mercredi 1 novembre 2017

Procès opposant Lucien Normandin et Richard Baron au Crédit Agricole : Cette banque est-il encore mutualiste et quelles conséquences pour Saintes après la perte du siège social délocalisé à Lagord ?

Richard Baron, président de l’AREMUT (Association pour la Reconquête du Mutualisme) et Lucien Normandin ont été "remerciés" par le Crédit Agricole quand ils ont manifesté leur mécontentement face au transfert du siège de cette banque de Saintes à Lagord. Leur sanction ? La Caisse locale les a rayés de leurs sociétaires. Choqués par la méthode, les deux hommes ont alors saisi la justice sur un point important : puisque le CA est toujours mutualiste (Crédit Agricole Mutuel), quel est le rôle exact des sociétaires, en sont-ils réduits à être des figurants ou peuvent-ils encore exprimer leurs opinions sur la gestion et les choix de l’organisme bancaire ? Réponse lors du procès qui aura lieu le 1er décembre au TGI de Saintes. Par ailleurs, lors de cette audience, seront évoquées les conséquences du départ du siège du Crédit Agricole sur la vie économique saintaise, sans oublier le bouleversement que représente une délocalisation d’entreprise pour des salariés… 

Manifestation à l'annonce du transfert du siège du Crédit Agricole de Saintes à Lagord
Lucien Normandin répond à nos questions :

• Avant de parler du procès, quelles « nouvelles » avez-vous du Crédit Agricole  ?

 Au sujet des personnels qui se sont trouvés dans l’obligation de travailler à Lagord, plusieurs personnes seraient tombées en dépression et certaines ont préféré démissionner en raison des distances et des retombées sur leur vie familiale. D’autres ont carrément pris leur retraite ou ont rendu leur tablier, 70 environ. Le siège de Saintes comptait 270 salariés, celui de Niort pareillement concerné 230.
En ville, on peut constater que les travaux de rénovation de l’agence locale se poursuivent.

• Lucien Normandin, qu’avez-vous éprouvé quand le Crédit Agricole vous a « rayé » de la liste de ses sociétaires ainsi que Richard Baron ?

Nous l’avons très mal vécu sur le fond. Cette exclusion est une décision de la Caisse locale du CA prise en octobre 2014. Un détail toutefois, nous avons maintenu nos comptes bancaires personnels dans cette banque.
Notre exclusion a entraîné un double préjudice : d’une part, nous n’avons plus le droit d’emprunter ;  d’autre part, nous nous interrogeons sur une instance qui se veut mutualiste et entend nous priver de notre statut de sociétaire. Personnellement, je n’aurais jamais cru que la direction prendrait cette décision, même si nous étions en désaccord quant au transfert du siège. C’est une décision de principe grave d’autant qu’avant notre exclusion, nous n’avons eu aucune information, ni aucune remarque officielle de la part des dirigeants de la Caisse locale du Crédit Agricole.

• Cette direction aurait-elle voulu créer un exemple ?

J’en suis persuadé, c’est pourquoi nous avons lancé un recours en justice. Le problème est simple : quel est le statut des sociétaires dans une structure mutualiste ? Se résume-t-il à une assemblée générale annuelle avec petits fours ? La loi de 1947, qui institue la coopération, est bafouée dans les faits. De nombreux autres sociétaires nous ont manifesté leur soutien ainsi que des élus de la Communauté d’Agglomération. Ces derniers ont conscience que la région est gravement atteinte par le départ du siège du CA et qu’il faut bouger.
Que nous reproche la Caisse locale de Crédit Agricole ? Nous aurions nui à son image alors que notre slogan était « Saintes veut vivre avec le Crédit Agricole » ! C’était notre affirmation majeure. Nous avons toujours estimé que le CA avait un rôle essentiel dans l’agglomération et avons tout fait pour qu’il reste à Saintes. D’autant que la décision du transfert à Lagord n’a jamais vraiment été justifiée : on nous disait à l’époque que c’était de la bonne gestion. Il est permis d’en douter. Sur ce point, nous nous appuyons sur les positions de la Caisse régionale du Crédit Agricole Charente Périgord qui a maintenu Angoulême, Soyaux et Bergerac. Dans ces conditions, les décideurs de Charente Périgord seraient-ils de mauvais gestionnaires ? Apparemment, les directeurs en place n’ont pas les mêmes façons de procéder et d’envisager le développement de leurs territoires respectifs…

• L’association Aremut que préside Richard Baron est-elle importante dans votre combat ? 

Oui. Par ailleurs, c’est elle qui finance l’avocat du Barreau de La Rochelle, Me Claudy Valin. Il a trouvé notre dossier intéressant. Nous avons également reçu le soutien de l’avocat saintais Philippe Callaud.

Réunion de l'Aremut
• Lorsqu’il a été question de transférer le siège du CA de Saintes à Lagord, attendiez-vous une mobilisation plus large des élus ? 

Le président du Conseil Départemental, Dominique Bussereau, a qualifié ce transfert de « funeste projet » ainsi que certains maires de la CDA qui ont compris qu’il serait une catastrophe économique pour Saintes. Toutefois, la plupart ont pensé qu’ils n’avaient pas à intervenir dans le différent qui nous opposait, en tant que sociétaires, au CA. Pour eux, ce débat était purement privé alors que le Crédit Agricole Mutuel est une coopérative qui évolue dans la sphère publique. Ils n’ont pas fait la différence entre une société coopérative et une société privée. Pourtant, on a insisté sur ce point !

• Le Crédit Agricole chercherait-il, en ces temps de mondialisation, à faire oublier son côté mutualiste ?
Ce n’est pas impossible. Les dirigeants de la Caisse Régionale ont estimé qu’ils pouvaient, sinon l’oublier, tout au moins le court-circuiter. Cela crée des problèmes. En 2014, j’ai compris qu’avec les syndicats, nous avions perturbé l’assemblée générale de la Caisse locale qui n’avait pas pu certifier ses comptes, bloquant dans la foulée ceux de la Caisse régionale et le niveau national. Je suppose qu’ils ont du trouver des astuces juridiques pour sortir de la situation. Est-ce la raison pour laquelle ils nous en veulent ? Notre objectif n’était pas de bloquer les comptes de la Caisse locale. Ce sont eux qui ont entraîné ces mouvements liés au transfert du siège, pas nous ! 

• Qu’attendez-vous de ce procès qui fait couler pas mal d’encre ?

Que nous soyons réintégrés dans nos droits anciens de sociétaires. J’espère que ce procès fera jurisprudence au niveau national. Les dirigeants nationaux du CA connaissent la situation de Saintes. Il semble y avoir des divergences entre le national et le régional…

• Croyez-vous, d’une manière générale, que le citoyen en soit encore réduit à la lutte du pot de terre contre le pot de fer ?

Dans certaines situations, c’est vrai. J’ai le sentiment, vu l’argumentation de l’avocat du Crédit Agricole, que nous sommes plus qu’à égalité. Son argumentation semble modeste, mais je suis trop partie prenante dans ce dossier ! Nous espérons que la justice nous donnera acte de l’actualité de la loi de 1947.

• La presse nationale, Mediapart parle de procès historique ?

En effet. Le Crédit Agricole est mutuel. Ce procès va permettre d’expliquer ce qu’est la loi de 1947 et le rôle véritable des sociétaires. Par ailleurs, le départ du siège du Crédit Agricole est grave économiquement pour la ville de Saintes. Nombreux sont inquiets pour l’avenir de ce territoire qui est en voie de désertification. Les textes en vigueur prévoient que les investisseurs qui quittent un site doivent signer une convention de revitalisation territoriale (code du travail L 1233 84). Nous avons demandé au Préfet en date du 29 avril 2016 la mise en application de cette convention. Ce dernier n’a pas donné suite et nous n’avons pas compris pourquoi. Par contre, a été signé un programme de redynamisation étalé sur deux ans seulement. La ville de Saintes devrait recevoir des compensations car le Crédit Agricole l’a placée devant le fait accompli. Les entreprises hésitent désormais à s’y implanter. N’oublions pas que depuis un siècle, le Crédit agricole était l’organisme bancaire par excellence avec son siège à Saintes. Or, il est parti à Lagord ! Aujourd’hui, la ville est-elle crédible pour des investisseurs ?

• Votre combat est donc double ?

Exactement ! Il y a à la fois l’actualité de la loi de 1947 sur la mutualisation, comme je le disais plus haut, et le devenir de la Saintonge Romane où n’existe aucun grand projet économique. Nous demandons à Jean-Philippe Machon qu’il fasse ses preuves et qu’il explique publiquement ce qu’il veut faire pour le développement de Saintes. Nous avons sollicité un premier bilan de la cité entrepreneuriale  - située dans les anciens locaux du CA -  que nous attendons toujours, de même que le suivi du programme de dynamisation. Le Conseil Régional a des dispositifs d’aides pour les bassin d’emplois en difficulté. A ce jour, il n’a reçu aucune demande sérieuse de la part de la CDA de Saintes. Le président Jean-Claude Classique serait constamment à Bordeaux à discuter avec les services d’Alain Rousset, dit-on, mais il faut présenter des projets bien précis et surtout bien ficelés. Attendons la suite…

• Rendez-vous devant le Palais de Justice le 1er décembre…
Oui ! Nous continuerons à se battre quel que soit le résultat du procès pour que Saintes puisse vivre même si la période semble difficile. Devant le Tribunal, il devrait y avoir l’intervention d’un élu local et de l’intersyndicale qui s’exprimera sur les retombées du transfert du siège du CA au niveau social. L’Aremut devrait également prendre la parole.


En juin dernier, la CDA a évoqué l’idée de transférer ses locaux de l’avenue de Tombouctou dans le bâtiment J de l'ancien Crédit Agricole. Dossier à suivre...


L’info en plus :

• Lettre d’avril 2016 adressée au Préfet par Richard Baron, président de l’Aremut, au sujet du Plan de revitalisation 

« Depuis plusieurs mois, le bassin d’emploi de  Saintes est gravement affecté par la disparition de plusieurs entreprises industrielles. Au cours  de l’été 2016, ce mouvement de désertification va encore être accéléré par la délocalisation du siège social de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel. Déjà, les incidences  sont très fortes tant sur l’appareil commercial local que sur les divers services.
Afin d’enrayer ce mouvement néfaste qui induit de nombreuses répercussions, il nous apparaît nécessaire   que soit ‘’mise en œuvre l’obligation de revitalisation’’ prévue par les textes réglementaires. Nous pensons en effet que la banque coopérative mutualiste qu’est le Crédit Agricole a une responsabilité territoriale évidente du fait de son développement historique en Saintonge.
Nous vous demandons donc de bien vouloir exiger de la part de  cette entreprise coopérative la mise en œuvre d’une convention de revitalisation territoriale qui soit le corollaire du plan interne  de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Nous allons saisir par ailleurs le président du Conseil Régional et nous avons alerté le nouveau président de la Communauté d’Agglomération afin que ces collectivités locales « se mobilisent à vos côtés- ainsi que le prévoit les textes-  pour une meilleure complémentarité des politiques et des actions menées en faveur du développement du territoire »
Notre association reste disponible à son modeste niveau pour faciliter la mise en œuvre de ce plan de revitalisation ».
 
Le transfert du siège du CA de Saintes à Lagord se ressent sur la vie économique de la ville

• La convention de redynamisation (décembre 2016) :

« Plus de 4 ans après la décision d’abandonner Saintes, les  dirigeants du Crédit Agricole vont enfin signer une convention de redynamisation. Une telle lenteur dans la décision illustre une dynamique très particulière !
L’association AREMUT qui milite depuis de très nombreux mois pour de véritables compensations au départ des 270 emplois de Saintes se réjouit évidemment de ce premier pas. Elle demande en effet  que soit mis en place un vrai plan de revitalisation économique comme le prévoit les textes réglementaires.
C’est pourquoi, elle reste surprise que cette soit-disant  ‘’convention de redynamisation économique du bassin de Saintes’’ n’associe pas deux instances majeures en matière de dynamique économique :
    *D’une part, le Conseil Régional qui, du fait de la loi NOTR, est devenu le principal acteur institutionnel en matière de développement économique local.
    *D’autre part, le Conseil de Développement qui devrait réunir tous les acteurs de la société civile saintongeaise.
L’absence de ces deux instances pénalisera lourdement  la dynamique locale.
Alors que beaucoup de Saintongeais doutent de l’avenir de leur territoire, une véritable revitalisation  de celle-ci exigera une mobilisation de tous les acteurs sociaux et économiques locaux dans le respect des textes réglementaires actuels ».

• Archives : Réactions d’élus au Conseil Général

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