mardi 24 mars 2015

Front National en Charente-Maritime :
« Si nos élus n’ont rien vu venir,
c’est qu’ils sont vraiment sourds
et aveugles, enfermés dans leurs certitudes
de détenir la vérité » souligne une électrice

Le score du Front National, recueilli aux élections départementales, démontre la force de ce parti conduit par Marine Le Pen. Comment des candidats inconnus (ou presque) qui ne sont pas sur le terrain (ou bien peu) peuvent-ils devancer au premier tour de scrutin les listes socialistes par exemple qui ont tenu des réunions, sont allées dans les communes et se sont identifiées auprès de habitants ? Admettons qu’il doit être décevant, voire humiliant, d’être écarté dès le premier tour par des candidats dont la seule campagne a été une affiche sur les panneaux électoraux et l’envoi d’une profession de foi dans les foyers !
Cette réalité démontre le malaise d’une partie des Français, exaspérés par leur classe politique traditionnelle « qui ne les aide pas dans leur quotidien » estiment-ils. Pire, la corruption révélée par les médias, qui touche certains élus, ne fait qu’accroître leur agacement.
Nous avons demandé à des lecteurs des Nouvelles de Saintonge ce qu’ils pensaient de cette situation qui dissimule une véritable crise de société.


• Question : Des duels UMP/FN ou PS/FN, du jamais vu aux élections départementales. Comment analysez vous cette situation nouvelle dans la vie politique locale ?

 • Arnaud Develde, journaliste à Demoiselle FM 

Des duels jamais vus ? Pas tout à fait. Déjà en 2011, le FN était arrivé en challenger dans les cantons de Saujon et Marennes. Mais le front républicain avait permis l'élection du radical de gauche Pascal Ferchaud, et du socialiste Mickaël Vallet. Cette fois, il est vrai, le phénomène est d’une toute autre ampleur, puisque 12 binômes (parfois fantômes, mais d’autres solidement implantés) du parti de Marine Le Pen sont en lice. D’évidence, nos campagnes, et aussi les quartiers populaires de nos villes, ont choisi un vote protestataire d’envergure. Le signe d’une certaine détestation du jeu bipartisan qui anime la politique française depuis des décennies. L’effondrement du Parti communiste n’est sans doute pas pour rien dans la progression Bleu Marine.
Plutôt que de pousser des cris d’orfraie, les dirigeants de tous bords ne devraient-ils pas plutôt s’emparer des sujets que Madame Le Pen brandit en étendard ? Ils ne sont pas tous xénophobes ou anti-islam, les électeurs du FN. Ils souffrent du chômage, du sentiment d’abandon dans lesquels le(s) pouvoir(s) laisse(nt) toute une partie de la France, de l’échec patent des deux bords à conjurer la peur d’un monde en accélération profonde. On peut gesticuler à l’envie, tant que les partis de gouvernement ne relèveront pas ces défis, le FN montera. L’urgence, c’est l’exigence de réconcilier 25 % des Charentais-Maritimes avec une classe politique en décrochage total avec leurs préoccupations, au risque de laisser le café du commerce s’emparer du débat public. Dans une V° République à bout de souffle. 

 • Christian Furet, ingénieur retraité

L'importance du vote Front National dans nos campagnes est certainement plus le résultat d'un vote contestataire, qu'un vote lié aux idées développées par l'extrême droite. Les électeurs sont trop souvent déçus par leurs représentants politiques, au niveau de leur action, leur bilan, mais surtout par les "magouilles-combines-arrangements" entre élus "têtes pensantes" en place souvent depuis des dizaines d'années.  Le vote vers les extrêmes est un moyen d'exprimer cette déception, un moyen d'exprimer une volonté de bousculer l'ordre établi, ceci dans un contexte difficile pour beaucoup qui pensent n'avoir rien à perdre.  Cela peut expliquer que le vote local ne soit plus un vote orienté vers une personnalité, un parti politique, mais vers une sanction du système local usé par le temps. L'expression du "ras le bol" s'est manifestée au premier tour. Pour une large part, le deuxième tour devrait voir l'électeur revenir vers un vote "utile".

• François des Mesnards, cadre retraité 

Il y a quelques années, un membre éminent du PS expliquait que le FN posait de bonnes questions, mais apportait de mauvaises réponses. C'est toujours les cas. Frapper ses militants d'ostracisme, c'est pratiquer la "Politique de l'Autruche" au nom d'un discours officiel qui ne résistera pas aux faits qui sont toujours têtus et qui n'empêchera pas un retour, douloureux peut-être, à la réalité, en dehors de toute doctrine. Le FN, c'est une affaire de famille qui mobilise les mécontentements autour d'elle. Si certains de ses thèmes peuvent nous interpeller à juste titre, ce parti n'offre aucune vision globale de gouvernement et d'avenir pour notre pays. Il ne prospère que sur la faiblesse de notre personnel politique, de droite comme de gauche, depuis 30 ans, incapable de réformer et nous entraînant dans un surendettement aussi  lamentable que catastrophique.  Inutile de nous lamenter. Nous n'avons que ce nous méritons. Le FN n'apportera rien à part un peu plus de confusion. C'est dans la tourmente que notre pays trouvera la force de faire taire ses faiblesses. "Sisyphe".

•  Catherine Queille, fonctionnaire territoriale retraitée 

Effrayant certes le score du FN dans notre Saintonge rurale, calme et tranquille, où la droite a toujours été majoritaire, et en particulier dans les petites communes, mais guère étonnant dans le contexte actuel ! Qui pourrait croire que 88 habitants d’Archiac ou 15 de Saint-Médard votent FN, alors que l’immigration et l’insécurité sont proches de zéro… Si nos élus n’ont rien vu venir, c’est qu’ils sont vraiment sourds et aveugles, enfermés dans leurs certitudes de détenir la vérité. Il suffit depuis quelque temps déjà pour chacun d’entre nous, dans notre environnement, d’écouter les conversations pour comprendre que les gens en ont assez, n’en peuvent plus de voir toujours les mêmes élus monopoliser le pouvoir, se servir la soupe les uns aux autres, bloquer l’accès aux jeunes et aux membres de la société civile non adhérents aux partis politiques, indifférents à la grogne et à la révolte qui montent de plus en plus. Les partis politiques dominants PS, UMP, largement relayés par les médias « bien pensants », partisans de la pensée unique, passent leur temps depuis fort longtemps à diaboliser le FN, traitant avec dégoût ses électeurs de racistes, nazis, xénophobes… au lieu d’essayer de comprendre pourquoi ils votent pour des gens qui sont manifestement incapables de gouverner. Les électeurs du FN sont Madame et Monsieur tout le monde, notre cousin, notre voisin… et ne sont pas des racistes. Ils sont tout bonnement dégoûtés du microcosme politique, de droite ou de gauche, qui vit dans sa bulle, qui ne fait rien pour améliorer la situation des gens de la classe moyenne, des chômeurs, pressurisés de toujours plus d’impôts sans voir de résultats probants au bout. Ils se disent : on a tout essayé la droite, la gauche, depuis des années, la France va de plus en plus mal, on nous berce de belles promesses jamais tenues, on voit toujours les mêmes politiciens qui sont inefficaces, pourquoi n’essaierait-on pas le FN qui lui comprend nos problèmes ? Quand on entend les commentaires des grands partis depuis dimanche soir, on se rend compte qu’ils n’ont toujours pas compris le malaise profond de la société française.

• Françoise Souan, responsable d’animations culturelles et du salon du livre de Thénac 

La présence du Front National au deuxième tour des élections départementales est, incontestablement, un fait nouveau. Mais, compte tenu de la progression de ce parti sur tout le territoire, ce n’est pas une surprise. Toutefois, on ne peut qu’être frappé de voir combien le milieu rural le plus profond est touché par ce type de vote ! Le débat qui a agité longtemps les médias, était de savoir si le vote Front National était un vote de protestation ou d’adhésion. Je crains bien que l’adhésion soit bien là, même si, à la lecture du programme de ce parti, n’importe qui d’un peu sensé et réfléchi comprend vite qu’il est irréaliste et totalement dangereux pour l’avenir de notre pays. Mais, tous ceux qui votent ainsi, veulent surtout exprimer leur peur, leur mal être et leur inquiétude. Pour ma part, je combattrai toujours ceux qui ne respectent pas les lois de la République et ceux qui ne pensent qu’à briser la cohésion sociale. Je suis profondément attachée à notre idéal de tolérance et je vois grandir avec effroi le racisme et le rejet de l’autre qui sont à la base du discours du Front National.

•  Stéphane Trifilletti, Europe Ecologie les Verts, enseignant 

Ce 22 mars, près de 10 % des électeurs se sont portés sur les listes vertes et ouvertes en Charente Maritime dans les cantons ou nous étions présents. Ces élections marquent une tripolarisation et une montée préoccupante des extrêmes. Les élections passent les défis restent : qualité des eaux, alimentation de qualité, santé des hommes, emplois nouveaux de la transition écologique de l’économie.
Il convient dans la prise en compte de ce nécessaire virage de lutter efficacement contre la pollution marine tant au niveau environnemental que démocratique... pour retrouver l’espoir d une alternative de développement solidaire. Cela passe dans un premier temps par le soutien aux partis politiques qui ne prônent pas l’apartheid comme modèle de société.

•  Jean Bazin, salarié dans la restauration

Une classe politique locale vieillissante, une économie en berne, une méfiance vis à vis des partis classiques devant leurs échecs répétés, une classe politique sclérosées par le manque d'ouverture au monde du travail, une politique qui avantage les grosses entreprises par rapport aux petites, le cynisme des politiques, un chômage non maîtrisé, une désertification des services dans les campagnes, des impôts injustes et injustifiés, une justice à deux vitesses, une police ridiculisée, aucune vision d'avenir pour les jeunes, ni pour les plus de 50 ans, des retraites qui vont diminuer, beaucoup de médias à la botte du pouvoir en place, une immigration non maîtrisée et surtout des immigrés laissés pour compte, une administration qui se déshumanise, une manipulation des ténors de la politique qui diabolisent le FN au lieu de le combattre intelligemment, une Education Nationale qui ne répond pas au besoin de l'enfant soit par manque de moyens dans certaines écoles, soit pour imposer une idéologie… Avec un SMIC aujourd’hui, vous ne pouvez plus vivre décemment ; des députés, des sénateurs, des ministres, des grands fonctionnaires complètement déconnectés par rapport au monde du travail et de la vie de tous les jours… Eh bien voilà quelques raisons du résultat du FN ! S’y ajoutent tous ceux qui ne vont pas voter (qui ne dit rien consent)…

• Armelle Sageot Chomel, correspondante de presse 

Je suis désagréablement surprise de voir que dans le secteur de la Haute Saintonge, le vote FN prend une ampleur fortement dérangeante alors que les candidats de cette élection sont connus et reconnus dans leur territoire… Je suis, comme beaucoup, persuadée que ces chiffres correspondent à un vote contestataire, mais la montée en puissance des extrêmes reste un jeu dangereux et risqué. Nos traditionnels candidats devront sans aucun doute prendre largement en compte dans leur prochain mandat ce qu’ont exprimé les citoyens lors de ce premier tour ! Ceci reste un avis fortement personnel, mais il me semble qu’il est temps que nos élus ouvrent les yeux et comprennent qu’il faut un réel changement de la politique actuelle : les urnes ont parlé. Il est urgent que les choses évoluent, le risque de se retrouver avec une France FN est à nos portes ! Il ne reste que deux solutions : soit les hommes politiques ouvrent les yeux et se « bougent » grandement, soit les citoyens décident de voter blanc plutôt que FN (mais là, je suis moins sûre que ce soit le cas)…

•  Francois Julien Labruyère, responsable d’une société d’édition 

Je ne suis ni politologue, ni électeur en Charentes bien qu’y ayant de fortes attaches. Ce qui m’a branché dans ces élections est le comportement des communes que je connais pour les fréquenter depuis longtemps. Villes et villages de Saintonge et plus largement des deux Charentes.   Autant les résultats dans les villes ne me semblent nullement surprenants : soit ils expriment l’évidence et la tradition avec parfois des nuances dues aux influences nationales (Jonzac, Montendre, Saujon, Saint-Jean-d’Angély, Marennes, Rochefort, Barbezieux, Montbron, Confolens), soit ils relèvent de l’anecdote des rivalités personnelles souvent anciennes qui ne valorisent personne, surtout pas les communes concernées (La Rochelle, Saintes, Angoulême, Cognac, Ruffec, Chalais).   Quant aux communes rurales, la profondeur du malaise social me semble la cause première de la montée du Front national. C’est le cas dans des communes de ruralité profonde qui me sont chères où le FN dépasse la barre des 30% (Souméras, Montpellier de Médillan, Grézac, Barzan, Saint-Fort sur Gironde, Saint-Simon de Pélouaille, Thaims, Meursac, Bois, Soubran, Abzac, Luxé, La Genétouze à 45%) ; c’est aussi celui des communes dortoirs dont la périphérie s’est couverte de lotissements (Corme-Écluse, Cozes, Nieul les Saintes et Semussac à 43%...). Il suffisait de parler avec les gens du cru pour savoir que ce serait une déroute des partis traditionnels, de gauche comme de droite. Et cela couve depuis longtemps. Sentiment d’abandon dans les communes rurales, accidents de la vie dans les dortoirs…

•  Christian Hamelin, militaire retraité

Depuis l’accession à la direction du Front National de Marine Le Pen, la présidente enregistre des résultats positifs et davantage encore alors qu’apparaît Marion Maréchal Le Pen. Chacun pense ce qu’il veut de cette montée en puissance, mais les faits sont là, implacables. Les partis traditionnels, alternativement au pouvoir depuis quarante ans, ont passé leur temps soit à s’invectiver, discussions toutes aussi perfides que stériles, soit à s’endormir sur l’inéluctable transformation de notre société sociale et économique. Montendre n’est pas en reste ! Simplement, par paresse ou manque d’imagination, les politiques ont estimé qu’en chloroformant le peuple, celui-ci s’endormirait paisiblement au gré des courants tantôt de droite, tantôt de gauche et ainsi alternativement. « Du pain et des jeux » suffit-il encore pour satisfaire l’opinion populaire ? Gouverner, c’est prévoir. Témoins de cette carence du pouvoir, les électrices et électeurs ont traduit autrement l’incurie de nos politiques en réagissant d’une certaine façon, une sorte de sursaut citoyen. Cet électrochoc devrait avoir pour conséquence, normalement, de réveiller les endormis pour trouver des solutions meilleures au bon fonctionnement de nos sociétés modernes en réagissant ponctuellement à chacun des problèmes comme le sont le social et l’assistanat, l’émigration et l’intégration, le marché du travail et l’indemnisation du chômage, la sécurité sociale et l’ouverture des droits à la santé entre autres… dans un esprit de justice et d’égalité. Le Front National a peut-être une vision différente des problèmes posés et des solutions plus adaptées aux besoins du moment sans faire nécessairement du prosélytisme. A l’échelle de notre petit territoire, on aura observé ce sursaut citoyen qui inquiète, à n’en pas douter, davantage le PS que l’ensemble des partis de droite. Il n’est point besoin, semble t’il, qu’il soit fait des alliances officielles entre ces derniers et le Front National pour aboutir à la métamorphose d’un système politique local particulièrement sclérosé et ouvrir une porte sur des idées et sur un rajeunissement à la fois des hommes et, par là, de nos institutions. Il faut « jouer le jeu » disait, en d’autres temps, le Gouverneur Félix Eboué. Alors, « jouons le jeu » !

• Philippe Girard, restaurateur 

Pour ma part, il s'agit d'un rejet pur et simple des deux partis au pouvoir depuis 40 ans et il faut se rendre compte que le premier parti de France, c'est l'abstention et le second, c'est le FN, manifestation de révolte citoyenne ? Une chose est sûre, ni le PS, ni l'UMP sont aujourd'hui représentatifs et en mesure de gouverner. Il faut bien voir que le score actuel de la droite rassemble en fait trois partis : l'UMP seule aujourd'hui serait en dessous du score PS ! Bien sûr, seul contre tous, le FN n'aura que très peu de possibilité d'élus.

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