Eric Emmanuel Schmitt (© Nicole Bertin) |
Etrange coïncidence : alors qu'Eric Emmanuel Schmitt jouait à Jonzac Monsieur Ibrabrim et les fleurs du Coran, l'histoire d'un jeune juif Moïse, dit Momo, et M. Ibrahim, l'épicier musulman du quartier, se produisaient à Paris les affreux attentats du 13 novembre, actes de haine religieuse envers ceux qui ne pensent pas comme Daesh, les jeunes étant particulièrement ciblés par ces tueries. Un choc tant pour Eric Emmanuel Schmitt, homme sensible et chaleureux, que pour le public à l'annonce de ces funestes événements.
On se met à rêver : si les terroristes avaient pris la peine de lire son roman, peut-être leurs cœurs, séduits par des appels qui rappellent précisément ceux de Charydbe et Scylla, se seraient-ils écartés de ce tourbillon qui les guette inexorablement après avoir entraîné dans la mort des innocents ? L'histoire est ainsi faite qu'il faut sans cesse prendre acte - donc être témoin - sans vraiment comprendre pourquoi se déroulent des tragédies qui auraient pu être évitées. Sacrifices nécessaires pour que le monde exulte, qui sait ?
Eric Emmanuel Schmitt, de par l'esprit de tolérance qui l'anime, est un messager d'espérance. Ses œuvres le montrent. Dans Monsieur Ibrahim, incarné au cinéma par Omar Sharif, il laisse à ses deux personnages, que leurs religions opposent, une chance de se rencontrer et de se retrouver. L'un n'a pas compris l'immense chagrin de son père dont la famille est morte en déportation ; l'autre attend de retourner au pays natal pour montrer ce qui fait sa différence et finalement sa force. Unis par leur solitude, ils deviennent suffisamment complices pour s'admettre, tout simplement.
Cette pièce magnifique a été jouée deux fois malgré les recommandations de la Préfecture de ne pas organiser de manifestations après les attentats. Claude Belot, maire de Jonzac, ne regrette pas son choix. Il a permis à de nombreux spectateurs de découvrir un univers empli d'une paix intérieure.
Après la première représentation, Eric Emmanuel Schmitt a répondu aux questions du public avec une authenticité touchante. Regard proche du croissant d'or et des étoiles scintillantes...
• Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran met en scène un jeune Parisien qui vit chez son père, avocat. L'auteur raconte l'enfance de Bruno Abraham Kremer, et sa rencontre avec M. Ibrahim qui tient l'épicerie du coin. Choc de cultures ? Non, complicité !
Eric Emmanuel Schmitt incarne les deux personnages : ils les connaît par cœur ! |
Devenir un homme... |
Et prendre la blouse de M. Ibrahim ! |
• Eric Emmanuel Schmitt : « Lutter, ce sera rester ensemble, différents mais unis, tolérants, prêts à sortir, à aller au concert, au théâtre, aux matchs, au restaurant... Nous sommes attaqués pour ce que nous sommes ? Justement, nous demeurerons nous-mêmes ».
Accueil par la municipalité de Jonzac après le spectacle. L'affreuse nouvelle des attentats de Paris commence à se répandre dans l'assistance... |
Malgré tout, la vie continue. Dédicace à Bernadette Schmitt, ancien maire de Saintes |
Et à Marie-Christine Nouguès... |
Eric Emmanuel Schmitt a trouvé les mots justes :
• VICTOR HUGO TOUJOURS JUSTE, MEME AUJOURD’HUI
« Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. Paris est la ville sacrée. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. Paris est la capitale de la civilisation, qui n’est ni un royaume, ni un empire, et qui est le genre humain tout entier dans son passé et dans son avenir. Et savez-vous pourquoi Paris est la ville de la civilisation ? C’est parce que Paris est la ville de la révolution. Qu’une telle ville, qu’un tel chef-lieu, qu’un tel foyer de lumière, qu’un tel centre des esprits, des cœurs et des âmes, qu’un tel cerveau de la pensée universelle puisse être violé, brisé, pris d’assaut, parqui ? par une invasion sauvage ? cela ne se peut. Cela ne sera pas. Jamais, jamais, jamais! Citoyens, Paris triomphera, parce qu’il représente l’idée humaine et parce qu’il représente l’instinct populaire. L’instinct du peuple est toujours d’accord avec l’idéal de la civilisation. Paris triomphera, mais à une condition : c’est que vous, moi, nous tous qui sommes ici, nous ne serons qu’une seule âme ; c’est que nous ne serons qu’un seul soldat et un seul citoyen, un seul citoyen pour aimer Paris, un seul soldat pour le défendre ». ( Actes et paroles - Victor Hugo, 1870)
• DU CHAGRIN MAIS PAS DE PEUR
« La cible des terroristes a changé, elle s'est élargie : c'est vous, c'est moi, c'est notre civilisation, c'est notre liberté, c'est notre joie de vivre. Dans les jours qui viennent, nous pleurerons mais nous ne cèderons pas. Des fanatiques veulent que nous ayons peur ? Ils perdront ce combat. Des terroristes veulent nous diviser ? Ils échoueront. Ils veulent tester notre capacité d'être unis ? Ils vont voir...
La panique, la détestation, l'excès, l'aveuglement, nous les leur laissons. Que leur piège se referme sur eux ! Et ça commence...
En ce moment, à Paris, des hommes et des femmes vont donner spontanément leur sang pour les blessés qui en ont perdu. Sang contre sang ? Mieux que ça : générosité contre haine ! Si aujourd'hui nous désespérons des autres, nous ne désespérons pas de nous. C'est au moment où l'on veut nous affaiblir que nous allons montrer notre force. Lutter, ce sera rester ensemble, différents mais unis, tolérants, prêts à sortir, à aller au concert, au théâtre, aux matchs, au restaurant...
Nous sommes attaqués pour ce que nous sommes ? Justement, nous demeurerons nous-mêmes. Et j'en profite, mes chers lecteurs et lectrices réunis sur les mêmes valeurs humanistes, pour vous dire que je vous aime ».
M. Ibrahim : un message d'espérance entre les communautés |
• Retrouvez Eric Emmanuel Schmitt à Paris : Théâtre rive gauche, "L'élixir d'amour", une comédie romantique mise en scène de Steve Suiss ; "Barbara et l'homme en habit rouge", mise en scène de Eric-Emmanuel Schmitt. L’homme qui accompagna Barbara, à la scène comme dans la vie, nous raconte enfin cette femme unique, surprenante, drôle, passionnée, différente, géniale.
© Photos Nicole Bertin
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