mardi 15 décembre 2015

« Comment pourrais-je gouverner autrui qui, moi-même gouverner ne saurais ? » : Dialogue imaginaire avec François Rabelais

Rencontre imaginaire avec François Rabelais, auteur du XVIe siècle, père de Gargantua et de Pantagruel 



- Salut à toi Rabelais. Je ne te sors pas du placard par hasard ? J'exagère… tu es un écrivain si moderne qu'aujourd'hui encore, tu parles à nos cœurs ! 

Rabelais : Qu'il est heureux de recevoir des hommages d'outre-tombe. L'affaire des placards, j'ai failli en perdre mes chausses. Et pourtant, je les porte hautes !

- Le croiras-tu, le pays est attaqué par une bande de Mahométans, réunis en ligue, qui s'en prennent aux symboles chrétiens et à la population par la même occasion. Attaques dans les rues de Paris. Morts, sang, tristesse. 

Tu veux dire Mahumétistes ? J'en parle dans mes livres. Au nom de leurs religions, les hommes s'écharpent et cherchent le pouvoir... Ils vous attaquent ? Si on ne les avait pas arrêtés en 732 vers Poitiers, ils seraient chez eux chez nous comme ils l'étaient en Espagne avant qu'Isabelle la catholique ne les boute hors du royaume.
Moi-même, j'ai eu à souffrir de ma propre religion…

- Tu parles de la fameuse affaire des placards ? 

En octobre 1534, voilà que les Protestants, les partisans de la Réforme, ont été pris d'une grande hardiesse. Ils ont attaqué le Pape dans un tract apposé dans les lieux publics de plusieurs villes et sur la porte du Roi au château d'Amboise. Une drôle d'année que 1534. Ces placards étaient intitulés "Articles véritables sur les horribles, grands et importables abus de la messe papale, inventée directement contre la Sainte Cène de notre Seigneur, seul médiateur et seul Sauveur Jésus-Christ". L’auteur en était Antoine Marcourt, pasteur de Neuchâtel. Le courroux de François 1er fut si grand qu'il en enfla. On aurait dit un ogre !

- C'était pas la joie dans les rues de Paris ? 

Et ailleurs. La chasse était ouverte. Le pauvre Marot a été poursuivi pour avoir mangé du lard en période de Carême ; Bonaventure des Périers a été dénoncé comme athéiste par l'abbé de Saint Evroul pour des propos qu'il aurait tenus chez la reine de Navarre et l'avocat Louis de Berquin a été condamné par une commission extraordinaire du Parlement de Paris. Il a été accusé d’hérésie par les professeurs de théologie de la Sorbonne. Comme il n'a pas voulu se rétracter, il a finalement été brûlé en place de Grève avec ses livres. Oui, avec ses livres. C'est une vieille habitude que de détruire les ouvrages. Antoine Augereau, accusé d'avoir imprimé les placards, a été pendu et brûlé lui aussi. Etienne de La Forge, ami de Clavin, était parmi les six condamnés au bûcher de janvier 1535. Tu vois, ce n'est pas si lointain. Calvin a préféré quitter la France. Courageux, mais pas téméraire…

- Et toi, tu l'as échappé belle ? 

Si l'on peut dire puisque certains de mes livres ont été condamnés par la Sorbonne. On prenait le large quand le roussi chatouillait les narines. Gargantua et Pantagruel ont été interdits en mars 1543. J'en avais extrait les phrases les plus ironiques que mon imprimeur de Lyon a malheureusement laissées. Sort identique avec le Tiers Livre. J'ai du m'enfuir à Metz. Même pas le temps de prendre mon baluchon. Heureusement, j'avais d'autres occupations dont la médecine. Et puis, j'avais quelques protecteurs…
La fin de mon ami Etienne Dolet, le 3 août 1546, m'a pétrifié. Il a été exécuté place Maubert à Paris « où avait été dressée et plantée en lieu commode et convenable une potence à l'entour de laquelle était un grand feu auquel, après avoir été soulevé en ladite potence, son corps a été jeté et brûlé avec ses livres, et son corps mué et converti en cendres ». Si la télévision avait existé…

- On ne badinait pas avec la religion ? 

Si on voulait survivre, il ne valait mieux pas. L'ignorance est la mère de tous les maux.

 - Comment étaient les Grands du royaume à ton époque ? 

Prêts à guerroyer, à se liguer, à s'estourbir ou à pactiser selon leurs intérêts. Toutefois, certains avaient des qualités !

- Les choses n'ont pas trop changé ! Tu sais que le peuple peut s'exprimer lors d'élections ?

 Tous les gens du peuple ?

- Oui ! Ils le peuvent ! Je te raconterai la prochaine fois. 

Avancée étonnante que celle-ci.

- Ta morale préférée avant de te rendre à l'éternité ? 

Je dirais : « Comment pourrais-je gouverner autrui qui, moi-même, gouverner ne saurais ? »

- Belle devise à méditer, en effet !

Clin d'œil

•  Et si je vous dis de voter pour celui que j'ai présenté comme votre opposant, obéissez-moi car péril en notre demeure, il y a ! 

• Extrait du Quart livre de François Rabelais 

« Soudain, Panurge, sans autre chose dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant.
Tous les autres moutons, criant et bêlant en pareille intonation, commencèrent à se jeter et à sauter en mer après, à la file. La foule était à qui le premier y sauterait après leur compagnon. Il n'était pas possible de les en empêcher, comme vous savez du mouton le naturel, toujours suivre le premier, quelque part qu'il aille ».

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