lundi 15 juin 2015

En construisant le Moulin de la Pyramide
à Vaux Rouillac en Charente, Marc Lechelle
a concrétisé un rêve d'enfant

Bienvenue au Moulin de la Pyramide !
Le soleil brille sur les routes de Charente. Les coteaux alignent leurs vignes emblématiques. Cultivées comme des trésors, elles produisent le cognac, un produit connu dans le monde entier. Les fermes, les maisons de maître et les édifices plus cossus bénéficient de cette manne. Les hameaux sont ordonnés, les toits impeccables ; les jardins sont autant de décors qui viennent embellir l'environnement. En bordure de Charente, les élégantes demeures arborent des arbres séculaires. Très fiers que nous sommes d'habiter la Charente-Maritime, département touristique hautement classé dans la hiérarchie des plus prisés, on oublie trop souvent que la Charente d'à côté recèle plus d'un secret. Le Moulin de la Pyramide en fait partie.
Son propriétaire, Marc Lechelle, un alerte nonagénaire, a raison d'en être fier. Il l'a créé de toutes pièces avec l'aide d'artisans régionaux.

Marc Lechelle rêvait d'un moulin...

L'œil bleu, un brin malicieux, Marc Lechelle a l'habitude qu'on vienne l'interroger sur son "œuvre". Mieux, les mariés se font photographier à ses pieds et pour les journées du patrimoine, on sort le grand jeu en dégustant le pain fait avec la farine du meunier. 
En ce jeudi, l'été s'est installé à Vaux Rouillac. Marc Lechelle est à l'ombre de son moulin dont les murs sont en restauration. 
« Pourquoi j'ai construit ce moulin ? Il faut bien faire quelque chose dans la vie. Tout m'intéresse. J'ai choisi ce que les autres ne font pas ! » plaisante-t-il. Depuis son plus jeune âge, il a la manie de la récupération. Les trucs dont on ne se sert plus, les has been des placards, les vieilleries qui croupissent dans les touffes d'orties. Il est comme ça, Marc Lechelle : rien ne se perd, tout se transforme !   
« Quand j'étais enfant, j'allais en vacances chez mes grands-parents à Sonneville, la ville du soleil. Un jour, mon grand-père m'a montré les ruines du moulin à vent de Béguet qui disparaissait sous la végétation. Friand d'anecdotes, mon aïeul m'a raconté qu'en ce lieu, vivait une jolie meunière, la belle Yvette. Plus sérieusement, il m'a expliqué comment fonctionnait cette structure avec ses ailes, son mécanisme intérieur et ses différentes pièces. J'étais enthousiaste d'autant que je suis moi-même né dans un moulin à Anville » déclare-t-il.


Le temps passant, Marc Lechelle rêve d’avoir son propre moulin. Ne trouvant pas celui qui correspond à ses attentes, il décide d'en édifier un sur une belle colline de préférence. Il pense d'abord à Jarnac, mais l'Equipement est moins enthousiaste que lui. Pire, son projet est qualifié de "farfelu". Marc Lechelle n'apprécie pas vraiment ! Il ne se démoralise pas et acquiert un terrain à Vaux Rouillac, situé à 169 mètres d'altitude. Terrain qu'il agrandit par l'achat de parcelles jouxtantes :  « Acheter des terres à des paysans quand on ne l'est pas, ce n'est pas commode. Finalement, je les ai payées plus cher qu'elles ne valaient ! ». 
Il a tout de même des compensations. De ce site magnifique, on arrive à distinguer - par temps clair - les faisceaux du phare de Cordouan. Et avec un peu d'imagination, on apercevrait la statue de la liberté !
Déterminé, il dépose une nouvelle demande auprès de la DDE. Le permis a subi des modifications par rapport à la première mouture puisque le moulin s’est paré d'une maison d'habitation, riche de plusieurs pièces et surtout d'un sous-sol suffisamment vaste pour abriter une salle aux belles dimensions.

Superbe travail d'André Moreau, menuisier 

La réponse arrive, positive. Marc Lechelle savoure sa victoire. Le moulin prend vie grâce au soutien du maire, René Biais. Six ans seront nécessaires pour que l'ensemble, chouchouté comme un nouveau-né, soit inauguré. La qualité est avant tout recherchée : meules, appareil à cylindres, blutoir, fournil avec pétrin à main, vieux pétrin mécanique entraîné par une courroie : rien ne manquera ! Il va jusqu'à récupérer un pilon à blé qu'on utilisait autrefois en Roumanie ainsi qu'un bloc de pierre venant de la Ferté/Jouarre qui sert de porte-bonheur. Marc Léchelle n'est pas peu fier : « c'est une réalité unique en France puisque la dernière construction d'un moulin à vent remonte à 1910 ». 

Grand rendez-vous des cyclotouristes au Moulin de la Pyramide
Nom de baptême : Moulin de la Pyramide

Le moulin a été baptisé "de la pyramide" car il est situé sur le point le plus haut de la commune. Sa visite démontre le savoir-faire du menuisier en particulier : André Moreau (malheureusement disparu) y a réalisé un travail d'une extrême minutie. Dans les environs, on accourt pour voir cette pure création dont les premières pierres ont été posées en 1985. « Avant de me lancer, j'ai vu une vingtaine de moulins à vent et pris les dimensions. C'est en Charente-Maritime qu'il y en a le plus. J'ai fait appel à un architecte ». 
Au fil des ans, le moulin est devenu une attraction qui produit de la farine. Pour les grandes occasions, une fête est organisée qui permet de goûter le pain réalisé par un groupe d'amis et de faire ripaille par la même occasion. Habillé pour la circonstance, l'âne Caduchon assure le transport. Pour Noël, le moulin est illuminé et l'on vient de loin pour l'admirer. 
Au milieu de ce flot de satisfactions, Marc Lechelle a cependant une déception : les pierres apparentes de son moulin seront bientôt dissimulées par un crépis en raison de fuites. « Bien sûr que ça me fait de la peine. Tous les professionnels du bâtiment ne se ressemblent pas. Parfois, le travail effectué présente des malfaçons ». 


- Il vous a coûté combien, ce moulin ? A cette question, l'intéressé reste mystérieux : « quand on aime, on ne compte pas. Ce moulin est sans doute un caprice, il fait partie de ma vie ». Il est vrai qu'à 96 ans, on peut se faire plaisir !
Marc Lechelle a d'autres projets qu'il ne veut pas dévoiler pour l'instant : « il s'agit d'une affaire inédite dans la nature » dit-il. Il est également collectionneur de locomotives et machines à vapeur, ce qui explique sa proximité avec Jean-Paul Pinaud de Saint-Fort sur le Né. Ensemble, ils partagent la même passion. 
Il aime aussi les voitures anciennes et les carrosses : « je suis attentif au passé et c'est pourquoi j'aime des choses que les autres trouvent vieux jeu ». Dans son salon, figure en bonne place un toile de ses grands-parents, Joseph et Rachel, en train de pousser la charrue avec le cheval Quinquin en 1890. 


Marc Lechelle est gardien de la mémoire. Né après la Première Guerre mondiale, il a vécu les différentes évolutions technologiques. S'il les apprécie, il garde la nostalgie du passé, quand tout allait moins vite et que les gens étaient solidaires. Travailleurs, soucieux de leurs familles et des voisins. Sur sa butte, il se préserve de l’actualité quotidienne, porteuse de mauvaises nouvelles le plus souvent. Détail amusant, il a des a priori au sujet des femmes dont il semble se méfier. Sur sa porte, en effet, se trouve une inscription révélatrice : "une femme qui n'est pas sincère ressemble énormément à une femme qui l'est vraiment". Heureusement, les femmes journalistes sont toujours sincères !!! La suite se perd dans le bruissement des ailes de son moulin…

L'intérieur du moulin



• La farine est réalisée à partir du blé Osiris (non produit par Monsanto !). Normal quand on s'appelle Moulin de la Pyramide !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Magnifique réalisation!
Quel courage et quelle belle détermination!
Ce qui reste surporenant, c'est que la SAFER ne se soit pas opposée à la vente de terres agricoles à un non-agriculteur...