mardi 8 août 2017

Clion : René Lanoue fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite

Maire de la commune de Clion sur Seugne durant plusieurs décennies, René Lanoue est une « mémoire » de la Haute Saintonge. Dimanche, dans le parc du Musée artisanal et rural, il a été fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite. Un moment émouvant en présence de sa famille, de Jacky Quesson, maire de Saint-Genis, du maire de la commune, Josette Mauroy et d'une nombreuse assistance.

René Lanoue fait Chevalier dans l'Ordre du Mérite par Pierrette Casseyre
A l’âge de 94 ans, René Lanoue appartient aux personnalités qui ont apporté leur pierre à l’édifice de la Haute Saintonge. Maire de Clion durant trente ans, la médaille du Mérite lui a été décernée pour ses bons et loyaux services dimanche matin. Son fils, Philippe, remercia Pierrette et Jean-Pierre Casseyre qui ont procédé à la remise de cette distinction : « vous avez tous deux des liens très forts avec le village ».

René Lanoue aux côtés de son fils Philippe, Pierrette et Jean-Pierre Casseyre
Les amis étaient là !
Jean Pierre Casseyre, Josette Mauroy, Jacky Quesson


Jean-Pierre Casseyre évoqua le passé : « quand tu habitais Lansac, je venais te faire une visite pendant les vacances. Nous parlions histoire, économie rurale. Et surtout, tu me racontais des épisodes de l’Occupation à Jonzac, aux carrières d’Heurtebise ».
Pierrette Casseyre, quant à elle, salua son engagement dans la vie publique et ses cinq mandats de maire : « pendant ces 30 années à la tête de la commune, on ne peut que souligner la primauté que tu as accordé aux problèmes humains, au respect des opinions, à la tolérance, la modestie dont tu as fait preuve ainsi que la concertation. Cette médaille récompense tes efforts, ton travail, ton intégrité et ta constante disponibilité. La République sait honorer les siens ». René Lanoue était ému et ses remerciements furent aussi éloquents que son regard.

Retour sur une période qu’il n’a jamais oubliée…

Fils d’agriculteur à Clion-sur-Seugne, la jeunesse de René Lanoue a été frappée du sceau de la Seconde Guerre mondiale quand l’Allemagne avait envahi la France. Il y a quelques années, il nous avait confié ses souvenirs sur cette époque troublée : « J’aurais du aller au STO à Nuremberg mais, par l’intermédiaire de Berthelot le laitier, j’ai appris que la Kriesgmarine recrutait à Jonzac. Je me suis présenté et j’ai été embauché. Notre travail consistait à ramener des obus de la gare  pour les entreposer dans les carrières d’Heurtebise. Ce n’était pas dangereux car ils n’étaient pas amorcés ».

Il a 23 ans et a pris pension dans un petit restaurant situé boulevard Denfert Rochereau. Sa journée commence tôt et se termine tard. Les Allemands sont « corrects » à l’égard des ouvriers. S’il ne connaît pas personnellement Pierre Ruibet - qui fera exploser le dépôt de munitions - il l’a croisé : « il était assez grand, costaud et très discret ».

Quand le jour J est arrivé, le 30 juin 1944, René Lanoue et ses collègues ignorent tout des événements terribles qui vont suivre : « jusqu’à présent, nous étions dans l’interrogation. Avant le débarquement, beaucoup croyaient que c’était foutu, que nous allions devenir Allemands. De plus, nous ignorions totalement l’existence des camps de concentration. Le 30 juin, la journée a commencé comme à l’habitude. Nous n’étions jamais contrôlés et encore moins fouillés. Cela explique pourquoi Ruibet a réussi à dissimuler du matériel. La carrière était commandée par un vieux capitaine qui avait fait la guerre 14-18 ».
René Lanoue ne se doute de rien. Son chef d’équipe lui demande d’aller chercher un chevron pour caler des obus. C’est alors qu’il croise Claude Gatineau qui sort des carrières en courant. Il lui demande où il va, mais le jeune homme ne répond pas. « Je l’ai trouvé bizarre. C’est alors qu’a surgi un Allemand ensanglanté qui criait « Sabotage Ruibet et Gatineau ». J’ai tout de suite fait demi-tour et j’ai dit aux copains de s’en aller. A l’intérieur, on entendait des explosions ».
Ils sont sept ou huit à prendre la direction de la laiterie de Beauregard en direction de Champagnac. Le secteur est plein de fils barbelés et il est miné. « L’un des nôtres a sauté sur une mine, lui coupant la jambe. Nous l’avons placé dans une brouette, puis il a été conduit à l’hôpital dans le service dr Peu-Duvallon. Fort heureusement, il a survécu. Finalement, nous aurions mieux fait de sortir par la porte d‘entrée. Les ouvriers qui l’ont fait n’ont pas eu de problème pour quitter les lieux ».
En fuite, René Lanoue et la troupe ne savent pas trop quoi faire. Des bruits persistants circulent. On parle d’otages qui seraient fusillés. « A part ceux qui étaient en permission, nous avons décidé de revenir à la carrière où les Allemands nous ont parqués dans la cour de Clerjaud. Malgré les événements, nous avons repris le travail. On nous a demandé de récupérer le cuivre des obus. Nous étions inquiets car nous ignorions ce qui nous attendait. Nous avons vu sortir Claude Gatineau des baraquements où il avait été torturé. Il était soutenu par deux soldats. C’est alors qu’on nous a donné l’ordre de monter un échafaud ».

A cette évocation, René Lanoue est ému : « je n’oublierai jamais cet instant. Les mots me manquent. C’est le moment le plus terrible de ma vie. Nous ne savions pas à qui était destinée cette corde. A nous, à d’autres ? ». En effet, un Oradour-sur-Glane aurait pu se produire à Jonzac car le dépôt détruit était le plus important de la Côte atlantique. Sa disparition était donc un véritable coup dur pour les Allemands.
Claude Gatineau ne sera pas pendu, mais fusillé quelques jours plus tard, après un procès très discutable. « Nous avons entendu les coups de feu. C’était affreux ».

Aux carrières, la vie a repris son cours après l’explosion. Toutefois, les choses ont changé : « comme il n’y avait plus rien à faire, nous ne sommes plus venus à partir du mois d’août ».

René Lanoue s’engage alors en Afrique du Nord où il reste huit mois. Un beau jour, la guerre s’achève, tirant un trait sur des années tragiques. « Nous avons créé l’Association des Carrières dont j’ai été le président. Balout en était vice-président et Henri Jean secrétaire. Nous nous réunissions tous les ans le 30 juin. Je suis allé me recueillir sur la tombe de Pierre Ruibet à Voiron. La commune a érigé un monument en son honneur ».

« Nous avons eu une bien mauvaise jeunesse »
avoue René Lanoue. La guerre, l’occupation mais aussi les dénonciations, la collaboration, les résistants de la dernière heure, les femmes tondues inutilement. « Je voudrais que tout ça ne se reproduise plus » dit-il.
René Lanoue s’est marié à Clion où il a repris l’exploitation familiale. Il a eu deux fils Laurent et Philippe. Ce dernier, comme son père, a été maire de cette commune du canton de Saint-Genis.

Dimanche dernier, René Lanoue était donc à l’honneur et nous lui adressons toutes nos félicitations. Souhaitons que son vœu « que les nouvelles générations ne connaissent pas les affres de la guerre » soit exaucé…

Séquence émotion
L'allocution de Pierrette Casseyre
René Lanoue est devenu Chevalier !
Une cérémonie émouvante
Les félicitations au récipiendaire

• René Lanoue est aujourd’hui l’un des pensionnaires de l’EHPAD la Mirambelle à Mirambeau

• Pierrette Casseyre a été conservateur des bibliothèques universitaires de médecine à Toulouse, Nancy et Reims avant d'être nommée directeur de la Bibliothèque interuniversitaire de Santé de Paris.
• Jean-Pierre Casseyre a été nommé à l'Inspection générale des Bibliothèques. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages  et anime des conférences.

• La cérémonie avait lieu dans le cadre de la fête des vieux métiers organisée par l’association Les Amis du temps passé chère à Guy Bernard



Le musée artisanal et rural de Clion est à découvrir

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