Pons : Emile Combes,
en mémoire du vieux chef de l’anticléricalisme !
En 2005, la ville de Pons en Charente-Maritime a fêté le centenaire de la loi de 1905 qui sépara l’Eglise et l’Etat. Elle mit un terme aux tiraillements entre les deux "pouvoirs", les hommes politiques n’ayant plus à craindre l’excommunication ! Après plus d'un siècle d’évolution, on pensait éteintes les passions entre catholiques et laïcs. Le sentiments sous-jacents semblent plus compliqués qu’il n’y paraît. D'autant que s'y sont ajoutées des querelles d'un autre âge (celui des Croisades) entre Musulmans intégristes et des Européens qui ne comprennent pas les attentats qu'on leur fait subir. Que penserait Emile Combes d'une telle situation s'il était encore parmi nous ?
Docteur en théologie et en médecine, Emile Combes, homme au caractère déterminé, présida le Conseil de 1902 à 1905. Il y devéloppa le «combisme», c’est-à-dire une politique anticléricale qui aboutit à la fameuse loi de séparation entre Église et Etat, dont il fut l’artisan. A cette époque, les nombreuses écoles religieuses faisaient de l’ombre à la jeune école publique et républicaine. Le ciel et la patrie s’opposaient, ce n’était pas une nouveauté ! L’histoire de France est habituée à ces querelles. En plusieurs occasions, les rois ont cherché à limiter le pouvoir et l’influence du Clergé, trop présent dans les affaires. Le mettre sous contrôle devenait alors une priorité. Quand Philippe le Bel détruisit le riche Ordre du Temple, les fameux moines-soldats qui protégeaient les pèlerins en Terre Sainte, il n’agissait pas par idéologie ! Pouvoirs spirituel et temporel se sont toujours affrontés. Un exemple célèbre est Napoléon qui fit emprisonner le pape Pie VII à Savone, puis à Fontainebleau (imaginez François Hollande faisant enlever le pape François pour convenances personnelles) !
Les mentalités, au sein d’une période en pleine mutation (découvertes, progrès de la science) permirent l’adoption de cette loi impensable dans un autre contexte.
A cette époque, le Concordat de 1801 est toujours en vigueur. Paris nomme les évêques et Rome leur confère leur institution canonique. Des frictions découlent de cette organisation bicéphale.
Depuis la Révolution, tout est devenu prétexte à litige entre religion et gouvernement, mais la guerre commence véritablement avec Emile Combes. La fermeture d’écoles religieuses et l’interdiction aux prêtes des congrégations d’enseigner met le feu aux poudres. Au diable les soutanes ! Au Parlement, les députés de gauche lui demandent d’aller plus loin et de hâter la manœuvre : « je suis aussi pressé que le plus pressé d’entre vous » leur répond-il. Lors d’une réunion, il déclare : « le pouvoir religieux a déchiré le Concordat et il n’est pas dans mes intentions de le rapiécer ». Pour l‘heure, il se sent soutenu, c’est pourquoi il privilégie les questions sociales.
Malheureusement pour lui, il est bientôt mêlé à "l'affaire de fiches" qui provoque un véritable scandale. Son crédit s’effrite et ses amis commencent à le lâcher.
La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat est finalement votée le 9 décembre 1905 à l’initiative du député Aristide Briand. Elle s’applique aux quatre confessions représentées dans le pays : les Catholiques, les Luthériens, les Calvinistes et les Israélites. Si la République garantit le libre exercice des cultes, « elle ne reconnaît, ni ne salarie, ni ne subventionne aucun d’eux ».
Emile Combes, qui fut l’objet de violentes critiques, n’a jamais attaqué directement le Saint-Siège. Habile stratégie, il a exploité les fautes de son adversaire. Courageux, il a osé affronter « la forteresse vaticane après avoir réduit ses satellites ». Pour cette raison, les uns l’ont détesté et comparé au « diable » tandis les autres l’ont surnommé avec affection « le petit Père ». Si sa signature ne figure pas au bas du document officiel (il avait quitté ses fonctions), « il a rendu possible cette loi en lui ouvrant la voie ».
Que reste-t-il aujourd’hui du combat être Catholiques et Laïcs ? Il a
perdu de son intensité, c’est une évidence, une majorité des Français
étant attachée aux valeurs citoyennes. De nos jours, tout le monde se
dit laïc et républicain. En sommes-nous si sûrs ?
Plus puissante car «pratiquée», la religion musulmane suscite, par contre, des interrogations qui se sont traduites dans un premier temps par des affaires comme le foulard. Le climat s'est subitement durci, non pas avec les représentants d'un Islam modéré, mais avec les combattants de Daesh. Des attentats, plongeant la France dans l'effroi, ont été commis par ces extrémistes qui s'attaquent aux pays les combattant au Moyen Orient, dont la France. Charlie hebdo, la tragédie de Nice ou la mort du père Hamel se passent de commentaires.
Emile Combes, victime
de son anticléralisme ?
Son antipathie contre les curés viendrait-elle du fait que le directeur du Séminaire où il étudia le dissuada d’entrer dans les ordres au prétexte qu’il n’avait pas la vocation ? Ses amis prétendent que « le Supérieur redoutait son esprit critique » et qu’au moment de l’ordination des minorés, « il le questionna et différa l’appel ».
Il enseigne alors la philosophie au collège de l’Assomption, à Nîmes, puis il est nommé à Pons où il occupe la chaire de rhétorique. Par la suite, Il devient médecin, entre en franc-maçonnerie et fait de la politique, rejoignant le parti Radical de Georges Clemenceau. Il lui arrive, dit-on, de comparer le Sénat, où il a fait son entrée, « à un couvent bien tenu » (le train des sénateurs est resté le même !). En 1895, il devient ministre de l’Instruction Publique et des Cultes. Quand il obtient la présidence du Conseil, succédant à Waldeck Rousseau, il ne porte guère la religion dans son cœur. Dans une circulaire adressée aux préfets en 1902, il écrit : « votre devoir vous commande de réserver les faveurs dont vous disposez seulement à ceux de vos administrés qui ont donné des preuves non équivoques de leur fidélité aux institutions républicaines ». Dans la foulée, il fait fermer 2.500 écoles religieuses et, dans la loi du 7 juillet 1904, interdit aux prêtres des congrégations d’enseigner.
L’affaire des fiches découle, elle aussi, de la volonté de favoriser l’avancement des officiers républicains anticléricaux. 2000 fiches avaient été envoyées où il était demandé aux intéressés s’ils allaient à la messe, où étaient scolarisés leurs enfants, etc. Une sélection en quelque sorte. Quand l’affaire fut officiellement dévoilée, en octobre 1904, le scandale éclaboussa la Chambre des députés. Le Ministre de la Guerre, le Général André, fut giflé par le député nationaliste Syveton. André fut dans l’obligation de démissionner, bientôt suivi du gouvernement Combes.
Emile Combes fut alors remplacé par Maurice Rouvier. Sous son gouvernement, fut votée la fameuse loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le mot laïcité entra alors dans le vocabulaire. Il y est toujours présent !
Et Dieu dans tout ça ?
Dans un petit livre sur la correspondance intime d’Emile Combes (1930), Jean de Criteuil explique que son ami était un croyant sincère, ayant fait graver sur le caveau de son fils Edgard, mort en 1907 : « Aimons-nous dans la mort comme dans la vie. Notre cœur nous dit qu’il n’y a pas de séparation éternelle. Nous nous quittons dans l’incertitude, nous nous retrouverons dans la vérité ».
Il s’adresse, en ces termes, à ceux qui ont critiqué d’Emile Combes : « Sectaires politiques et ecclésiastiques, osez donc maintenant suspecter sa sincérité. Vous pouvez, M. Curien, protester contre ce que vous appelez la honteuse glorification d’un homme néfaste entre tous ; vous pouvez écrire aussi que sa statue se dresse c omme un défi à Dieu. Ah, certes, Monsieur l’Evêque de la Rochelle, le dieu d’Emile Combes n’est pas le vôtre. Celui que vous adorez a des attributs spéciaux qui tiennent des faiblesse humaines. S’il est juste, il est aussi vindicatif, haineux. S’il est amour, il ignore la charité et rend le mal pour le mal. C’est le Jahveh du talion mosaïque. S’il est rédempteur, il est encore sanguinaire et cruel. Et votre sauveur, celui que, paraît-il, vous faites naître tous les matins sur l’autel, ignore tout de la douceur évangélique du Christ aimable et charitable. Le dieu d’Emile Combes n’a rien de commun avec le vôtre. Il est vérité, justice, bien, beauté, droit, tolérance et charité. Eh oui, monsieur l’Evêque, si le Président Combes fut inflexible dans l’application de la loi, c’était pour obéir à sa conscience droite. La loi vous frappait et abolissait vos privilèges. Avec elle, il vous a frappé. Mais en dehors de la loi, et pour toutes les confessions qui se sont soumises à la loi, le Petit Père eut toujours des entrailles de père ».
Plus puissante car «pratiquée», la religion musulmane suscite, par contre, des interrogations qui se sont traduites dans un premier temps par des affaires comme le foulard. Le climat s'est subitement durci, non pas avec les représentants d'un Islam modéré, mais avec les combattants de Daesh. Des attentats, plongeant la France dans l'effroi, ont été commis par ces extrémistes qui s'attaquent aux pays les combattant au Moyen Orient, dont la France. Charlie hebdo, la tragédie de Nice ou la mort du père Hamel se passent de commentaires.
Le
dernier "scandale" en date, le port du fameux burkini, vient
d'entraîner des violences en Corse et certains maires ont pris des
arrêtés l'interdisant sur leurs plages.
La laïcité serait-elle menacée par ceux qui veulent toiletter la loi de 1905 ? C’est comme si on disait : il faut détruire Carthage - Carthago delenda est selon Caton l’ancien - mais n’est pas Scipion qui veut !
La laïcité serait-elle menacée par ceux qui veulent toiletter la loi de 1905 ? C’est comme si on disait : il faut détruire Carthage - Carthago delenda est selon Caton l’ancien - mais n’est pas Scipion qui veut !
Emile Combes a été maire de Pons de 1868 à 1919. Décédé en 1921, il est enterré dans l'ancien cimetière de cette ville de Charente-Maritime. |
Emile Combes fut souvent caricaturé... |
de son anticléralisme ?
Son antipathie contre les curés viendrait-elle du fait que le directeur du Séminaire où il étudia le dissuada d’entrer dans les ordres au prétexte qu’il n’avait pas la vocation ? Ses amis prétendent que « le Supérieur redoutait son esprit critique » et qu’au moment de l’ordination des minorés, « il le questionna et différa l’appel ».
Il enseigne alors la philosophie au collège de l’Assomption, à Nîmes, puis il est nommé à Pons où il occupe la chaire de rhétorique. Par la suite, Il devient médecin, entre en franc-maçonnerie et fait de la politique, rejoignant le parti Radical de Georges Clemenceau. Il lui arrive, dit-on, de comparer le Sénat, où il a fait son entrée, « à un couvent bien tenu » (le train des sénateurs est resté le même !). En 1895, il devient ministre de l’Instruction Publique et des Cultes. Quand il obtient la présidence du Conseil, succédant à Waldeck Rousseau, il ne porte guère la religion dans son cœur. Dans une circulaire adressée aux préfets en 1902, il écrit : « votre devoir vous commande de réserver les faveurs dont vous disposez seulement à ceux de vos administrés qui ont donné des preuves non équivoques de leur fidélité aux institutions républicaines ». Dans la foulée, il fait fermer 2.500 écoles religieuses et, dans la loi du 7 juillet 1904, interdit aux prêtres des congrégations d’enseigner.
L’affaire des fiches découle, elle aussi, de la volonté de favoriser l’avancement des officiers républicains anticléricaux. 2000 fiches avaient été envoyées où il était demandé aux intéressés s’ils allaient à la messe, où étaient scolarisés leurs enfants, etc. Une sélection en quelque sorte. Quand l’affaire fut officiellement dévoilée, en octobre 1904, le scandale éclaboussa la Chambre des députés. Le Ministre de la Guerre, le Général André, fut giflé par le député nationaliste Syveton. André fut dans l’obligation de démissionner, bientôt suivi du gouvernement Combes.
Emile Combes fut alors remplacé par Maurice Rouvier. Sous son gouvernement, fut votée la fameuse loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le mot laïcité entra alors dans le vocabulaire. Il y est toujours présent !
Et Dieu dans tout ça ?
Dans un petit livre sur la correspondance intime d’Emile Combes (1930), Jean de Criteuil explique que son ami était un croyant sincère, ayant fait graver sur le caveau de son fils Edgard, mort en 1907 : « Aimons-nous dans la mort comme dans la vie. Notre cœur nous dit qu’il n’y a pas de séparation éternelle. Nous nous quittons dans l’incertitude, nous nous retrouverons dans la vérité ».
Il s’adresse, en ces termes, à ceux qui ont critiqué d’Emile Combes : « Sectaires politiques et ecclésiastiques, osez donc maintenant suspecter sa sincérité. Vous pouvez, M. Curien, protester contre ce que vous appelez la honteuse glorification d’un homme néfaste entre tous ; vous pouvez écrire aussi que sa statue se dresse c omme un défi à Dieu. Ah, certes, Monsieur l’Evêque de la Rochelle, le dieu d’Emile Combes n’est pas le vôtre. Celui que vous adorez a des attributs spéciaux qui tiennent des faiblesse humaines. S’il est juste, il est aussi vindicatif, haineux. S’il est amour, il ignore la charité et rend le mal pour le mal. C’est le Jahveh du talion mosaïque. S’il est rédempteur, il est encore sanguinaire et cruel. Et votre sauveur, celui que, paraît-il, vous faites naître tous les matins sur l’autel, ignore tout de la douceur évangélique du Christ aimable et charitable. Le dieu d’Emile Combes n’a rien de commun avec le vôtre. Il est vérité, justice, bien, beauté, droit, tolérance et charité. Eh oui, monsieur l’Evêque, si le Président Combes fut inflexible dans l’application de la loi, c’était pour obéir à sa conscience droite. La loi vous frappait et abolissait vos privilèges. Avec elle, il vous a frappé. Mais en dehors de la loi, et pour toutes les confessions qui se sont soumises à la loi, le Petit Père eut toujours des entrailles de père ».
NICOLE BERTIN
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