Ancien magistrat à la Cour des Comptes, élu (dont un
mandat à Lignières Sonneville en Charente), Jean-Louis Berthet se consacre à l'écriture. |
• Jean-Louis Berthet, vous venez de consacrer un livre à
Emile Gaboriau. Qu'apporte-t-il de plus à l'épais ouvrage écrit par Roger
Bonniot ?
N’ayant pas les qualités de R. Bonniot, j’ai voulu simplement redonner vie à un oublié de l’histoire, comme je l’ai fait pour l’abbé Perrin, le curé de Lignières Sonneville, pour la maîtresse et le fils caché de Géricault et pour Gustave Cunéo d’Ornano, le député de Cognac. Ces vies obscures, inséparables de l’histoire de leur temps, racontent cette histoire aussi bien que les biographies des hommes célèbres, souvent convenues, pour ne pas dire truquées. Emile Gaboriau, c’est la bohème à Paris, le journalisme qui se développe sous la censure et le roman policier qui pointe le nez, comme Cuneo d’Ornano était le bonapartisme qui s’évanouissait et l’abbé Perrin, l’Eglise qui s’adaptait au monde nouveau.
• Pour
mémoire, pourquoi Emile Gaboriau a-t-il été appelé "père du roman
policier" ?
• Emile Gaboriau est né à Saujon et il repose dans le cimetière de Jonzac. Parlez-nous de ses périodes charentaises ? Ont-elles été déterminantes ?
En fait, devenu parisien, il a retrouvé assez tard le pays de ses ancêtres en venant rendre visite à son père, retraité à Jonzac, et à sa sœur, épouse du maire de la commune, M. Coindreau. Mais il y a découvert ce qu’il cherchait sans le savoir, la lente et trompeuse sagesse de la société provinciale et la beauté reposante de la nature. Il en a fait le décor de son dernier roman, La corde au cou, qui se passe dans une petite cité charentaise inspirée par Jonzac.
Seulement, la Saintonge qu’il a aimée, celle dans laquelle il a rêvé de vivre et d’écrire, c’était la belle Saintonge maritime de Royan et de Saint-Palais-sur-mer. La veille de sa mort, il avait dressé les plans de la maison qu’il voulait faire construire, sous les pins, face à l’océan atlantique. Il y aurait écrit dans la paix l’œuvre ambitieuse qu’il méditait.
• Comment devient-il écrivain et quelles sont ses influences ? En plein romantisme, la littérature a-t-elle été un refuge pour cet esprit tourmenté ?
De tous ses romans, lequel préférez-vous ?
J'aime surtout les jeunes héroïnes de Gaboriau, intelligentes, généreuses et courageuses. Des anges sur la terre. Il parait que ça n’existe pas, mais c’est faux, j’en ai rencontré. J’aime aussi les personnages secondaires, les valets fidèles, les filous, les vieux soldats, le gardien de prison, le vieux notaire amoureux d’une jeunesse, la forte servante d’un policier sortie du bagne.
J’ai peut-être un faible pour Le crime d’Orcival à cause de ses amantes naïves, fidèles aux hommes qui ne les méritent pas. Ou pour La Corde au cou à cause de la femme adultère si courageuse dans sa faute et de la fiancée si confiante dans celui que tout accuse.
J’aime aussi ce roman dans lequel un paysan prépare un foyer pour la jeune fille noble qu’il n’épousera jamais. Il le lègue en testament à la jeune femme avant de mourir. C’est, je crois, Le dossier 113. Vous m’y faites penser, je devrais relire Gaboriau !
•
Quelle qualité vous a séduit chez Emile Gaboriau au point de lui dédier votre
plume ? Sa modernité que vantait
d'ailleurs Joseph Kessel ?
Non, pas sa modernité. Au contraire, j’ai aimé l’ancrage d’Émile
Gaboriau dans la XIXème siècle du Second Empire, en pleine transformation
économique, politique et sociale. J’ai surtout été ému par l’humanité attachante d’Emile Gaboriau et par
la tragédie de sa vie. J’ai été touché par son travail acharné, auquel il a
sacrifié son repos, par ses grandes qualités d’invention et de style, par sa
vie privée à la fois sage et affranchie des conventions, par ses souffrances
physiques et son destin tragique. Sa vie est un roman dont il est le héros.
Il est mort encore plus tôt que Balzac, à peine marié comme Balzac, laissant comme Balzac son œuvre inachevée. S’il n’avait pas le génie divinatoire et réaliste de son modèle, il était dans la vie beaucoup plus solide et sérieux que lui.
• Sur
quel autre personnage envisagez-vous de travailler après Emile Gaboriau ? Je pense que nous n'allez pas vous arrêter en si bon chemin !...
Propos recueillis par Nicole Bertin
1 commentaire:
Comment définir le style gaboriau...??
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