La situation actuelle d’Eveha soulève une grande question : la concurrence qui existe entre l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), que chapeaute le Ministère de la Culture, et les sociétés privées dans l’attribution des marchés de fouilles depuis que la libre concurrence a été instaurée dans ce domaine en 2003. Le contexte est d’autant plus délicat que l’INRAP peut être soutenu par des fonds publics quand il est déficitaire, ce qui n’est pas le cas des organismes privés qui, eux, peuvent déposer leur bilan…
• Article de Sébastien Dubois paru dans Le Populaire du Centre
Entreprise limougeaude créée en 2006, spécialisée dans les fouilles archéologiques, Eveha a été placée, mercredi, en redressement judiciaire. Une situation liée, selon ses dirigeants, à une concurrence déloyale de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).
Une situation paradoxale, et plutôt deux fois qu'une. Placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Limoges, la société limougeaude Eveha, créée en 2006 et spécialisée dans les fouilles archéologiques préventives, devrait pourtant profiter d'un marché porteur. « Comme l'activité reprend, il n'y a jamais eu autant de marchés à prendre » confirme son directeur, Jérôme Monteil.
« Rééquilibrer le marché »
C'est le premier paradoxe, qui tient à un deuxième : si ce n'est pas le cas, c'est que la majeure partie des appels d'offres est raflée par l'INRAP, un établissement public administratif, accusé de « détourner » des subventions d'État. Ou quand l'argent public pourrait contribuer à détruire de l'emploi privé… « On marche sur la tête » confirme le dirigeant.. « La procédure du tribunal devrait nous permettre d'attendre que l'INRAP finisse de déraper ou mette en œuvre les mesures susceptibles de rééquilibrer le marché » explique le directeur. La situation est connue de longue date. En 2015, plusieurs entreprises privées ont alerté l'Autorité à la concurrence sur cette situation de "dumping".
Ce que disent les autorités sur la politique de l'INRAP
Le 1 er juin dernier, cette institution a jugé qu'il « existe un risque de subventions croisées […] susceptible de se traduire par la mise en œuvre de pratiques tarifaires pouvant constituer des prix prédateurs ou produire des effets d'éviction ». Traduction : l'INRAP aurait utilisé les subventions pour baisser les prix sur son activité commerciale. « Des exemples très nombreux, où cet institut obtient des chantiers à des prix inférieurs de 20 à 30 % […] ne peuvent qu'interroger » avançait le syndicat national des professionnels de l'archéologie (SNPA), dans un courrier adressé, le 21 septembre, à la ministre de la Culture.
Pas de plan social « pour l'instant »
« Premier à ouvrir le bal » selon le mot de son directeur, Eveha, qui représente 12 % des parts de marché du secteur et 250 emplois, pourrait être suivie par d'autres entreprises. « On espère que les autorités et le gouvernement prendront leurs responsabilités » envisage Jérôme Monteil. À terme, si rien n'est fait, de nombreux emplois pourraient être menacés. « Pour l'instant, il n'y a pas de plan social de prévu, conclut le dirigeant. Il nous reste des marchés jusqu'à la fin de l'année et pour l'année prochaine. On peut espérer que d'ici là, la situation se régule ».
• En ce qui concerne Saintes :
Archives : les arènes ont toujours été pour les Saintais un lieu de manifestations |
• La loi de 2003 a ouvert le secteur à la concurrence. Les modalités de prescription ont changé, les fouilles anciennement de sauvegarde sont devenues préventives, engendrant des recherches plus conséquentes. Aujourd’hui, la France compte une dizaines de sociétés qui, comme Eveha, effectuent des fouilles préventives. Elles se trouvent alors en concurrence avec l’INRAP qui pratique souvent des prix inférieurs. « Ils peuvent aller de - 10% à - 30%» souligne Jérôme Monteil, responsable d’Eveha dont le souhait est un rééquilibrage dans les attributions de marchés. « Avec 250 salariés, nous sommes David face à l’INRAP Goliath qui en compte 2000 » ajoute-t-il.
Le fait que les marchés soient remportés par l’INRAP prive les sociétés privées de commandes. Evaha ignore quel sort lui sera réservé par le Tribunal de Commerce : « pour l’instant, la procédure d’observation protège nos activités. Nous en saurons plus en mars 2018. Si nous n’avons pas décroché de nouveaux contrats à cette période, nous serons dans une phase compliquée pour l'avenir ». Souhaitons donc que la concurrence quelque peu discutable qui règne dans l’attribution des marchés de fouilles préventives puisse s’éclaircir entre organisme public et intervenants privés…
• A Saintes, les sondages archéologiques réalisés par Eveha se poursuivent. Lors de la réunion qu'organisera prochainement la mairie sur l'aménagement du vallon des arènes, il en sera vraisemblablement question. A noter que l'INRAP n'a pas soumissionné pour ces diagnostics lors de l'appel d'offres lancé par la mairie.
• Éveha est le principal bureau privé d'études archéologiques en France, avec 250 collaborateurs répartis sur 14 agences. En 2017, Éveha a renouvelé son agrément pour l’exécution de fouilles d’archéologie préventive terrestres portant sur les périodes chronologiques allant du Néolithique à l’Epoque contemporaine, ainsi que pour l’exécution de fouilles d’archéologie préventive dans le milieu subaquatique (eaux douces de l’ensemble du territoire national) pour les périodes allant du Moyen Age à l’époque contemporaine et dans le milieu sous-marin (domaine public maritime et zone contiguë) pour les périodes allant du Moyen Age à l’époque moderne. Ses prestations s’adressent à l’ensemble des personnes publiques ou privées souhaitant réaliser des opérations de fouille, d’étude archéologique ou de mise en valeur du patrimoine.
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