Le point de vue de Béatrice Copper-Royer, psychologue spécialisée dans la clinique de l’enfant et de l’adolescent. Elle est également cofondatrice de l'association e-enfance et auteur de nombreux ouvrages parus chez Albin Michel.
La question d’une loi pour interdire la fessée a été de nouveau d’actualité.
Interdire, pas interdire, nos voisins européens ne se posent pas la question et nous trouvent rétrogrades et peu soucieux du bien-être des enfants.
Mais beaucoup de parents, en France, s’insurgent contre cette interdiction qui vient, pensent-ils, s’immiscer dans la manière dont ils élèvent leurs enfants et ne la comprennent pas.
Alors châtiment corporel la fessée ou geste sans gravité, voire anodin, de la part de parents en but avec la transgression d’un enfant ?
Je crois qu’il est sage de répondre que tout dépend du contexte et de ce qu’il y a dans la tête du parent qui la donne !
Une chose est certaine, tous les professionnels de l’enfance, pédiatres, pédopsychiatres, éducateurs, éducatrices de jeunes enfants, s’entendent pour dire que la fessée n’est pas une bonne façon de sanctionner. Elle renvoie à l’enfant l’image d’un parent qui perd la maîtrise de lui-même, sort de ses gonds et exprime alors de la violence physique. On est loin de l’autorité efficace et structurante du parent qui pose une limite ou sanctionne avec calme, fermeté, et conviction.
C’est ce comportement qui est compris, voire attendu, par l’enfant qui a transgressé une règle énoncée et expliquée préalablement. Il le rassure même, car la limite ainsi posée l’apaise et contient son agressivité.
Un très grand nombre de parents qui consultent avec leurs jeunes enfants évoquent les soucis qu’ils ont à trouver la juste mesure en matière d’autorité ! Source fréquente de tensions dans le couple parental, la manière de s’y prendre pour poser des limites et faire respecter les règles familiales ne va pas de soi et renvoie évidemment au vécu de chacun des parents.
Je leur rappelle souvent que persévérance, cohérence et conviction sont les vertus cardinales qui donnent une incontestable force et une grande crédibilité aux messages parentaux. Les règles parentales ont toutes les chances alors d’être comprises et respectées par les enfants.
Certains, les plus démunis face à leur progéniture rebelle, crient, s’énervent, et donnent une fessée. La tape sur les fesses part de façon impulsive car l’exaspération est à son comble. Je crois qu’ils ont conscience de l’inefficacité de la sanction qui ne soulage qu’eux-mêmes, et encore pas longtemps.... Car les regrets et la culpabilité ne sont jamais très loin !
Ces parents ne sont pas des parents maltraitants, mais des parents qui ont du mal avec l’autorité et qui attendent souvent d’être à bout pour intervenir, alors qu’une détermination, en amont, aurait suffi à désamorcer la crise.
Il faut donc réfléchir avec ces parents sur leur difficulté à se faire respecter et à faire respecter les règles jugées utiles au bien-être de tous. À quoi cela les renvoient-ils de leur passé ? Comment les règles leur ont-elles été transmises ? Que redoutent-ils en posant des limites à leurs enfants ? Mais chez ces parents, et cela les distingue clairement des parents maltraitants, il n’y a aucune volonté d’écraser l’enfant de leur force et de leur pouvoir, aucun désir d’humiliation. Ils ne considèrent pas leurs enfants comme des objets manipulables à leur guise, n’ont aucune volonté de leur nuire. Chez eux aucune mise en scène, pas de préméditation. Mais certainement un sentiment d’impuissance exaspérant qui se décharge dans ce geste impulsif.
Alors ne dramatisons pas, mais continuons à expliquer aux parents qui nous consultent qu’une autorité bien maîtrisée ne passe pas par la fessée !
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