mercredi 25 mars 2015

Jonzac : Florence Foster Jenkins
ou comment chanter faux
avec un magnifique talent !

Quand les envolées lyriques de la Reine de la Nuit se prennent les cordes dans le tapis : le public a beaucoup ri au théâtre du château ! 

Agnès Bove dans le rôle de Florence Foster Jenkins (photo Nicole Bertin)
Mardi soir, les spectateurs de Prélude au Printemps avaient rendez-vous avec un personnage haut en couleurs des années 30 new-yorkaises, Florence Foster Jenkins.
Fille d’une milliardaire, épouse d’un milliardaire, elle avait pour ambition de devenir cantatrice. Or, son entourage familial avait rapidement compris que sa voix ressemblait à celles de certains candidats malheureux de la Nouvelle Star, elle présentait des « irrégularités ». Qu’a cela ne tienne, enfin libérée de toute entrave pouvant contrarier sa carrière de chanteuse lyrique, elle concrétisa son rêve grâce à l’une de ces rencontres inattendues qui forgent un destin, le pianiste Cosme Mac Moon.
Lui était désargenté (il avait du mal à payer son loyer) et elle avait de belles perspectives. Les deux ne pouvaient que forger une alliance pour le meilleur et pour le pire. Et les voilà l’œuvre, se produisant d’abord dans de grands hôtels puis, en 1944, dans la salle des salles, le Carnegie Hall à Manhattan, devant les soldats américains.
Bien sûr qu’elle chante faux mais personne, est surtout pas ses amis, ne le lui disent. Elle est tellement riche et bienfaitrice qu’on ne saurait lui faire de la peine ! Ses récitals attirent un nombreux public tant il est assuré de bien s’y amuser ou de s’enfuir quand les oreilles sont au bord de l’implosion. Florence devient une attraction ! Cette histoire vraie (on trouve des enregistrements de Florence Foster Jenkins) a été racontée par Stephen Temperley.

Une rencontre et un sacré destin !
Et un petit gilet pour Cosme !
Les nombreuses tenues de Florence !
Qu'importe si la voix n'est pas soprano colorature, elle est haute en couleurs
Les comédiens qui incarnent Florence Foster Jenkins et son pianiste composent un duo parfait : complices, compréhensifs l’un envers l’autre, bientôt amis. Grégori Baquet (fils du violoncelliste Maurice Baquet) n’est pas à son premier coup d’essai. Les planches, il connaît, la télé et le cinéma aussi. Il évolue sur scène avec naturel, costume avec petit gilet, moustache soignée. Look « Brigade du tigre » sauf que c’est sur son piano qu’il se fait les griffes !
Agnès Bove a des faux airs de Michèle Morgan. Immense regard bleu, élégance raffinée. Elle joue, chante (elle est soprano) et appartient au centre de formation lyrique de l’Opéra National de Paris. Elle possède également sa propre compagnie Opéra en appartement.
Le couple se retrouve pleinement dans ce scénario qu’il aurait pu inventer. Celui d’une femme qui se sent pousser des ailes (Florence Foster Jenkins a d’ailleurs porté une tenue « céleste ») et d’un homme qui, sachant qu'elle pouvait être la cible de quolibets, l’a toujours accompagnée et protégée. Le public a ri devant les couacs de la diva, « des couacs d’ailleurs mesurés et ne risquant pas d’altérer les cordes vocales », comme l’a précisé Agnès Bove après le spectacle. Elle a d’ailleurs montré ses réelles capacités à la fin de la pièce avec une harmonie retrouvée !


Cette représentation, dont la première a eu lieu au Festival d’Avignon, était la dernière de la tournée (enfin, on n’est jamais sûr de rien). Les chemins d’Agnès Bove et Grégori Baquet se séparent pour de nouvelles aventures. Mais ils n’oublieront pas Florence Foster Jenkins : le principal après tout, c’est ce qu’elle croyait chanter, ce qu’elle entendait dans sa tête. Peu avant son décès d'une crise cardiaque - un mois à peine après Carnegie Hall - elle aurait déclaré : « On pourra toujours dire que je ne savais pas chanter, mais personne ne dira que je n'ai pas chanté ». Quant à Cosme, il aurait mal tourné finissant en tenancier de maison close… et se disputant avec l’impresario la fortune de leur chère Florence, morte sans descendance.

Prochain spectacle : mercredi 1er avril avec Framboise Frivole, théâtre du château à 20 h 30


• Pour de nombreux observateurs, Florence Foster Jenkins était folle. Elle aurait contracté la syphilis lors de son premier mariage, « ce qui n’a pas dû arranger les choses ».

• Cosme Mac Moon était un pianiste d'origine mexicaine, formé à New York dans les années 1920. Il est passé à la postérité comme l'accompagnateur attitré de Mrs Jenkins.

• La maison de disques Melotone proposa à Florence Foster Jenkins une demi-douzaine de 78 tours. Ils sont devenus culte !

Ange déchu toujours au firmament !

• C’est à travers Cosme Mc Moon que l'auteur américain Stephen Temperley a choisi de raconter la vie de celle qui reste une icône pour de nombreux mélomanes. La pièce « Souvenir » a été présentée pour la première fois à Broadway en 2005. L’adaptation française en a été faite par Stéphane Laporte.
• La Reine de la nuit sersion Florence Foster Jenkins totalise 250.000 vues sur YouTube ! Elle a assurément un large fan’s club.




Discussion avec les deux comédiens après le spectacle
PHOTOS : NICOLE BERTIN

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