lundi 30 novembre 2015

Renée Lauribe : « plus le cours du pétrole
et les trafics d'armes baissent,
plus les attentats augmentent
en fréquence et en gravité »

Réaction de Renée Lauribe, du bureau des Radicaux de Gauche de Charente-Maritime, aux attentats du 13 novembre à Paris


Hommage aux victimes du 13 novembre (© François Huchet)
« Concernant les terroristes qui se sont faits sauter autour du stade de France car ils ont été refoulés par le service d'ordre du stade faute d'avoir un billet d'entrée, je n'y ai d'abord pas vraiment cru. Ça avait quelque chose de surréaliste : une bande de bras cassés qui veulent faire un attentat en resquillant ! On marche sur la tête ! Et puis, voyant qu'il y en avait plusieurs et qu'aucun de ceux-là n'avait réussi à pénétrer dans l'enceinte, j'ai éprouvé une sorte de soulagement. Le choc médiatique de l'attentat retransmis en direct à la télé et la panique de la foule qui aurait, elle aussi, fait des centaines de victimes supplémentaires - si leur entrée dans le stade avait été possible - m'ont glacé le sang.
Dans un premier temps, j'ai trouvé que dans notre malheur d'avoir sur notre sol, dans notre population, des assassins pareils, nous étions finalement un peu chanceux qu'ils n'aient pas complètement réussi leur coup. Puis, quand les nouvelles ont fait état de la tragédie du Bataclan, des tueries des terrasses des Xème et XIème arrondissement, un mouvement de panique m'a envahie car mon fils est étudiant à Paris et habite dans le XIème arrondissement. Et comme tous les jeunes, ça lui arrive de prendre une pizza avec des copains en fin de semaine, dans un troquet de son quartier, pour décompresser et échanger avec des amis.
 Angoisse, horreur... Je ne suis pas sûre d'avoir les mots pour d'écrire l'affolement total, brutal, irrépressible dans lequel nous étions, mon mari et moi-même, jusqu'à ce qu'enfin notre fils réponde à son téléphone. Ce soir-là, il était resté chez lui pour travailler car il avait beaucoup de "rendus" à produire pour le lundi suivant.
Au fur et à mesure que les nouvelles se précisaient, on pouvait mesurer l'étendue et la violence du massacre. Tous ces jeunes gens assassinés parce qu'ils étaient la jeunesse et la joie, parce qu'ils étaient l'avenir d'une société qui prône et qui défend comme valeurs fondamentales la liberté, l'égalité et la fraternité. On passe alors, en quelques instants, de l'incompréhension totale à la peine la plus profonde et à la révolte devant tant d'inhumanité. Comment un être humain peut-il à ce point nier l'humanité des autres avec un tel fanatisme, un tel obscurantisme ? Ces agissements sont-ils ceux d'êtres encore humains eux-mêmes ?
Bamako, Bagdad, Jérusalem, Tunis, Londres, Madrid.... ne sont que des répliques de ce séisme. Hélas prévisibles : plus le cours du pétrole et les trafics d'armes baissent, plus les attentats augmentent en fréquence et en gravité. Peut-on raisonnablement croire qu'on puisse réussir à envoyer un être sain de corps et d'esprit se faire exploser en miettes aux abords d'un stade ou d'un marché pour enrichir davantage une poignée d'hommes déjà indécemment riches ?
Alors que pour le dogme, qu'il soit idéologique, politique ou religieux, on a été capable d'envoyer des hommes combattre la tempête, la peste et le désert pour libérer le tombeau du Christ et piller l'Orient au passage !
Alors que dans le grand Reich, le pillage total de l'Europe a débuté par l'extermination totale des opposants, des fous, des juifs, des homosexuels, des tziganes... des untermenschen.
Alors qu'en Chine, la grande marche a commencé par des chaudières de train alimentées par des opposants politiques ou supposés l'être.
Alors qu'en Amérique, les natives...
Alors qu'au Cambodge les boat people...
Alors que pour accroître la prospérité ignoble de certains hommes, encore aujourd'hui, des enfants, qui n'ont pas deux chiffres à leur âge, cousent des vêtements toute la journée en Inde, portent des armes et font la guerre en Afrique, creusent des mines d'amiante en Amérique latine ou satisfont les fantasmes de certains adultes sur les trottoirs de Manille...
Tous sont des crimes contre l'humanité. Quand une société n'apprend plus à ses enfants que la haine de l'autre, la violence, l'assassinat et la certitude absolue en son dogme, elle est condamnée à la haine contre elle-même, la violence contre ses enfants, l'assassinat de ses partisans et la servitude absolue de tous ses adeptes. Les femmes et les hommes qui auront su rester libres et intègres dans cette jungle dépenseront toute leur énergie, toute leur intelligence et toutes leurs ressources pour détruire ce danger et construire une société plus juste pour leurs enfants.
Alors la France doit-elle s'attendre au pire? Oui. Alors l'Europe doit-elle s'y préparer? Oui. Alors le monde doit-il agir ? Oui. C'est possible car dans l'histoire du monde, il y a un peintre qui imprime sa main sur une grotte du Néolithique, il y a un Léonard de Vinci qui illumine son siècle, il y a un Galilée qui révolutionne la compréhension de l'univers, il y a un Schoelcher qui lutte contre l'esclavage, il y a un Pasteur qui découvre la vaccination, il y a un Gandhi qui invente la non violence...
Je suis citoyenne du monde. Je veux et je travaille, tous les jours de ma vie, pour un monde meilleur pour nos enfants. Je commence par mon jardin, ma ville et ... j'espère mon pays pour qu'ils soient plus beaux, plus justes, plus équitables, plus durables. Et nous avons besoin d'être nombreux pour contribuer, comme le petit colibri de la légende indienne à lutter contre l'incendie de la grande forêt amazonienne, et faire chacun notre part de ce grand chantier ! Non pas parce que nous sommes meilleurs, mais parce que nous n'avons pas d'alternative »...

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