droite qui se défend de plus en plus mal et qui s'acharne maladroitement à vouloir se maintenir à la surface, comme le Titanic. Dans aucun autre pays, un homme politique n'aurait osé continuer ainsi.
Notre République a, malheureusement, une image déplorable. Scandale après scandale, rien ne change. Grévy, Panama, Caillaux, Stavisky, Cahuzac, etc.
Bismarck a réussi : il avait secrètement imposé la République chez nous en 1871 afin d'assurer la pagaille permanente...

• Stéphane Trifiletti, conseiller régional EELV : « Une crise planétaire... et notre nombril ? »

Les crises économiques, sociales, politiques, géopolitiques, politiques, et écologiques actuelles s'articulent toutes les unes avec les autres et s'auto-alimentent du local et global et nous regardons notre nombril à l'échelle nationale : nous vivons en fait "UNE" crise globale, planétaire.
Un exemple pour bien comprendre. Il ne peut y avoir d'emplois sur une planète morte, pensons juste aux services rendus par les pollinisateurs chaque année…
Nous sommes dans l'Anthropocène, en plein réchauffement climatique et vivons la 6ème extinction des espèces. L'urgence absolue, c'est de diminuer notre empreinte écologique pour construire demain une société apaisée du bien-vivre ensemble pour nous et les générations futures, question de survie de l'humanité.
Le temps des périls : des logiciels périmés et/ou nauséabonds.
La volonté de certain-e-s de poursuivre les énergies fossiles, le diesel, les aéroports, le nucléaire, de rechercher feu croissance infinie dans un monde fini, de déréguler et de rechercher des profits à court terme, c'est le minitel néolibéral des Fillon-Macron-Juppé qui nous promettent depuis 40 ans une sortie de crise (et moi qui croyais qu'une crise, c'était par définition très court)
Quant à la petite entreprise de la famille Le Pen, c'est le repli identitaire, la haine de l'autre, la France « réac'bougrie » et le bellicisme qui peut véritablement mener à la guerre.
Providentiel ?
Au niveau institutionnel, il existe encore une croyance presque religieuse à l'arrivée (messianique) de la Femme ou de l'Homme providentiel pour sauver ce pays. C'est une gageure majeure. L'approche braudélienne historique, dans les temps longs, nous a appris que les Français-e-s veulent un roi, un empereur, un président élu au suffrage universel direct… ensuite accusé rapidement de tous les maux, situation qui aboutit toujours au régicide réel ou symbolique…
Il est urgent de sortir de cette logique de « Monarchie républicaine » et de fonder de nouvelles institutions véritablement démocratiques basées sur une vrai souveraineté nationale, de la proportionnelle, du non cumul, voire d'une dose de stochocratie pour faire tourner et évoluer notre personnel politique.
Antonio Gramsci : « Le vieux monde se meurt ; le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur, surgissent les monstres »
Il y a un recul, voire une haine de l’écologie dans les partis conservateurs ou racistes à droite et à l'extrême droite en France. C’est très largement dû à une vision très court-termaliste. Les intérêts privés, les égoïsmes et les profits directs sont privilégiés. Alors que l’avenir, y compris de l’économie, passe par l’écologie.
Car l'écologie, c'est la clef de transformation de notre société vers des emplois de proximité, une alimentation de qualité gage de notre santé, du logement accessible, une mobilité douce, les énergies renouvelables, un aménagement équitable de nos territoires, du lien social, de la culture...
Espérances et transitions, vers un futur désirable...
Je pense que la désignation de Benoit Hamon et les convergences fondamentales avec le programme EELV de Yannick Jadot peuvent changer la donne. Un projet réunissant, sur des bases idéologiques solides, les Socialistes et les Ecologistes, renouvelle le logiciel de la gauche démocratique et montre que le chemin d'un futur désirable devient possible. Le paradigme nouveau, cela devient l'Ecologie y compris chez l'électorat PS de la Primaire (ce qui est une sacrée bonne nouvelle, l'électorat PS de la primaire est beaucoup plus progressiste que le vieil appareil solférinien). C'est une avancée considérable et nécessaire dans le mouvement des idées au XXIème siècle.
Mais pour être présent au second tour et redonner vraiment espoir à un électorat déboussolé ou dubitatif, voire absentionniste, il faut rassembler urgemment et d'ici une semaine les candidatures Hamon-Jadot-Mélenchon sur cette base des convergences écologistes.
Ce rassemblement doit se faire au-delà des appareils politiques grâce à la participation des citoyennes et citoyens mobilisés pour porter l’espoir.
Les divisions peuvent tuer cet espoir d’une politique ambitieuse qui pourrait mettre fin au tryptique nœud gordien Macron-Fillon-Le Pen. Je crois que J.L. Mélenchon doit vraiment se poser aujourd'hui la question de sa responsabilité historique...
Cette recherche de l’Union pour proposer cet avenir possible, désirable et optimiste est actuellement mon combat quotidien. 


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