Mercredi à Saintes, l'adieu à Michel Baron (photo J.P. Coffin) |
Son retrait des sphères publique et professionnelle ouvrit l’horizon. L’homme avait encore une mission à remplir. Baron allait devenir Michel l’Africain comme le fut avant lui René Caillié, le premier Européen à sortir vivant de Tombouctou.
Le continent noir, il l’avait dans la peau et ses actions, commencées à Médecins sans Frontières avec Bernard Kouchner à Bamako, n’étaient que l’aboutissement de ses convictions.
De son bureau de l’hôtel de ville, il savait que tôt ou tard, ses pas le ramèneraient dans des lieux où, se remémorant le serment d’Hippocrate, il concrétiserait la dernière étape de son existence : « Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ferait tout pour soulager les souffrances ». Ainsi fut son destin au Sénégal.
« On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir. Chacun a besoin de l'autre pour se révéler » dit le proverbe africain.
Que de souvenirs en ce moment de recueillement. |
Monique Oui, proche de Michel Baron
« Lorsque tu as été élu Maire en 1971, tu voulais que Saintes soit jumelée avec une ville du tiers-monde. Pourquoi? parce que tu disais qu’un jumelage devait servir à quelque chose. Et tu as choisi comme pays, le Mali et la ville de Tombouctou. Tu connaissais le Mali ayant pratiqué la médecine à Bamako. Tu as donné sans compter pendant 24 ans pour cette ville surnommée la ville mystérieuse, la perle du désert, la ville aux 333 saints.
Dans un discours prononcé à Tombouctou en décembre 1983, tu disais ceci : « un jumelage, c’est un échange, c’est la connaissance de l’autre, c’est aussi l’aide que doit apporter le plus riche au plus ». Et tu ajoutais : « Le Tiers Monde, c’est un monde en friche, un monde sous-industrialisé, pillé par les bourgeoisies locales qui le gouvernent, pillé par le reste du monde. Je ne peux plus supporter la misère. Je ne peux plus supporter le fait que 15 millions d’enfants meurent tous les ans, que 50 millions d’autres soient malades de la malnutrition et de la guerre ».
Tes mots sont hélas d'actualité car le monde est ravagé par les guerres en Syrie, Irak, Ukraine et sauvagement envahi par des rebelles qui tuent femmes et enfants au Yemen, Nigéria, Kenya, Mali où ils ont détruit les mausolées et saccagé les manuscrits très anciens du Centre Abmed Baba de Tombouctou.
Chaque fois que l’on se rendait à Tombouctou, tu passais tes journées entières à faire des consultations et à pratiquer des actes médicaux, la même chose au Sénégal. De véritables liens d'amitié se sont tissés avec Abbas, maire de Tombouctou, entre les Saintais et la population tombouctienne et l'on s’est fait de vrais amis. C’est grâce à toi si Yéhia Touré, qui a vécu un an à Saintes au collège René Caillié en sport étude, est maintenant professeur d'éducation physique au lycée français de Bamako.
Nos lotos à la Salle Centrale dans une ambiance très festive, nos foires aux puces, place de l'Echevinage, nos plantations et récoltes de patates chez Françoise et Yves dans un cadre champêtre ! Toutes ces actions menées par le Comité de Jumelage avec ton appui et celui de ton conseil municipal au profit de Tombouctou : écoles primaires et jardins d'enfants ; une P.M.l. créée en 1983 ; un périmètre maraîcher de 13 hectares à Hariboro en 1985-86 qui permet à 130 familles de pouvoir manger des légumes ; forages ; création d’un musée ; 7 centres de développement communautaire pour les femmes, etc. Comment oublier ce que tu m'as donné : ton amitié, ton grand cœur, ta grande simplicité, ton amour passionné pour l’Afrique, ton combat pour la justice et ton exemple de vrai militant ».
• Jean-Philippe Machon, maire de Saintes :
« Nous sommes ici réunis aujourd’hui pour cette cérémonie afin d’honorer la mémoire de Michel Baron et c’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que je m’adresse à vous. Mes pensées se portent tout d’abord vers sa famille : Olivier, Jérôme, Tanguy, Kim et Najat. Au nom du conseil municipal, au nom de notre ville et de l’ensemble des Saintais, je leur exprime le témoignage de notre profond chagrin et de notre compassion. Homme politique souhaitant son indépendance et faisant fi des obligations des partis, responsable politique hors pair, homme de terrain, Michel Baron a brillé par son intégrité et son attachement à répondre très concrètement aux attentes, aux questions et aux aspirations de ses concitoyens. Véritable précurseur et visionnaire, il a, grâce à son action déterminée, ouvert la voie vers la modernisation de notre ville. Il a su anticiper et préparer ce que Saintes pouvait, devait devenir. On ne dirige pas pendant 24 ans sans avoir une vision précise pour sa ville, et sans marquer les esprits. Bien sûr, tout le monde n’a pas toujours été d’accord avec les choix qu’il a effectués pour notre ville - on ne fait jamais l’unanimité, c’est le propre de la vie politique, il y a toujours des mécontents - mais, parce qu’il était un homme de dialogue et de concertation, il a toujours veillé à ce que la démocratie locale soit parfaitement respectée.
Avec beaucoup de sincérité, il a été le maire de tous les Saintais. Rassembleur, il a su, dans sa fonction de premier magistrat de Saintes, voir au delà des querelles partisanes pour se concentrer sur les problèmes vraiment importants du quotidien et de l’avenir. C’était un homme qui savait avoir de la cohésion, qualité essentielle d’un bon maire.
Je voudrais ajouter un mot personnel. Michel Baron et mon père se connaissaient très bien. Ils partageaient le même amour pour la culture saintongeaise. Il a toujours soutenu mon père dans ses activités associatives liées au folklore et aux arts et traditions populaires de Saintonge auxquelles il s’est consacré toute sa vie. En reconnaissance, Michel Baron a baptisé le square de la maison du folklore square Pierre Machon. Aujourd’hui publiquement et avec émotion, je tenais une dernière fois à l’en remercier ».
• Philippe Berthet, ancien directeur des services techniques de la ville de Saintes :
« Te souviens-tu de nos premières rencontres à la mairie ? Tu étais un jeune maire, élu depuis à peine plus d’un an. Moi, un peu mort de peur à l’idée de te rencontrer car tu avais la réputation de ne pas être très tendre avec les services de l’Etat dont j’étais un représentant. J’ai tout de suite apprécié tes qualités de maire et vu Saintes se transformer au fil des années. Tu as entrepris de grandes réalisations tout en développement les zones d’activités. En 1987, tu m’as demandé de prendre la direction des services techniques de la ville pour remplacer Marcel Vallet. Notre collaboration est devenue complicité. J’ai découvert un homme, sensible et généreux sous une carapace de personnage froid et distant. J’ai découvert aussi la formidable équipe qui t’entourait. Tu étais un homme de terrain efficace. C’est comme ça que tu concevais ton rôle de maire, plutôt qu’en représentation dans des cérémonies ou mondanités auxquelles il t’arrivait de participer… mais visiblement sans enthousiasme. Pendant les inondations de 1994, nous avons visité tous les quartiers concernés et porté assistance aux sinistrés. François Mitterrand est venu sur place témoigner « de la solidarité nationale face à cette épreuve ». A la fin de tes 24 ans de mandat, un fascicule a été édité avec cette simple mention « aux Saintais ». Tes successeurs l’ont fait disparaître au lieu de le distribuer. je n’ai pas compris ce geste... Tu as toujours pu compter sur quelques fidèles. J’en étais et j’en suis fier ».
• Gérard Desrente, ami de Michel Baron :
« Tu disais de l’Abbaye aux Dames, que tu as magnifiquement contribué à restaurer, qu’elle était la plus belle cité HLM de France ! Ah, tu n’étais pas un mec simple, tu avais un foutu caractère, l’œil incisif, toujours prêt à en découdre. Tu pensais vite mais surtout juste, ce qui est déterminant pour exercer un mandate exécutif. Tu étais visionnaire avec une réelle ambition au service de la ville de Saintes. Tu cumulais ton job de cardiologue et de maire : Georges Benchimol, ton associé, en était impressionné ! Homme de cœur, tu conjuguais la rigueur du gestionnaire à la tendresse du père de famille avec tes trois fils et tes deux filles venues d’ailleurs, Kim et Najat, avec la complicité de ton épouse Kiki dont la disparition a provoqué un vide immense. Chez vous, c’était toujours la fête, la gaîté, la bonne humeur.
Tu n’as jamais eu grande confiance dans les partis politiques. Appartenant au PSU, tu as rejoint le PS, mais la politique politicienne n’était pas ta tasse de thé. Tu as refusé par deux fois à François Mitterrand un poste de ministre, car en désaccord avec les fonctions proposées ! Tu étais un personnage hors normes. Merci pour tout ce que tu as donné ».
Bernard L’Hostis, ancien chef de cabinet, puis premier adjoint :
« J’aime la phrase de Boris Vian que tu avais fait tienne : ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes, c’est celui de chacun. Je me souviens de cette femme qui vivait dans un garage avec 300 francs par mois. Veuve d’un réfugié espagnol, elle n’avait aucun droit. Nous avons alors créé « la caisse de justice », une de tes idées pour pallier le service social. Nous donnions 5% de notre salaire pour l’alimenter. Plus tard, nous avons offert un camion citerne à Tombouctou, ville jumelée à Saintes. Avec ton épouse, responsable de « Terre des hommes », tu as organisé une aide à l’adoption dont tu as été le premier bénéficiaire avec Kim, venant du Vietnam, et Najat du Maroc.
A Paris, Mitterrand avait voulu te confier "les collectivités locales". Tu lui avais répondu préférer l’Afrique ! Tu as développé les jumelages, ouvert à Saintes une annexe de l’école d’architecture de Houston, lancé un conseil municipal des jeunes et des sages. Tu avais un sens pour découvrir les gens talentueux et contrairement à certains maires qui embauchent leurs copains, tu prenais les meilleurs et leur accordait ensuite ton amitié. Durant tes mandats, tu as connu cependant trois échecs, dont l’impossibilité de créer un lac dans la prairie et la vente de l’église de la rue Urbain Loyer à des intégristes.
Tu étais une sacrée tête de mule avec toutes les qualités de générosité qui allaient avec. N’as-tu pas mis 20 ans à rejoindre la franc-maçonnerie par crainte que l’on puisse dire que tu en retirerais des avantages ? J’ai fait tes campagne électorales dont la Sénatoriale où tu te présentais en disant « il faut supprimer le Sénat » ! J’ai travaillé en osmose avec toi pendant 12 ans. Tu étais né pour l’amitié, la sincérité, la vraie. Je souhaite que Saintes se souvienne longtemps de toi et sache donner ton nom à un site qui t’honore, tu le mérites tant. Salut Mim’s puisque c’est ainsi que nous t’appelions ».
• Abbas Kader, ancien maire de Tombouctou :
« Si des contraintes administratives ne me permettent pas d'être là physiquement, sois assuré que je le suis de cœur et d'esprit et qu'à travers ces lignes, je voudrais exprimer l'immense douleur qui est la mienne devant cet impitoyable coup du sort qui hélas est le lot de tout mortel. Il y a peu de temps, de ton lit d'hôpital, tu me disais qu'une fois rétabli, tu viendrais au Mali et nous irions à Tombouctou, cette ville que tu as tant aimée. Les personnes qui ont eu le privilège de te connaître ont le meilleur souvenir de toi. Homme affable, simple et discret, toujours décontracté et plein d'humour, au contact facile aussi bien avec les grands qu'avec les petits. Que tes proches veuillent bien croire à notre affectueux soutien dans cette terrible épreuve ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire