mercredi 23 août 2017

Challignac : cuisson de poteries dans un four Anagama...


Le soir tombe sur la commune de Challignac en Charente. Soudain, une flamme de belle dimension se dresse à l’horizon, à proximité d’une habitation. Que se passe-t-il ? En s’approchant de plus près, on découvre que les occupants des lieux, attablés à dîner, ne sont nullement inquiets quant à cette flamme qui les entoure de sa chaleur bienveillante.



Dans le hangar où sont réunies plusieurs personnes, on découvre une structure un peu étrange qui possède des "yeux" incandescents. Par le plus grand des hasards, serions-nous entrés chez Vulcain, le dieu de la mythologie ? Un peu... sauf qu’en cet endroit, on ne forge pas de métaux, mais on y cuit des poteries en grand nombre.
Les maîtres des lieux, Gilles Jauré et sa femme Miral ont préparé minutieusement cette fournée confiée aux entrailles d’un four Anagama d’une contenance de 0,6 m3 (conçu en 1992). Sorte de long tunnel au foyer glouton.
Durant trois jours, les créations, qui se trouvent en son ventre, vont se métamorphoser sous l‘effet d’une alchimie millénaire. Par l’action de la chaleur et des cendres, le vernis qui les ornera sera à nul autre pareil et aucune pièce ne se ressemblera.
Miral entoure sa production d'une extrême attention. D'origine israélienne, elle se partage entre la France et son pays d’origine où elle possède une galerie. Cette cuisson des pièces qu’elles a réalisées durera 45 heures. A tour de rôle, les gardiens surveilleront les opérations. Pas question que le four s'arrête ! A ses côtés, se trouvent sa famille et des amies partageant avec elle une même passion pour la poterie. Le moment est particulier auprès de ce four incroyable !

Bois utilisé : chêne, acacia, pin
Trois bouches pour suivre la cuisson !

Gilles Jauré et sa femme Miral suivent de près la cuisson des poteries qui s’échelonnera du mercredi au vendredi. Cette chauffe particulière allant jusqu’à 1300 degrés donne aux objets un brillant incomparable.


• Les fours à bois ont été les premiers fours utilisés pour la cuisson des céramiques. C'est à eux que l'on doit la production en Chine et au Japon des très beaux céladons et autres céramiques de valeur. Bien qu'ils puissent atteindre des températures suffisantes pour produire de la porcelaine, ils exigent cependant une grande maîtrise dans le choix du bois de chauffe, la préparation, la conduite et la surveillance de la cuisson.

Vendredi matin, lors de la découverte de l’effet final, Miral était satisfaite. Le four fonctionne une fois par an.  


Et voilà le résultat !
Pour en savoir plus...

Les fours les plus primitifs sont de type four semi-enterré avec un foyer et une chambre de cuisson séparés par une sole portée par un pilier central. Ils sont couverts d'un dôme en argile ou en brique crue à l’intérieur d’une enveloppe de pierres. Les voûtes de ces fours incorporent fréquemment des fragments de poteries issus de précédentes cuissons. Ces fours dépassent rarement 800 °C.
Les fours couchés, dans lesquels le tirage est horizontal ou oblique, exploitent la pente d'une colline, et vraisemblablement, à l'origine, la présence de grottes. Ces fours, très répandus en Asie du fait de la topographie, comportent une chambre (Anagama) ou une succession de chambres ascendantes (four dragon ou Noborigama). On les trouve en exploitation en Chine. Ils apparaissent en France en Puisaye au XVIe siècle et à Malicorne-sur-Sarthe au XIX siècle.

• Le four dragon type Noborigama (chinois :龙窑 ; pinyin : lóngyáo). Ces fours couchés à chambres ascendantes furent utilisés dès l'époque Shang dans la province du Zhejiang, et devinrent dès lors très populaires dans le sud de la Chine. Il s'agit de fours construits sur une pente de 8 à 20 degrés, de très grande taille, puisqu'ils avaient souvent de 30 à 80 mètres de longueur, et de grande capacité. Ces fours longyao étaient chauffés au bois, et pouvaient atteindre des températures dépassant 1 200 °C4.

• Le four Anagama : Sa chambre unique et sa haute cheminée assurent un excellent tirage. Il permet des cuissons plus rapides et une moindre consommation de combustible. Introduit durant le XVIe siècle (dynastie Ming).


• Le grand feu : de 1 000 à 1 250 °C-1 280 °C (cuisson de grès) ou 1 350 °C (cuisson de porcelaine), il s'agit de donner au tesson sa solidité finale et de permettre aux émaux de fondre. Dans la cuisson au bois, la période la plus délicate pour le contrôle de la température est souvent le bassinage. Si la température augmente trop rapidement, l'eau contenue dans les pièces (eau de façonnage utilisée pour réaliser la pièce ou bien eau chimique qui lie certaines molécules dans l'argile en train d'être cuite) peut subitement se transformer en vapeur alors qu'elle est enfermée dans le tesson en train de cuire. La vapeur d'eau à l'état gazeux exerce alors une pression interne qui fait exploser la pièce. Les pièces qui l'entourent sont souvent également détruites.

• Afin d'éviter ces incidents, le conducteur de cuisson réalise, en début de cuisson, une montée en température très progressive. Une feuille de papier journal est placée dans le four. Celle-ci s'enflammera spontanément à partir de 177 °C. Une autre méthode consiste à placer un miroir au-dessus de la cheminée pour voir si de la vapeur d'eau se condense sur sa surface. Dans ce cas, de l'eau est toujours en train de s'évacuer des pièces, et la température ne peut pas être trop augmentée.

A Challignac, tout le monde surveille le four !
Miral Jauré attend avec impatience de sortir les poteries du four !
Cet événement est également l'occasion de se retrouver !

A bout de 45 heures, les poteries apparaîtront sous un jour nouveau...
 Photos Nicole Bertin

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