Les gilets jaunes seront-ils entendus ? (montage J.L.D Terra Incognita) |
Sourd à leurs préoccupations, Emmanuel Macron est alors devenu leur cible préférée. Jupiter recevant la foudre de ce pays qui l’a porté aux plus hautes fonctions, qui l’eût cru ? Les samedis noirs se sont succédé, à Paris et en province, sans cesse plus dévastateurs. Se mêlant aux gilets jaunes, les casseurs en ont profité pour incendier, piller, dévaliser et se filmer comme le montre cette vidéo d’un groupe qui s’introduit dans l’Apple Store de Bordeaux et embarque tout sur son passage. Téléphones et autres technologies qu’on retrouvera sur les marchés parallèles. Provocation sur le net, pied de nez aux institutions ? A quelques semaines de Noël, les commerçants sont exaspérés et des menaces de chômage partiel pèsent désormais sur des personnels.
Ces scènes violentes n’ont cependant pas réussi à ternir l’image des gilets jaunes « modérés » auprès de l’opinion. Edouard Philippe a bien essayé d’éteindre l’incendie. En vain.
Pour Emmanuel Macron, l’heure est venue - mais bien tardivement - d’annoncer des mesures concrètes visant à faire retomber la tension. Parmi elles, devraient être annoncés une prime exceptionnelle de fin d’année versée par l’employeur, le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires et une accélération de la baisse de la taxe d’habitation pour les ménages les plus modestes.
Gouverner, c’est prévoir. Souhaitons que les annonces puissent répondre aux attentes des gilets jaunes. Celles-ci restent inchangées : « carburants à des prix accessibles, idem pour les denrées alimentaires, amélioration générale du pouvoir d’achat, gel du prix de l’électricité et du gaz, fin de la hausse de la CSG sur les retraites, etc ».
Des réunions de concertation, réunissant les acteurs locaux, seront organisées en province. Les mairies qui le souhaitent peuvent ouvrir un cahier destiné à recueillir les doléances des citoyens.
Voitures brûlées à Paris. Quelle publicité pour le tourisme ! |
en ce début de XXIe siècle
Pour la France d’en bas, ne retenant que les aspects négatifs de son action, Emmanuel Macron apparaît tel un « père fouettard ». Il est celui qui a réduit l’allocation logement, les pensions des retraités, imposé une limitation de vitesse à 80 km générant un plus grand nombre de contraventions. Certes, il a diminué la taxe d’habitation pour les foyers les plus modestes, mais cette mesure a entraîné la majoration des impôts locaux des familles plus aisées. En effet, les collectivités (mairies, communautés de communes, etc) s'estimant lésées, ont augmenté leurs propres taux pour pallier le manque à gagner. Bref, ce qu’on a donné d’un côté a été répercuté de l’autre !
Au 1er janvier 2019, le Gouvernement avait l’intention d’augmenter la taxe sur les carburants (au motif de la transition écologique), plongeant les salariés se déplaçant ou travaillant avec leurs véhicules dans une situation difficile. Cette perspective est apparue comme une contrainte supplémentaire : « la goutte de carburant qui a fait déborder le réservoir » soulignent les gilets jaunes.
Les classes "laborieuses" sont habituellement résignées. Est-ce la personnalité même d’Emmanuel Macron qui a déclenché leur courroux ? Ses fameuses petites phrases, souvent incisives, et son attitude distante sont-elles à l’origine du fossé qui s’est creusé entre l’homme à qui tout réussit et ceux qui cherchent en lui un soutien quasi paternel… et ne le trouvent pas ?
En 2016, Emmanuel Macron a bénéficié d’une conjoncture favorable pour entrer en scène, profitant de la baisse de popularité de François Hollande et la lassitude des citoyens, contraints de choisir à chaque élection entre la droite et la gauche au rythme du balancier. Lui-même a été socialiste avant de rejoindre le cabinet du président de la République François Hollande en 2012. Dans la jungle politique, il a été audacieux, écartant par une fine stratégie les lianes tressées par les Républicains et les Socialistes. Il s’est mis en marche en affaiblissant les grandes formations qui ont alors offert des marges de manœuvre à La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et surtout à Marine le Pen, responsable du Front National. Sans les démêlés de François Fillon avec la justice (au moment opportun pour ses opposants), la droite traditionnelle aurait du remporter la Présidentielle de 2017. Le scandale qui a entouré l’affaire Fillon a largement contribué à semer le doute dans les isoloirs. Sans casserole, autrement dit presque vierge, Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l'élection et a triomphé (sans gloire) au second devant le F.N.
Pour la première fois, Les Français ont un président qui n’a jamais occupé de fonctions électives, maire, conseiller départemental, sénateur ou député. Idem pour les parlementaires portant sa bannière, issus pour la plupart de la société civile. Souvent jeunes et brillants, mais peu habitués aux agitations de la base. Ce manque d’expérience du terrain pourrait-il expliquer pourquoi Emmanuel Macron n’a pas répondu aussitôt aux attentes des gilets jaunes ? On aurait sans doute évité la "casse". Ses conseillers en communication auraient-ils manqué de discernement ? Quel effet regrettable que de voir le Premier Ministre annoncer le gel des taxes sur les carburants pour six mois, repris quelques heures plus tard par l’Elysée déclarant un gel total pour l'année 2019. D’où vient ce manque de synchronisation ?
Ce soir, l’intervention du Président de la République sera déterminante pour la suite des événements. S’il veut retrouver la position qu’il occupait jusqu’à une époque récente, il doit apparaître comme un grand chef d’Etat. Cette épreuve peut lui en donner l’occasion. Son intervention télévisée sera à double tranchant : elle peut mettre fin au mouvement des gilets jaunes ou, au contraire, lui donner un nouveau souffle de contrariétés.
Gilets jaunes (Saintes) |
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