mercredi 1 mars 2017

Au sud de l’Ile d’Oléron, 80 éoliennes en mer de 180 mètres de hauteur à l’horizon 2022

Benoît Biteau, conseiller régional : « Ne tirez pas sur les éoliennes ! Si la transition énergétique ne se fait pas, au moment où les centrales nucléaires actuelles seront obsolètes, on en construira des nouvelles. C’est ce que vous voulez ? »…


Lundi à Saint-Pierre, c’est la ruée vers l’Eldorado. En effet, une réunion, à l’initiative du préfet Eric Jalon, y est organisée sur un thème qui fait couler de l’encre actuellement, l’installation d’éoliennes à une vingtaine de kilomètres de l’Ile d’Oléron. Ce projet, d'environ 2 milliards d’euros, s’inscrit dans la loi de transition énergétique. Selon l'objectif, les énergies renouvelables dans la consommation d'électricité devront atteindre 40 % à l’horizon 2030. Pour l’instant, les associations écologistes dont Nature Environnement 17 et la LPO demandent des « compléments d’enquête » pour valider le projet. Sa concrétisation devrait être effective en 2022. Pour Benoît Biteau, conseiller régional, ces éoliennes sont loin de présenter les dangers d’une centrale nucléaire, Tchernobyl ou Fukushima de triste mémoire. Dans ces conditions, pourquoi s’y opposer ?…

Le parc éolien de l'Ile d'Oléron devrait ressembler à ce photo montage
Malgré le vent qui souffle fort sur l’Ile d’Oléron, nombreux sont les participants réunis dans la vaste salle de l’Eldorado, le cinéma de Saint-Pierre. Tandis que les mimosas magnifiques, chargés de brassées d’or, plient sous les bourrasques, annonciatrices d’un « grain » selon les marins, les rangs se remplissent rapidement. Il y a les élus, les pêcheurs, les plaisanciers, les autochtones qui veulent savoir ce qui va se passer « exactement », les responsables des différents organismes associés au projet et bien sûr le préfet qui n’a pas hésité à franchir le pont pour répondre aux questions. Il travaille aux côtés de la Préfecture Maritime Atlantique, la préfecture d’Aquitaine, la DREAL, la DDTM, etc.

Une rencontre pour répondre aux questions du public
L’objectif de la rencontre est d’apporter des informations. Cette consultation des acteurs locaux et de la population fait suite à la décision de Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de définir une zone pour le développement d’un parc éolien en mer d’une puissance d’au moins 500 MW, réunissant les conditions d’acceptabilité, de comptabilité environnementale, de faisabilité technique et économique.

L’appel d'offres (au niveau international) pour le parc d'Oléron sera lancé selon la nouvelle procédure de « dialogue concurrentiel » qui prévoit des itérations entre les candidats et les services de l'État afin de préciser progressivement le cahier des charges. Avec Météo-France, le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la Marine) et l’Agence française de la biodiversité, l’administration réalisera des études techniques : vent, géophysique (configuration du sous-sol), état du patrimoine naturel ; ces modalités permettront de « dérisquer » le projet, donc d’en abaisser le coût. Les prix pourraient ainsi tomber en France sous la barre des 150 €/MWh, au lieu des 180 à 200 €/MWh proposés lors des premiers appels d'offres.
Le lancement de l’appel d’offres aura lieu à l’été 2017, avec phase de dialogue avec les "postulants", puis désignation du candidat retenu durant le premier semestre 2018. Suivra alors une deuxième phase avec les études de levée de risques diligentées par le ministère de l’Environnement.

Les concertations qui ont eu lieu sur le terrain ont permis de clarifier les positions des uns et des autres. Compte-tenu de la zone Natura 2000, la LPO (Ligue de protection des oiseaux) a fait connaître son opposition, de même que l’Agence des aires marines protégées. Les pêcheurs ne sont pas hostiles depuis que la zone d’implantation a été déplacée vers le Sud, opération rendue possible par un réexamen d’une servitude militaire par le Ministère de la Défense. Objectif prioritaire, ils veulent poursuivre leurs activités au sein du parc éolien, cela s’entend ! Ces zones, en effet, regorgent de poissons  "nobles", bars, maigres, raies. Les élus et professionnels de l’économie maritime voient d’un bon œil l’installation des éoliennes, chantier qui générera de l’emploi, sans compter des retombées financières non négligeables. L’université de La Rochelle sera associée au projet ainsi que le Parc Naturel marin en ce qui concerne les autorisations administratives. Les communes de la presqu’île d’Arvert restent, quant à elles, prudentes puisque les réseaux qui achemineront l’électricité ne toucheront pas l’Ile d’Oléron mais leur région…

Chantier : 400 personnes sur place sur trois ans

Lieu d'implantation des éoliennes entre 20 et 25 km de l'Ile d'Oléron
Comme le montre la carte, le secteur retenu se trouve entre 20 et 25 km de l’Ile d’Oléron et s'étend sur une zone de 120 km2. D’une puissance de 500 MW, le nombre d’éoliennes se situera entre 60 et 80 (« et pas plus » remarque le préfet qui veut couper court aux rumeurs disant que ce nombre serait multiplié par deux). Leur hauteur sera d’environ 180 mètres, sans compter les pales (à titre indicatif, les 62 éoliennes de la baie de Saint-Brieuc, fabriquées par AREVA, mesurent 215 mètres de la base au niveau de la mer jusqu'au bout des pales). Le chantier s’étalera sur plusieurs ans.

Le représentant de RTE (Réseau de transport d'électricité) apporte des détails sur l’acheminement de l’électricité des éoliennes jusqu'à la terre ferme en direction du poste de Préguillac, près de Saintes. Chaque éolienne sera positionnée sur les fonds selon des procédés qui restent à déterminer tandis que le passage des gaines sera, lui aussi, réalisé en fonction du relief. Une chose est sûre : il y aura de l’animation dans le secteur avant que tout ne soit opérationnel ! Le personnel mobilisé est estimé à 400 (d’où des retombées économiques sur l’Ile). Notons que l’éolien en mer est plus performant que l’éolien sur terre en raison du vent (40% contre 20%).

Acheminement jusqu'à Preguillac par la presqu'île d'Arvert
Débat fourni entre chauves-souris, impact sur l'environnement, passages des câbles, dommages géologiques...

Les présentations sur grand écran ont un avantage : elles permettent de se faire une opinion, tout au moins sur l’implantation et l’importance de travaux.
Une participante demande pourquoi on ne préfère pas la marée motrice (énergie issue des marées) à l’éolien. Il lui est répondu que la politique énergétique, axée sur l’éolien et le solaire, comprendra d’autres volets (développement d’un "mixed" complet). En ce qui concerne la marée motrice, elle demande des marées très importantes, comme au Mont Saint-Michel !
Le maire adjoint des Mathes s’inquiète du passage des câbles et des lignes à haute tension sur le territoire de sa commune : « une motion a été votée par le conseil municipal pour que nous ayons plus de précision. Qu’avez-vous prévu et pensez-vous organiser une réunion dans notre secteur ? Qui va payer les aménagements ? ». Une rencontre peut avoir lieu aux Mathes et les travaux seront à la charge du constructeur. Quant à l’impact visuel du parc dans l'océan, des documents seront fournis prochainement, « des photos montages seront disponibles ».

La pose des socles d’éoliennes dans des zones de failles peut-elle avoir une conséquence sismique sur l’île (à qui il arrive de trembler) ? Apparemment, plusieurs techniques existent dont le « monopieu » qui n’aurait aucun impact sur la stabilité du sol. En témoignent les éoliennes près de la centrale de Fukushima, encore en place après le tsunami.

Des éoliennes jusqu'à la terre ferme
L’aléa sismique étant connu, des spécialistes seront associés, dont le BRGM. Un géologue émet des réticences : « vous devriez vous adresser aux Instituts de physique, il font du travail propre ! ». Il mentionne également les risques d’érosion déjà visibles dans certaines parties de l’Ile.
Certains s’inquiètent des bouleversements sur les fonds marins et la faune par le passage des câbles. De plus, comment se "comporteront-ils" lors des fortes marées ? Les techniques d’ensouillage feront l’objet d’études approfondies. On imagine que les exploitants n’ont guère envie de voir des réseaux, dangereux pour le public, livrés aux éléments ou aux filets de chalutiers…

Les associations Nature en Pays d’Arvert, Ré Nature Environnement et Demain les Mathes s’étonnent qu’un parc éolien offshore voit le jour en zone EPS. Sur le net, ils ont mis en ligne des données explicatives. Les uns craignent pour les chauve-souris qui subissent une véritable hécatombe avec l’éolien terrestre, les autres pour les oiseaux tandis que certains habitants s'interrogent sur le devenir de l’ostréiculture (souffrira-t-elle des nouvelles arrivantes ?). Les pêcheurs, par contre, voient d’un bon œil la création d'enrochements qui favoriseront la reproduction des poissons (à la Cotonière, 72 familles vivent de cette activité professionnelle). Le préfet assure que les conséquences du projet sur la biodiversité seront prises en compte. Dont les fameuses chauves-souris : « Nous n’avons pas une connaissance précise de leur passage dans le secteur d'implantation. Un examen va être mené ».


Les zones Natura 2000 ne sont pas des « cloches » !

De là à parler du nucléaire, il n’y a qu’un pas puisque Braud Saint-Louis est dans les parages ! L’objectif de la transition énergétique est de substituer la croissance verte aux centrales… même si Oléron n’apporte qu’un 1/16ème des quatre réacteurs du Blayais. Plusieurs points de vue abondent dans ce sens dont celui d’Yves Nédelec, un ex-Jonzacais installé Saint-Pierre.

Entre l'éolien et le nucléaire et ses dangers, les habitants ont vite fait leur choix...
L’attitude du représentant de la LPO est plus nuancée : « nous sommes dans une zone de protection spéciale, en plein parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des pertuis charentais. Et voilà qu’on nous annonce un parc éolien !». « Il n’y pas d’interdiction d’activités dans une zone Natura 2000 et la LPO sera concertée » répond le Préfet. Bref, les zones Natura 2000 ne sont pas des « cloches » !
Opposé au nucléaire, Benoît Biteau se veut consensuel. Il est favorable aux éoliennes en s’entourant de toutes les garanties  : « si nous ne relevons pas le défi de la transition énergétique, au moment où la question se posera, on optera pour la construction de nouvelles centrales nucléaires. Celle du Blayais a un âge avancé ! C’est ce que vous voulez ? Nous devons réussir ce challenge et avons un devoir de réflexion. Pensez à ce que serait notre territoire s’il y avait de la radioactivité »…

Plusieurs questions suivent sur la navigation des plaisanciers et autres préoccupations (quid du prix de l’immobilier sur l'Ile par exemple). Au fil des mois, le dossier s’affinera et les habitants impactés en sauront davantage. L’ensemble du parc devrait être opérationnel en 2022. Les éoliennes en mer de Saint-Brieuc devant fonctionner dès 2020, les habitants de la côte charentaise-maritime et les insulaires observeront leur fonctionnement avec attention, à n'en pas douter…

 • Avantages de l’éolien :

Forme d’énergie propre et durable. Les éoliennes en mer ne nécessitent aucun carburant, ne créent pas de gaz à effet de serre et ne produisent aucun rejet nocif dans l’environnement.
Il y a également un avantage économique. A Oléron, 400 emplois sur trois ans et une centaine d’emplois locaux sur une période d’exploitation se situant au maximum sur 40 ans du site d'exploitation.

 • Inconvénients : 

L’impact visuel reste une notion importante pour les amoureux de la nature. Les éoliennes doivent être construites à plusieurs dizaines de kilomètres des côtes pour contrer ce problème. Ce sera le cas à Oléron. « Par ailleurs, si l’éolienne en fin de vie est démantelée et ne laisse aucune trace dans le paysage, le socle en béton destiné à la stabiliser dans l’eau ne bougera plus. Difficiles à extraire de la terre, les fondations restent donc enfouies à l’emplacement de l’éolienne » soulignent les spécialistes. Par ailleurs, comment concilier activité de pêche et développement de parc éolien en mer si l’exploitant grignote sur les zones d’activités ?
L’impact sur les écosystèmes marins fait aussi partie des doléances. Une étude intitulée "Greening blue energy", réalisée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), démontre que la construction et l’exploitation de parcs éoliens offshore a des impacts négatifs sur la faune marine et les oiseaux migrateurs. Selon cette étude, le bruit des travaux de construction ferait fuir certaines espèces de poissons. Les ondes sonores influenceraient également le comportement des dauphins et des phoques dans un rayon de 20 kilomètres. Sans oublier les chauves-souris.

 • Le problème de l’énergie éolienne est la difficulté à stocker l’électricité. Lorsque les vents sont trop forts, il est nécessaire d’arrêter les turbines à distance (salle de contrôle) en particulier.

 • Le représentant de l’Amiral Emmanuel de Oliveira, préfet maritime de l’Atlantique et Éric Jalon, préfet de la Charente-Maritime, présidaient cette réunion publique qui avait attiré un nombreux public.

Au centre, le préfet Eric Jalon aux côtés de Benoît Biteau, conseiller régional, Daniel Le Direach de la Préfecture Maritime de l'Atlantique, Timothée Furois (Bureau des énergies renouvelables), Pascal Massicot, président de la CDC de l'Ile d'Oléron
La loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 consacre l’objectif de développer la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation finale d’énergie et à 40 % de la production d’électricité en 2030. L’éolien en mer peut y contribuer significativement. 7 projets de parcs éoliens en mer ont déjà été retenus au terme des appels d’offres lancés en 2011, 2013 et 2016, pour une capacité totale de 3 500 MW. 


La création du parc éolien en mer va "booster" l'économie de l'Ile d'Oléron pour plusieurs années

2 commentaires:

Unknown a dit…

Voila un bon article, sans a priori, qui a le mérite d'exposer le projet.

Mais, si celui ci était retenu, il y a le risque, à terme, et ce malgré les dires rassurants du Préfet actuellement en fonction, que ce parc d'éoliennes ne soit, comme pratiqué dans le nucléaire, que la 1ére tranche d'un ensemble beaucoup plus contraignant...

Le site retenu est significatif.

BOUTET-PETIT Jean-Pierre, PRG a dit…

Il y a quantité d'exemples ( Bretagne, Hauts de France ) et en Europe. La Charente Maritime ne doit elle pas évoluer ? Nous avons le poste de Préguillac ( j'y ai habité, était élu et j'ai vécu la construction des 17 hectares de pylônes )qui n'est pas utilisé au maximum de ses capacités et constitue un relais bien implanté. Assez de frilosité, où alors, nous serons condamnés au nucléaire à long terme, ainsi que Benoît Biteau l'a clairement exprimé.
Jean-Pierre BOUTET-PETIT, PRG