samedi 20 juin 2015

Conseil municipal de Saintes
Affaire du 4 x 4 :
Le grand oral de Jean-Philippe Machon
face à l’opposition

« J’ai une longue expérience professionnelle. Si j’avais été un escroc, cela se saurait ! »

Souvenez-vous, il y a quelques semaines, le rachat par la ville de Saintes de l’ancien 4 x 4 de location qu’utilisait Jean-Philippe Machon dans le cadre de ses activités professionnelles a fait grand bruit. La presse nationale s’est emparée du sujet et l’opposition a senti qu’elle avait un sujet en or pour attaquer la majorité en place. Cette confrontation a eu lieu vendredi lors du conseil municipal en présence d’une très nombreuse assistance.


Vendredi 19 juin. Les banderoles et les tracts distribués par Solidaires Sud annoncent la couleur devant la mairie tandis que la nouvelle association Megolanum Santonum attend, elle aussi, Jean-Philippe Machon au portillon. La fameuse affaire du 4 x 4 est inscrite en 47e position de l’ordre du jour et la gauche entend bien dire ce qu’elle a sur le cœur. Certains ne comprennent pas pourquoi cette question a été « reléguée » en fin de réunion alors qu’elle mobilise les esprits…
Depuis l’installation du maire en 2014, on n’a pas connu une telle affluence dans la salle du conseil, les sièges étant pris d'assaut dès 17 heures. Deux camps apparaissent clairement qui s’exprimeront par la suite pour ou contre le maire !

Solidaires Sud devant la mairie
Une nombreuse assistance

En faisant racheter son ancien 4 x 4 de location par la mairie afin d’en faire un véhicule de fonction municipal, Jean-Philippe Machon a compris qu’il avait commis une erreur lourde de conséquences puisqu’on ne badine pas avec le code des marchés publics. Il s’en est expliqué une première fois devant sa majorité et la presse lors d’une rencontre « extraordinaire » organisée le jour de l’Ascension. Dans une déclaration assez brève qui faisait suite aux débats, il a avoué s’être trompé avant de présenter des excuses aux Saintais. Malgré cette « amende honorable », une ambiance quelque peu tendue a suivi tant avec la gauche - ce qui est naturel - qu’avec certains de ses colistiers. Ils n’ont guère apprécié que Saintes soit mentionnée dans les médias nationaux pour un dossier aussi peu valorisant.

L'arrivée du maire, Jean-Philippe Machon
Vendredi, l’heure du grand oral est donc arrivée. Le public devra-t-il attendre la 47e question ? Eh bien non puisque le maire choisit de la placer en premier. Jean-Pierre Roudier est chargé d’annoncer l’avenir de ce fameux 4 x 4, actuelle propriété de la mairie : il sera vendu à quiconque s’en portera acquéreur pour la somme de 25408,88 euros. Dans un premier temps, Jean-Philippe Machon avait envisagé de l’acquérir, mais la jurisprudence a montré que l’idée n’était pas judicieuse. On aurait alors pu le taxer de prise illégale d’intérêts. Le véhicule sera donc cédé à une personne étrangère au conseil municipal.

Explications

Jean-Philippe Machon se veut convaincant : « J’ai fait une erreur et présenté mes excuses aux Saintais. Je les renouvelle ce soir auprès des conseillers municipaux et des habitants. Si c’était à refaire, il est bien évident que je ne le referais pas. Je rappelle que cette voiture ne m’a jamais appartenu. Après consultation des services de l’administration, elle sera vendue à un tiers extérieur ».
- « Vous dites que vous avez fait un erreur mais une erreur, c’est quand on ne sait pas » rétorque François Elhinger. « S’agit-il d’une erreur volontaire ? Si les fonctionnaires vous ont informé, pourquoi avoir passé outre ? ».

Au second rang, François Elhinger et Isabelle Pichard Chauché
- Jean-Philippe Machon : « Le document était à la signature, j’aurais du être plus vigilant. Je suis instruit par cette expérience, elle ne se reproduira pas ».
François Elhinger revient à la charge : « vous avez discrédité des fonctionnaires municipaux. Seriez-vous au dessus des lois ? Si Sud-Ouest n’avait pas soulevé l’affaire, elle serait passée inaperçue. Pas vu, pas pris ! Je suis dérangé par cette situation et je ne suis pas le seul. Je suis choqué qu’un homme dont le devoir est de montrer l’exemple agisse ainsi ». Et d’ajouter : « je suis choqué de vous voir encore occuper le fauteuil de maire »… Un brouhaha agite le public.
- Jean-Philippe Machon : « Je vous respecte en tant qu’élu et je vous demande la même chose. Nous sommes tous des êtres humains et nous pouvons commettre des fautes. Je n’ai cherché aucune échappatoire. J’ai assumé et reconnu mon erreur. Je suis marqué à vie et il n’y a aucun risque pour qu’un tel cas de figure se renouvelle. J’ai une longue expérience professionnelle et si j’avais été un escroc, cela se saurait. J’ai commis une erreur, je m’en suis excusé. J’ai tendance à agir vite et désormais, je serai beaucoup plus vigilant et prudent. Avec la majorité, nous avons débattu sur notre façon de travailler. Tout a été dit, écrit. Le temps est venu de s’occuper des dossiers de Saintes ».
Isabelle Pichard Chauché rappelle qu’un conseil extraordinaire a été demandé. En vain. Elle énumère les manquements du maire et l’opacité ambiante. « Puisque vous avez transgressé le code des marchés publics, cette délibération de vente de véhicule, qui n’a pas été présentée en commission gérer, doit être retirée de l’ordre du jour ».
- Jean-Philippe Machon : « je prends note de vos remarques. La délibération n’a pas été présentée en commission car la carte grise n’était pas prête ». La ville entendait vendre trois véhicules dédiés aux élus pour ramener ce nombre à deux.

Jean Roudier, adjoint chargé du Centre technique
Gérard Desrente monte subitement au créneau pour soulever une « épine » plus lourde en termes financiers : « en achetant ce 4 x 4, nous avons voulu faire faire des économies à la ville, de l’ordre de 8000 à 10.000 euros. Dans d’autres collectivités, certains présidents de CDC ou de CDA se font offrir des véhicules de fonction allant de 35.000 à 40.000 euros ! Et ça ne pose aucun problème. En France, la forme est plus importante que le fond. Je vais vous conter l’histoire de la Trocante. Un privé a acheté ce bâtiment 330.000 euros pour le revendre à une précédente municipalité 620.000 euros. Or, il est bourré d’amiante. La ville de Saintes est complètement plombée avec cette acquisition et curieusement, la presse quotidienne n’en a jamais parlé ». Silence radio sauf Laurence Henry qui se demande pourquoi l’actuel adjoint aux finances, Frédéric Neveu, alors dans l’opposition, n’a pas réagi…

L’avocat Philippe Callaud énumère les risques auxquels s’exposent les élus : prise illégale d’intérêt, favoritisme sur les marchés publics, concussion, trafic d’influence. « Monsieur le Maire, vous avez parlé d’erreur, de faute, voire de catastrophe en vous moquant en substance des règles de forme. La forme est la garante du fond, d’où la séparation des ordonnateurs et des comptables ».
Jean-Philippe Machon apprécie moyennement : « Nous ne sommes pas un tribunal. J’ai reçu les observations de la Sous-Préfète et je m’en remets à elle ». Notons au passage qu’Isabelle Pichard Chauché a saisi la Cour des Comptes.
« Ce 4 x 4 est un fantôme » renchérit Philippe Callaud. La raison ? L’opposition n’a pas vu l’acte d’achat du véhicule. « Nous voulons voir ce contrat. Puisque nous n’avons pas la preuve que la voiture appartient au patrimoine de la ville, nous ne participerons pas au vote ».
« Vous agitez le chiffon rouge. C’est la première fois que je vous vois en procureur plutôt qu’en avocat » constate Fanny Hervé en réponse aux observations de Philippe Callaud.

Après ce long échange, le conseil valide la vente du 4 x 4. Avis aux acquéreurs ! L’opposition reste en retrait. Autorisation est donnée à Jean-Pierre Roudier, adjoint chargé du centre technique municipal, de signer les documents relatifs à cette cession.

Dans un souci de transparence, Jean-Philippe Machon n’a pas participé au vote de la vente du 4 x 4

• Une minute de silence en mémoire de Xavier de Roux et Michel Lis

Jean-Philippe Machon demande une interruption de séance afin de rendre hommage à ces deux hommes décédés récemment. « Xavier de Roux a largement contribué au développement du territoire en créant la Saintonge Romane. Attaché à la ville de Chaniers et à la Saintonge, il avait choisi de s’y investir et c’était amusant de le croiser sur le marché Saint-Pallais avec ses bottes et ses habits de pêche ». Philippe Callaud et Isabelle Pichard Chauché rappellent à leur tour les bonnes relations qu’ils entretenaient avec le disparu. « Je l’ai côtoyé au Conseil général. Même si nous n’appartenions pas à la même sensibilité politique, il savait prendre la hauteur nécessaire pour étudier les dossiers » souligne la chef de file de l’opposition. Un même hommage est adressé à Michel Lis, grand humaniste qui restera dans nos cœurs. Le jardinier aux moustaches vertes était un merveilleux ambassadeur du monde végétal et des traditions s’y rattachant.

• Jean-Claude Landreau, nouvel adjoint : 

Claude Chiron démissionne de son poste d’adjoint aux affaires sociales pour devenir simple conseillère municipale. Elle est remplacée par Jean-Claude Landreau (27 voix pour, un blanc). Le maire ainsi que des membres de l’opposition saluent son travail. La gauche estime qu’elle n’a pu faire entendre sa voix et qu’il aurait fallu anticiper son départ du CCAS afin d’éviter des dysfonctionnements. « Elle a raccroché les gants plutôt que de perdre son temps » ajoute Isabelle Pichard Chauché. Jean-Philippe Machon juge l’humour un peu rude…
Notons au passage que parmi les subventions, les centres sociaux vont recevoir 35000 euros.

Les opérations de vote pour désigner le nouvel adjoint
• Mutualisation des moyens entre la ville et la CDA :

Six services vont voir le jour : Ressources et moyens ; attractivité et loisirs du territoire ; développement du territoire ; direction pôle opérationnel ; solidarité proximité et services à la population. Soit une économie estimée à 179.000 euros.


• Isabelle Pichard Chauché : « Et si une école coranique s’installe, vous faites quoi ? »
Les municipalités précédentes ont traité à leur façon les sommes qui doivent être versées aux établissements scolaires privés. D’où l’obligation pour la nouvelle municipalité d’opérer des réajustements pour Recouvrance et Marie Eustelle. « Nous réglons à la fois les arrierés et le contentieux existant » déclare Jean-Philippe Machon. Soit plus de 76000 euros étalés sur trois ans.
La gauche vote contre. Isabelle Pichard Chauché rappelle son attachement à l’école publique : « les parents qui optent pour les établissements privés font un choix personnel ». Philippe Callaud abonde dans son sens : « nous sommes des Républicains. Ça nous fait mal de passer au dessus des lois, mais les Radicaux de gauche défendent l’école gratuite et notre résistance doit être respectée ». Quoi qu’il en soit, la loi dit que ces écoles seront aidées au même titre que les autres.
« Et si demain une école coranique s’installe à Saintes, vous faites quoi ? » s’interroge Isabelle Pichard Chauché…

L'opposition votre contre
Petite prise bec entre Laurence Henry et Gérard Desrente

Cette dernière reproche à l’adjoint d’avoir choisi les représentants du marché sur des critères personnels. L’intéressé rétorque que c’est faux. Jean-Philipe Machon met fin aux hostilités en rappelant que cette question n’est pas inscrite à l’ordre du jour…


• Grande fête sur la Charente le 9 août : 

Baptisée Charent’Ô folies, elle regroupera des activités nautiques sur la Charente, de la musique, un village éphémère sur la place Bassompierre avec la présence de producteurs locaux. Coût 87300 euros. Des subventions seront demandées au conseil départemental.

•  Prise illégale d’intérêt, favoritisme sur les marchés publics, concussion, trafic d’influence : ces écueils qui peuvent guetter les élus

Il est évident que ces attitudes sont généralement liées à des édiles en poste depuis un certain temps (ce qui n’est pas le cas de Jean-Philippe Machon) qui ont pris l’habitude de travailler à leur convenance, leur entourage étant suffisamment phagocyté pour observer un silence compréhensif.
Dans la majorité des cas, les élus sont suffisamment avertis et avisés pour ne pas dépasser les limites. Tant mieux pour les citoyens qui attendent transparence et clarté ! On se souvient de l’affaire (sans suite) soulevée par le Canard Enchaîné en mars 2014 à Jonzac quand Claude Belot (élu en exercice depuis quasiment un demi-siècle), président de la Communauté de communes de Haute-Saintonge, faisait faire des audits sur cette collectivité par une entreprise charentaise employant son propre fils. Ajoutons un vice-président chargé du vaste chapitre de la gestion des déchets dont l’entreprise, à une époque, était chargée de collecter lesdits déchets…
Il est également facile, pour les élus, de chercher à s’attirer les bonnes grâces de la presse - dont on connait malheureusement la fragilité - en finançant avec les deniers publics des publicités et des magazines, comme Le Vacancier de Haute Saintonge, un excellent document à destination des touristes qui lie à Jonzac Claude Belot à l’hebdomadaire La Haute Saintonge (groupe Sud-Ouest), lequel a toujours remporté l'appel d'offres.
Si le président de la CDCHS venait choisir un autre partenaire que ce journal pour le maquettage de la revue tirée à 60.000 exemplaires, il est évident que la société qui gère cet organe de presse aurait un manque à gagner financier.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mr Machon déclare : « J’ai une longue expérience professionnelle. Si j’avais été un escroc, cela se saurait ! » Cette phrase, trompeuse, peut-être, laisserait supposer que l'activité de maire est une profession !
Il est vrai qu 'en France, vu la durée interminable des mandats politiques et leur accumulation, ça le devient !
La clarté de la gestion publique n'est pas la principale vertu de notre monde politique qui demeure souvent opaque, surtout lorsque l'on parle de gros sous !
Ainsi, on pourrait par exemple évoquer l'affaire du détournement voici quelques années déjà, de milliers d'euros à l'Ecole des Arts de St Germain de Lusignan, par la directrice administrative depuis licenciée. Où en est cette affaire de détournement d'argent public ? Mystère et boules de gomme !
Quant à l'indépendance de la presse ...pas de commentaire !
Mais le Peuple de France n'est pas rancunier . Partout, quoi qu'il advienne, on élit et ré-élit toujours les mêmes ! Et même avec promotion !

Merci à l'auteure de cet article pour son courage de dire, qui n'est plus tellement répandu (la preuve : je reste anonyme.)