Qu’est devenu le fameux « peace and love » (faites l’amour, pas la guerre) que prônait cette génération dans un contexte où les préoccupations liées aux libertés individuelles étaient une priorité ?
Les héritiers de 1968 (dont certains sont aux commandes aujourd'hui) doivent être déçus ou bien ils ont totalement changé d’idéal : non seulement la situation internationale est instable, mais la guerre est toujours aussi présente et le matérialiste triomphe. Quant à la condition des femmes, elle reste délicate dans certains pays.
« Finalement, que reste-t-il de mai 68 dans un monde où les guerres de religion reviennent sur le devant de la scène et quels souvenirs gardez-vous de cette époque ? » est la question que nous avons posée. Il en ressort des souvenirs contrastés que l'on soit dedans ou en dehors des événements. Une certaine déception aussi car les élans du cœur peuvent aboutir à des illusions perdues...
Qui veut des pavés ? (photo Thierry Lacourly) |
Dix-huit ans en mai 68, donc mineur, vivant en banlieue dans le carcan étouffant d'une famille archi conservatrice, coupé de la sphère sociale et politique du moment, ce n'est qu'étudiant, échappant enfin à l'emprise idéologique familiale de droite que j'ai, en réaction, adhéré pleinement aux revendications de mai 68. Avancées sociales, libéralisation des mœurs, une bouffée d'air et de modernité qui s'est plus vite traduite dans les mentalités et les comportements que dans les institutions. Sautaient alors les verrous conservateurs d'une société étriquée. Désacralisation des mythes, de la morale, de la religion et de l'Etat. Un moment de ferveur et de partage dans une société ouverte au débat : « tout devenait possible ».
A suivi mon implication syndicale, mutualiste et associative dans un esprit militant plus humaniste que politique. L'éclairage de l'histoire a changé la lecture qu'on peut faire de cette insurrection en mesurant l'ampleur des dérives de ces délires idéalistes. Je dirais aujourd'hui qu'il reste de mai 68 ce qu'en ont fait les hommes et les femmes leaders de la révolte : En 81, Mitterrand Président ! Bon nombre d'entre eux accédaient à de nombreuses instances du pouvoir politique et médiatique. Allaient-ils transformer l'essai ?
Très vite, l'idéologie de gauche, dénoncer sans construire, s'indigner sans agir, s'est heurtée à la réalité économique. C'est alors le virage de 1983 avec son lot de frustrations et l'avènement du bourgeois bohême, le fameux "bobo". L'idéal dévoyé du soixante-huitard, « le bonheur, c'est d'avoir ». Individualiste, il ne s'est pas donné les moyens de ses ambitions : adieu la fraternité ! Ses velléités libertaires poussées à l'extrême ont abouti à la perte des repères. L'argent a pollué ses idéaux (voir Charlie Hebdo). Ainsi, dans son petit confort intellectuel, il contribue à la croissance par son consumérisme, sacrifiant ses idéaux sur l'autel du « marché » et du libéralisme, son souci écologique lui donnant bonne conscience.
Disjonctés du peuple, les nostalgiques sont dans la commémoration, idolâtrant les vestiges des acquis sociaux qu'ils démantèlent. Des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus nombreux, 3 millions de chômeurs : ils réalisent exactement l'inverse de ce qu'ils prétendaient créer. Tels sont les hommes de mai 68, incapables de toute autocritique. Des médias intox qui pratiquent l'autocensure, une loi liberticide au prétexte de sécurité ? Mais le pouvoir affirme ostensiblement son attachement aux valeurs de la République ! Serait-ce celles du CAC 40 ?
Au secours, où est passée la gauche ? Au nom d'une utopie égalitariste, l'appareil éducatif a perdu sa vocation de transmettre du savoir autant que du savoir-faire. Des jeunes sans repères et instrumentalisés, des parents désarmés, sans autorité, incapables de transmettre des valeurs éducatives, ce qui a des effets ravageurs sur l'équilibre de la société parfois en proie à la peur et ses dérives totalitaires.
Aujourd'hui, les dogmes ont remplacé les idéaux. Le discours doit être lisse, la pensée unique s'impose, c'est la dictature de "la bien pensance", c'est la censure ostracisante. Bref, la malhonnêteté intellectuelle et sa commère, la démagogie, règnent à tous les niveaux dans un silence assourdissant.
Mai 68, c'était l'espoir d'un monde meilleur ! Il en reste les chansons de l'époque, de Léo Ferré à Balavoine en passant par Michel Berger, Julien Clerc, Goldman, Coluche... et j'en oublie.
Envolé le rêve de cette génération ! Il s'est crashé, tournant au cauchemar. On en découvre maintenant les effets délétères. Dommage !
Faire sauter les verrous... (photo AFP) |
La génération des jeunes d'aujourd'hui ne perçoit pas l'héritage de mai 1968 dans la vie courante, et pourtant : la mixité à l'école, les cheveux longs qui depuis ont raccourci, la libération sexuelle (''pondérée'' par l'apparition du sida), la libération de la femme (selon les générations), l'apparition de l'écologie à contre-courant de la croissance effrénée, le pacifisme hippie, tout cela participe de l'héritage de mai 1968. La contraception, bien que datant de la loi Neuwirth de 1967, a bénéficié de cette période puisque la pilule est légalement apparue en 1974 et, enfin, la légalisation de l'avortement médical et non clandestin. Finalement, c'est la question sexuelle qui a sans doute constitué une révolte de la jeunesse de 1968 et engendré la mixité dans les lieux publics.
Par contre, la revendication de la transformation de la société capitaliste n'a abouti qu'à une conception intellectuelle de la société sans transformation politique à terme. Il reste de 1968 un esprit de liberté pour les générations adultes.
Malheureusement, la société de consommation ayant pris le dessus par la suite, la conscience des individus s'est obscurcie. Aujourd'hui, la jeune génération s'est aliénée à une société de l'image et du paraître et s'est démobilisée, faute peut-être de ne plus être en capacité d'imaginer une autre société ou, plus simplement, d'avoir des revendications concrètes. Né en 1958 avec une culture syndicale bien ancrée, j'ai été marqué par la scission de la CFTC et la naissance de la CFDT, sur une conception laïque de la revendication et un goût pour l'autogestion qui s'est "mutée" dans le réformisme depuis.
Lors de mon adhésion à la CFDT fin 1976, ces valeurs étaient encore bien présentes dans les esprits avec Edmond Maire en fer de lance. Un personnage né de la IVeme République allait aussi faire une réapparition au côté d'universitaires notamment : Pierre Mendes France. Qu'on me pardonne s'il m'a plus marqué que Cohn Bendit…
• Jocelyn et Agnès Esterel :
« Bandes d’idiots, à 40 ans, vous serez tous notaires ! »
Cet illustre Parisien avait ouvert sa fenêtre pour jeter cette phrase aux ‘’jeunes révolutionnaires’’. ‘’La République’’, cette jeune fille, exhibant drapeau, sur les épaules d’un garçon d’une vingtaine d’années, devenue symbole malgré elle, n’était qu’une Américaine riche de passage en cette rue ! Quatre décennies plus tard, tout est rentré dans l’ordre, les ‘’notaires’’ en leurs études et l’Américaine aux USA ! Et l’on recommence, et l’on répète, comme après celle de 70, celle de 14 et celle de 40 !
« Tout ça pour ça ? » Le verre est-il a moitié vide ou à moitié plein ? ...
68 : était-ce une fin, un début, les deux ou aucun des deux ? Est-ce que 68 n’y est pour rien ou bien est-ce grâce à 68, ou à cause de 68, que :
- les frontières se sont effacées ?
- l’ouvrier a délaissé le vélo pour la voiture ?
- le lave-linge a remplacé la planche à laver ?
D’aucuns peuvent affirmer que de Mai 68, il ressort nombre de palabres, inconnus avant, sur :
- le respect (ou l’irrespect)
- la laïcité (évidente et non-aménageable avant)
- la communication (terme inconnu auparavant, car c’est son manque qui l’a fait apparaître)
Pour ceux qui apprécient les symboles, tout comme la guerre de cent ans (1337-1453) a fait apparaître la kichenotte qui a ensuite résisté cinq siècles empêchant les femmes de voir sur les côtés, on s’aperçoit 45 années plus tard, que Mai 68 a bloqué les esprits, les échanges et a transformé les fossés en larges précipices entre les générations, le travail, les salaires, le (les) pouvoir(s), ce qui a amené les moins riches à être plus pauvres et les plus riches à avoir à leur disposition des sommes colossales, inimaginables avant 68... Comme c’est curieux !
Car, dans les faits, cette année qui se voulait être une année de grands changements, voire de chambardements et d’aspiration moderne, a abouti à ce que le Français moyen ait, proportionnellement : moins d’argent, moins d’avenir, moins de sourires, plus de morosité, plus d’anxiété, plus besoin d’aide et d’assistance. A l’encontre de toutes les prévisions, pour la première fois depuis des siècles, la génération montante a moins à sa disposition et a moins d’avenir que la génération précédente ! Mais n’oublions pas que la ‘’Révolution’’ a accouché d’un tyran nommé Napoléon !
• Guy Godin : « avec les voisins, on pensait à une petite révolution d'étudiants qui se sentaient mal dans leur peau ! »
En mai 1968, j'avais fini mon service militaire depuis quatre ans et nous attendions la naissance de notre fille née ce même mois. J’avais 26 ans et les moyens de communication n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. J'habitais à Paris près des Buttes Chaumont, donc assez loin du boulevard Saint-Michel où étaient les "puschistes", et le soir après le travail, j'entendais assez distinctement les affrontements. Avec les voisins, aussi aux fenêtres, on pensait à une petite révolution d'étudiants qui se sentaient mal dans leur peau. Rien de plus !
Le matin, je me rendais à pied à l’Etude qui m'employait en raison de la grève du métro. J’étais occupé à autre chose qu'à suivre les ébats des étudiants ! Et je préparais aussi mes examens de droit. Alors, la révolution sexuelle, dont on a parlé plus tard, n'était pas le sujet à l'époque. Aussi je ne suis pas un bon narrateur de ce moment-là, il aurait fallu que je sois plus près de l'action.
Désolé de ne pouvoir mieux contribuer, mais quand j'y repense, je me dis qu'aussi à ce moment-là, la jeunesse avait besoin de changement, rien de plus…
Le une de Paris Match
• Stéphane Trifeletti : « 1968 reste une référence pour construire une société plus juste, fraternelle et écologiste que nous appelons de nos vœux »
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Sans parler de Daniel Cohn-Bendit et de son influence majeure, Mai 68 permet la naissance des mouvements de remise en cause de l'armée et de la force de frappe nucléaire et, d'une manière générale, des mouvements écologistes et anti-militaristes (la lutte du Larzac dont est issu José Bové) et tant d'autres. La construction des prémices des mouvements altermondialistes…
Bref, cela reste une référence pour construire une société plus juste, fraternelle et écologiste que nous appelons de nos vœux dans cette période de crise économique, politique et sociale. In fine, la critique de Mai 68 reste un discours galvaudé des droites et de l'extrême droite française (Nicolas Sarkozy en 2007 : « Je propose aux Français de rompre réellement avec l’esprit, avec les idées de Mai 68 », Jean-Marie Le Pen : « je rejette 1968 »)
Vicissitudes de l’histoire : De part leurs comportements (remariages, union libre) ou leur naissance « hors cadre traditionnel», les enfants des droites et de l'extrême droite sont eux mêmes le résultat de la libération des mœurs liées à 1968, ce qui prouve d'ailleurs que la société en acceptant cette transformation a fondamentalement évolué. Personnellement je suis né en ...1972 !
Dans les amphithéâtres, la contestation |
22 mars : Effervescence dans les universités françaises. Des étudiants de l’université de Nanterre autour de Daniel Cohn-Bendit « le Mouvement du 22 mars » réagissent à l’arrestation de camarades lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam. Le recteur décide de fermer la faculté le 2 mai.
3 mai : Premières barricades de mai 68. La police, à la demande du recteur Jean Roche, fait évacuer la Sorbonne où se tient un meeting de protestation. Les étudiants dressent alors des barricades sur le "boul'Mich". La crise de Mai 68 commence dans les rues du Quartier Latin le 13 mai. Les syndicats manifestent avec les étudiants pour protester contre les brutalités policières et, le 14 mai, une vague de grèves commence.
27 mai : Signature des accords de Grenelle. Les négociations entamées le 25 mai entre le gouvernement, le patronat et les syndicats aboutissent aux accords signés au ministère des Affaires sociales, rue de Grenelle. Ils prévoient l'augmentation du SMIG (salaire minimum) de 25%, des salaires de 10% et la réduction du temps de travail. On en rêverait aujourd’hui ! Mais ces concessions ne satisfont pas la base ouvrière et la grève continue. C'est l'impasse, la crise sociale de mai 68 débouche alors sur une crise politique.
Le 30 mai, de Gaulle dissout l'Assemblée le 30 mai et forme un nouveau parti : l’Union pour la Défense de la République. Bénéficiant de la lassitude des Français et de l’angoisse du désordre politique, l’UDR obtient une victoire sans appel avec 293 sièges sur 487. Les événements de Mai 68 sont terminés. Ils ont fait rentrer la France dans une ère de modernisation
Comme toujours, ce sont surtout les hommes qu’on voit, qu’on entend, qu’on écoute. Pourtant, comme parmi les résistants 25 ans plus tôt, il y a aussi des femmes dans cette action
Un des souvenirs les plus marquants des acteurs de l’époque : Le plaisir de la simple abolition des frontières sociales, dans une société profondément compartimentée comme la France à cette époque, où la communication, et a fortiori la communication subversive, ne s’établissait pas aisément, résultat de contacts et de relations entre des personnes qui, en raison des différences de statut social, culturel ou professionnel, n’étaient pas amenées à se rencontrer.
Pour ma part, écolière, je conserve le souvenir d’une joyeuse désorganisation des journées. D’abord, nous étions changés de classe pour la journée, puis pour la semaine ; enfin l’école avait purement et simplement fermé, ce qui n’était pas dans l’ordre normal des choses. Et pour un temps, la récréation et les conversations toute la journée, avec tous les élèves de l’école, sans distinction de classe ! (là aussi, mais à l’époque je ne le savais pas). Et surtout, plus de devoirs, plus d’encre sur les doigts, plus de craies dans la cour, plus d’odeur des stencils, ni de bruit de ronéo.
Les grandes personnes aussi ne suivaient plus leurs programmes journaliers habituels et se lançaient dans des conversations interminables et argumentées ! Finalement, de la discussion jaillit la lumière dit-on, et toutes les avancées acquises à ce moment-là et dans les années qui ont suivi sont nombreuses :
• pour les femmes qui acquièrent l’autorité parentale en 1970 (car elle remplace la puissance paternelle), en 1971 la contraception, en 1972 elles peuvent rentrer à polytechnique et une loi précise qu’elles ont droit au même salaire que les hommes à travail égal.
• pour les travailleurs, outre les salaires qui ont augmenté de 10 à 56% selon les branches, la durée du travail est passée de 48 h à 45 h dans l’agriculture, et elle passera progressivement à 40 h selon un calendrier négocié.
• pour les personnes âgées (centres départementaux d’information des personnes âgées en 1969, allocation logement pour les personnes âgées en 1971)
• ou pour les personnes handicapées en 1975
• et pour les jeunes, ils deviennent majeurs à 18 ans à partir de 1974. Et le plus de cet élan de modernisation de la société française initié lors du printemps de 1968, c’est qu’il a fait des émules dans d’autres domaines (l’art, la presse, la santé avec les french doctors, la société civile) et aussi dans d’autres pays. Il est rassurant que le pays des Droits de l’Homme reste souvent créatif et précurseur en matière de progrès social et sociétal. Aujourd’hui, il est impératif et urgent de nous interroger sur les évolutions observées ces dernières années :
• sur le respect ou non des individus et de leur dignité
• sur le développement ou non de la solidarité
• sur la répartition équitable ou non des fruits du travail des hommes et des femmes
• et sur les conséquences à brève, à moyenne et à longue échéance, de ces choix politiques, économiques et environnementaux, non seulement pour les habitants de la Terre mais aussi pour la Terre elle-même. Même sans être un révolutionnaire du dimanche, même sans être un grand devin, relève-t-il du simple bon sens de consommer dans les pays riches, de 2 à 5 fois ce que la Terre peut produire? Est-il juste ou même simplement compréhensible que 50% de la richesse mondiale appartiennent en propre à moins de 1% de sa population qui n’aura, de toute façon, pas assez de sa vie pour la dépenser ? Peut-on raisonnablement croire que ces déséquilibres peuvent durer ? Est-on définitivement assez indifférent ou assez inconscient pour ne pas s’en apercevoir ou pour ne pas s’en inquiéter ? Et quelles sont les démarches d’éducation qui seront nécessaires et suffisantes, pour juste un peu corriger ces aberrations, qui nous conduisent tous, tout droit au désastre, si on ne fait rien d’autres que les entretenir ou pire les développer ? La violence du « service d’ordre » d’un parti, qui s’annonce lui-même « social et nationaliste », sur un balcon de Paris le matin du 1er mai contre femmes nues, est une démonstration alarmante de plus de ce mensonge qui consiste à dire que les temps anciens étaient meilleurs et qu’il est urgent de les retrouver. NON. Cela n’est ni vrai, ni anodin. Aujourd’hui s’indigner ne suffit plus ».
• Jacques Dassié : « Mai 1968, j’avais quarante ans » !
Et le souvenir d’une grande confusion, d’une incompréhension, d’une révolte plutôt générationnelle, bientôt suivie par tous les preneurs de trains en marche - syndicats en particulier -. À souligner la grande dualité, grandes métropoles et campagne, où l’impact de ces événements fut ressenti de façon fort différente. À Paris, les images-choc de la télévision, où l’on voyait voler les pavés et leurs corollaires, les grenades lacrymogènes, nous touchaient directement au cœur. Elles se déroulaient en effet dans nos lieux familiers, côtoyés journellement. Les échos que nous avions de notre famille saintongeaise faisaient état de difficultés mineures. On avait dit qu’à La Rochelle... Mais la vie de tous les jours ne semblait pas perturbée. Pour nous, Versaillais à l’époque, c’était une toute autre affaire... Le premier problème consistait à se rendre journellement sur son lieu de travail. 20 kilomètres de banlieue, ce n’était pas rien ! Et tout cela pour se retrouver au milieu d’une foule de collègues (nous étions 4000) bloqués devant des grilles fermées, avec quelques délégués syndicaux et une centaine d’ouvriers, narquois, derrière lesdites grilles... Une anecdote : l’émergence, on peut dire la révélation, de certaines personnalités. Je me souviens d’un délégué syndical de gauche, effacé et pas très malin, invisible en un mot ! Eh bien, je l’ai retrouvé un matin, debout au sommet de l’un des poteaux de la grille principale, haranguant plusieurs centaines d’employés, les magnétisant, les tenant à bout de bras, leur faisant hurler à volonté quelques slogans : il était devenu un véritable tribun politique. Il n’en demeure pas moins que l’impact financier fut gravissime. Un mois de salaire en moins, c’est dur à absorber, surtout avec quelques crédits en cours. La libération sexuelle... Bof, elle ne nous préoccupait pas du tout. Marié, heureux et père comblé, avec des filles encore très jeunes, notre cocon familial n’a rien connu de cette “liberté“. Les drames déclenchés touchaient plutôt des jeunes filles devenues femmes et mères trop tôt, parfois rejetées et abandonnées à seize ans, études non terminées et sans emploi. Un bien mauvais départ dans la vie. Dans les “acquis” que nous considérons comme les plus néfastes, figure l’autodiscipline dans les lycées (heureusement abandonnée depuis). Elle fut responsable d’un énorme gâchis dans les études de mon fils, passé d’une seconde C, avec un an d’avance, au lycée Hoche de Versailles à un bac B, à Marie Curie, avec un an de retard. Le “tout, tout de suite“ a été responsable d’un nombre élevé de bêtises en tous genres. La connotation du qualificatif “soixante-huitard” est maintenant plutôt péjorative, surtout si on la complète par “attardé” ! Nous n’étions pas politisés, mais fidèles et admiratifs du Général de Gaulle. Nous l’avons toujours soutenu et avons profondément regretté de ne pas être au milieu des Parisiens lors du grand rassemblement sur les Champs Élysées. Dernière anecdote : je faisais de l’aviation et sur nos terrains, des CRS ont débarqué, installant des centaines de fûts métalliques pour barrer les pistes. Nous étions vraiment des gens dangereux !"
• Xavier de Roux : « En arrivant aux Champs Élysées, ce n’était pas la guerre civile, mais une forêt de drapeaux tricolores »
En mai 1968, j’avais 28 ans et je regardais les événements à Paris avec une certaine curiosité. J’étais alors jeune avocat et l’un de mes frères, Hervé, occupait le Théâtre de l’Odéon déguisé en clown. Il fallait que je le surveille car il donnait un peu de fil à retordre à la police. On l’avait surnommé « Hervé je me marre » !
Ma famille a fini par l’envoyer à Chaniers où la situation était plus calme ! Ensuite, deux souvenirs m’ont particulièrement frappé. Un ami, journaliste soviétique qui travaillait à la Gazette littéraire de Moscou, m’appelle un beau matin pour m’annoncer son arrivée. Je réponds : « Que viens-tu faire ici, au milieu de toute cette agitation ? ». « Je ne sais pas, je viens voir » explique-t-il.
Il débarque et me demande si je peux le conduire à la Sorbonne, alors occupée. Nous voilà partis dans ce lieu mythique. Or, au beau milieu de la cour, trônait un énorme temple maoïste que tenaient d’ailleurs les mêmes personnes qui, aujourd’hui, protestent contre la Chine et les violations des droits de l’homme.
À l’époque, elles avaient toutes le poing levé vers le ciel pour le dieu Mao ! Devant ce stand, Arkady Vaksderg s’offusque : « un stand fasciste en plein Paris, c’est scandaleux » dit-il. À ce moment-là, en effet, une grande brouille opposait l’URSS et la Chine.
J’ai cru que l’affaire allait tourner à l’émeute et que mon visiteur allait se faire massacrer. Je me suis interposé en expliquant que c’était un camarade soviétique. Qu’il soit au cœur de la révolution parisienne a calmé les esprits ! Suivit un échange de paroles assez fortes sur les mérites comparés des régimes soviétique et maoïste.
Mon deuxième souvenir se situe vers la fin des événements. Avec un associé, je revenais de Bruxelles avec une voiture bourrée de jerricanes d’essence, carburant devenu rare en France, quand le Général de Gaulle a parlé. Il faut se souvenir qu’il n’a pas utilisé la télévision, mais la radio, comme en juin 40 ! Il a fait un discours de guerre civile, d’une brutalité terrible en disant de se regrouper en comités dans tous les chefs-lieux de canton, de se mobiliser. Il arrivait de Baden-Baden où il avait rencontré Massu et les généraux français.
Nous rentrions donc par l’autoroute du Nord et en arrivant près de Paris, nous avons commencé à doubler des colonnes de chars. Nous étions inquiets car nous pensions que les choses allaient dégénérer dans la capitale.
En arrivant aux Champs Élysées, ce n’était pas la guerre civile, mais une forêt de drapeaux tricolores. Il y avait une foule immense dans la rue qui voulait marcher sur la Sorbonne. C’était le retournement de situation, la magie du gaullisme qui, après avoir un peu pataugé, était en train de réussir. Ce fut la fin de mai 1968 avec Debré et Malraux en tête de cortège. En 1968, nous étions encore en pleine croyance idéologique et les gens pensaient qu’ils pouvaient changer le monde. Ce printemps n’a pas été uniquement parisien, ce fut aussi celui des Pays de l’Est pour des raisons différentes. Un vent de liberté a soufflé. Aujourd’hui, ce souffle est retombé ».
• Francette Joanne : « Des pavés et des pierres »
Oserai-je écrire que Mai 68 fut pour moi une période de recherche et de calme ? J’étais enseignante célibataire au collège de Châtelaillon et notre établissement fut fermé comme partout ailleurs. Élèves et professeurs se croisaient parfois sur la plage, les uns et les autres profitant du soleil. À La Rochelle, l’agitation des esprits et des idées embrasait les rues et les quais.
L’effigie de Pompidou, pendue au clocheton de la gare SNCF, indiquait que la haine n’est jamais lointaine. Fuyant les manifs de La Rochelle, même celles à vélo, (j’ai toujours eu la hantise de la foule), avec quelques amis, armés de pioches, de pelles, de pinceaux, de brosses à dents et d’un “transistor“ comme on disait alors, nous nous retrouvions souvent l’après-midi, dans les bois du Châtelet, sur la commune de Saint-Agnant où les archéologues de la société de Rochefort avaient ouvert un chantier.
Il s’agissait d’un temple gallo-romain dont ne restaient que les infrastructures très endommagées par les racines des arbres : des pierres, des pierres sur plus d’un hectare, des bases de murs recouvertes d’un lierre épais. Et entre les murs, au niveau du sol, sous la terre, de belles mosaïques que nous nous occupions à dégager, puis à faire les relevés. Nous évoluions au milieu de vestiges d’une civilisation disparue.
La puissance de la nature avait ébranlé, puis absorbé progressivement des constructions devenues inutiles. La vie continuait et les oiseaux chantaient dans les branches, affairés qu’ils étaient à construire leurs nids ou nourrir leurs petits, troublés par le bruit nasillard du transistor que nous allumions presque toutes les heures pour savoir ce qui se passait à Paris.
À Paris qui gouvernait alors la France, à Paris où d’assemblées générales en amphi, on cherchait dans l’inconscience la France de demain. Nous, nous recherchions la France d’avant-hier et cette recherche oblige toujours à des réflexions sur le temps et à un recul devant l’immédiateté des choses.
Depuis les deuxième et troisième siècles, que de crises, que de morts, que de vies. Le raffinement des mosaïques se rapprochait du confort matériel que dénonçaient avec violence les manifestants du quartier latin. Les pierres du temple servirent de carrières aux paysans d’alentour pour construire leurs pauvres maisons tandis que les pavés des rues parisiennes servaient à construire les murs/barricades de ceux qui rêvaient un monde nouveau et dont on ne voyait que l’insubordination. Nos copains agités clamaient et réclamaient contre le dieu de la consommation et du confort “bourgeois“, et nous, nous n’entendions que le silence d’un empire détruit…
• Catherine Ménier : « Il ne faut pas oublier qu’en 1968, l’Europe était divisée en deux avec le mur de Berlin, que des régimes fascistes étaient encore présents en Espagne, au Portugal, en Grèce »
Est-ce la nostalgie de l’adolescence ou de la Révolution ? En Mai 68, j’étais une ado de 14 ans nourrie au “Canard enchaîné“ depuis le plus jeune âge, et ça tombait bien ces étudiants qui voulaient tout changer ! Imaginez une seule chaîne de télévision, trois ans avant d’obtenir le téléphone, et si l’on possédait cet objet de “luxe“, il fallait compter une bonne demi-heure pour joindre la copine de collège de Montendre qui m’aidait à la traduction des versions latines... Cette explosion sympathique a changé beaucoup de choses, en mieux.
C’était une révolution culturelle, voire philosophique, une opposition à la vieille France. Il fallait faire bouger ce pays, sa culture provinciale, paternaliste. Cette révolte anti-autoritaire touchait toute la société avec des projets de réformes concernant de nombreux milieux professionnels. Dix ans de gaullisme, l’ORTF bridée, la société contrôlée. Le mouvement étudiant ressemblait à un détonateur pour toute une société, en particulier pour les ouvriers.
Je me souviens d’une grande vague d’espoir... Les riches allaient partager avec les pauvres... les intellectuels prenaient le pouvoir, tout le monde parlait dans la rue... Je me souviens des images d’Aragon, de Sartre, le trio Cohn Bendit, Geismar, Sauvageot...
Fini la France éternelle, les revendications : c’était changer la vie, tout devenait possible. Les émotions, les sentiments étaient intenses, côté étudiants, côté ouvriers, côté sympathisants. Il me semble encore que c’était une période de magie. « Je ne veux pas mourir idiot », « sous les pavés la plage », « Le rêve est réalité », « L’imagination prend le pouvoir » : tous les slogans, l’esthétique des dessins, cela aussi reste gravé dans ma mémoire de collégienne de l’époque.
Je me souviens très bien de la guerre du Vietnam et des manifestations étudiantes américaines, il fallait tout remettre en question, la guerre, la consommation, un mouvement libertaire aussi gagnait les sociétés qui voulaient exister et non survivre. Je rêvais d’être “grande“ à l’époque pour vivre en communauté ! La femme allait être libre, enfin. Les gens se sont changés eux-mêmes, les idées étaient certainement trop belles, trop poétiques, elles portaient une étincelle d’idéalisme qui a du mal à me quitter aujourd’hui encore où les choses ont tellement changé qu’une explosion comme celle-là serait impossible.
Néanmoins, ce mouvement se poursuit de diverses façons : dernièrement, le boycott de la flamme olympique et son slogan « nous sommes tous des moines tibétains », les précédentes révolutions “des œillets“ au Portugal, plus tard celle de “velours“ à l’Est. Il ne faut pas oublier qu’en 1968, l’Europe était divisée en deux avec le mur de Berlin, que des régimes fascistes étaient encore présents en Espagne, au Portugal, en Grèce.
L’Europe a bien changé depuis. Longtemps après, il aura suffi d’une affiche, en janvier 2008 à Bordeaux, « Mai 68 au jour le jour » pour faire revivre en moi cette période si forte. La base sous-marine de Bordeaux a accueilli une exposition magnifique sur Mai 68 à Paris, Toulouse et Bordeaux. Plusieurs générations se sont retrouvées et les images, les vidéos, les archives de tous poils parlaient à tous, personnes âgées, plus jeunes, jeunes, ados, toutes catégories sociales confondues. Tout le monde se retrouvait dans les mots, la rediffusion en "live" des manifestations, les éclats de voix, les coups de tonnerre, les discours de Cohn Bendit, Krivine, Sartre.
L’émotion était intense à nouveau comme si l’espoir, le temps d’une expo, renaissait et une question se posait à nouveau : est-ce qu’un autre monde est possible ? L’exposition débutait par un article du Monde « Quand la France s’ennuie » de Pierre Viansson-Ponté. Le 15 mars 1968, Le Monde avait publié un article sur l’état de la société française, appelé à un grand retentissement : « Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près, ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde ». Il se terminait par cette phrase : « Dans une petite France presque réduite à l’hexagone, qui n’est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’expansion. Ce n’est certes pas facile. L’anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s’est vu, un pays peut aussi périr d’ennui ». À méditer !
• James Poirier : « Rien ne serait plus jamais comme avant »
Par chance, j’ai vécu mai 1968 en France, à Bordeaux, entre deux affectations à l’étranger. J’avais 23 ans. Je venais de rentrer d’un séjour de deux années ininterrompues en Polynésie (aux îles Marquises, exactement) et, en septembre 1968, je partais en poste en Côte-d’Ivoire. J’ai souvent pensé à cet heureux hasard qui m’a permis de vivre pleinement cet incroyable mois de mai 1968, au seul endroit du monde où il fallait le vivre, c’est-à-dire en France et en milieu universitaire. Ceux qui n’ont pas eu cette chance - je l’ai constaté dès octobre 1968 auprès des Français expatriés en Afrique - ne comprendront jamais le grand basculement des mentalités et des mœurs qui est né à ce moment-là dans l’euphorie hédoniste de la jeunesse et qui a inspiré jusqu’aujourd’hui toutes les transformations de notre société. J’ai vu le monde changer.
Fin 1967, à mon retour des Marquises (où j’avais vécu une expérience unique, complètement coupé de notre civilisation, sans téléphone, ni électricité, ni liaison aérienne), j’aspirais à un bain de modernité. Au lieu de cela, dans le collège de Mérignac où j’avais été affecté comme instituteur faisant fonction de professeur, je retrouvais un monde immobile et ancien, fortement hiérarchisé et ritualisé. Tous les enseignants portaient une cravate et se vouvoyaient entre eux. Les prénoms étaient évidemment inconnus, ceux des profs comme ceux des élèves.
L’idée même de changement n’était vraiment pas dans l’air. Pour m’aérer un peu, je fréquentais la faculté des Lettres de Bordeaux où je m’étais inscrit en licence et où, de surcroît, dans cette même université, je donnais des cours de français à la section des étudiants étrangers. Mes fréquentations d’alors étaient exclusivement universitaires et largement cosmopolites. Notre quartier général était le bar “Le New-York“, cours Pasteur, près de l’ancienne faculté des Lettres (actuel Musée d’Aquitaine). Les cours de licence de lettres, je les suivais sur le nouveau campus de Talence/Pessac mais, pour les rencontres entre jeunes, les habitudes estudiantines restaient en centre ville. C’est d’ailleurs dans le quartier de la Victoire que j’avais mon logement. Pour moi, le premier trimestre 1968 fut plutôt joyeux. Les rencontres avec mes étudiantes étrangères (espagnoles, autrichiennes, américaines, japonaises, entre autres) y étaient évidemment pour quelque chose... On ne cherchait pas du tout à changer le monde, seulement à profiter de notre folle jeunesse.
Et puis le joli mois de mai est arrivé. D’un seul coup. Je me souviens du « mot d’ordre » d’occupation de la Fac de Lettres de Pessac qui, un beau matin, a circulé. C’était la première fois qu’une telle chose se produisait ! On se demandait ce que cela pouvait signifier. Je me suis néanmoins empressé d’y souscrire. Alors, ont commencé les merveilleuses nuits « d’occupation des facs »... ! Quelle ambiance !
Les grèves dans le secteur public m’ayant libéré de mes obligations d’enseignement, j’ai pu me consacrer entièrement à la grouillante conspiration des facs “occupées“, des amphis enfumés où les harangues et discussions se succédaient sans trêve. On voyait fleurir des forums en tous genres, sur tous les sujets possibles : ici un « atelier secret » de préparation de manifs (où n’étaient admis que les initiés ! ah ! mais !), là, en nocturne évidemment, un « cours de sexologie » (le mot est né à ce moment-là) dans un amphi plein à craquer jusqu’au petit matin, sans compter les improvisations de toutes sortes, vaguement politiques ou artistiques, dans un désordre permanent qui enchantait ceux qui s’y plongeaient. Les plus politisés rapportaient quotidiennement de Paris les « tendances du mouvement », et l’on voyait là, tout un monde de jeunes soudain grisé par sa prise de parole. Ce fut pour moi le plus grand et le plus bel événement de mai 1968. Personne ne nous avait préparé à cela. Et soudain, on se parlait avec une liberté et une facilité incroyables.
Nous sentions le monde à notre portée car, nous qui avions été des adolescents si sages, nous pouvions enfin, à voix haute, inventer à plusieurs le monde que nous portions en nous, même sans le savoir. Tout à coup, parler n’était pas seulement communiquer avec ses semblables, mais accéder à sa propre pensée. Un voile séculaire s’était déchiré. Nous sentions qu’il ne pourrait jamais se refermer. Dans ce beau mois de mai, la météo et l’espoir étaient de notre côté, nous nous sentions infiniment légers, irrésistibles et définitivement libres.
Les péripéties qui faisaient la une des journaux et des écrans télévisuels (manifs en ville, barricades rue Sainte-Catherine, charges de CRS, etc) n’étaient pour nous qu’un petit divertissement, nécessaire et intense, une sorte de détente sportive, qui ne constituait qu’un bref épisode du grand mouvement que nous vivions alors. Pour nous, l’essentiel était la déferlante qui peuplait nos nuits et nos esprits. Chaque jour, nous inventions l’avenir et nous vivions un quotidien savoureux. Une après-midi de « sortie sportive », place Pey Berland, dans la bousculade, une grenade lacrymogène atterrit dans les magnifiques cheveux de ma copine d’alors.
En moins d’une seconde, j’arrache l’engin fumant (et avec lui une grosse touffe de cheveux bruns), permettant à la grenade d’exploser un peu plus loin, sans doute dans les jambes de ceux qui nous suivaient... Ce genre de petites émotions suffisait à égayer nos soirées de mai et à nous faire croire à la révolution ! La vie ne nous pesait pas et l’avenir encore moins.
En juillet 1968, ma copine et moi, nous étions au Festival d’Avignon. Là, dans la chaleur des nuits d’été de la Place de l’Horloge, refleurissait la parole, comme en mai, libre, chaleureuse, polémique, souveraine. La vraie vie, c’était nous. C’était alors une évidence.
Au-delà de la réjouissance immédiate (qui fut ininterrompue pendant plusieurs semaines), j’ai vécu cette expérience comme un soudain épanouissement collectif, intense, joyeux, irréel. On se sentait porté par une vague infinie. Une expérience dont nul ne saurait guérir. Nous le savions déjà : rien ne serait plus comme avant…
Propos recueillis par Nicole Bertin
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