mercredi 29 août 2018

Jean-Louis Frot nous a quittés : son nom restera intimement lié à l’Hermione et la ville de Rochefort

Jean-Louis Frot a tiré sa révérence à l’âge de 87 ans. Longtemps maire de Rochefort, vice-président du Conseil départemental, auteur de deux ouvrages, il a contribué à la construction de l’Hermione, frégate qu’emprunta La Fayette pour se rendre en Amérique au XVIIIe siècle. « Je suis sûr que tous mes collègues du Département en seront d’accord : l’atrium de la Maison de la Charente-Maritime à La Rochelle s’appellera désormais Atrium Jean-Louis Frot » propose le président du Conseil Départemental, Dominique Bussereau

Jean-Louis Frot aux côtés de l'un de ses frères. Catherine Frot, sa nièce, est actrice et comédienne (© Nicole Bertin)
Quelle belle personnalité ! Jean-Louis Frot, dont le nom est intimement lié à la ville de Rochefort, nous adresse un dernier salut. Humaniste, le dictionnaire biographique des Charentais ne trompe pas quand il écrit « Jean-Louis Frot, grand maire du renouveau de Rochefort ». En effet, il a apporté sa pierre à l’édifice avec générosité. Parce que Rochefort le valait bien !
Opticien dans cette ville, il en devient maire en 1977 jusqu’en 2001, insufflant à la cité un dynamisme remarquable. Il est aussi conseiller général de Rochefort-centre, élu en 1976, et conseiller régional en 2004. Bien des chantiers de rénovation du patrimoine sont déjà engagés lorsqu’il arrive à l’hôtel de ville, mais il sait les magnifier en les enrobant d’un beau slogan : « Rochefort, ville nouvelle du XVIIème siècle ».  
La ville dont on pouvait penser qu’elle se mourait, reprend de la vigueur autour de l’ouverture et de la réhabilitation de l’ancien arsenal (animation de la Corderie Royale, création du Jardin des retours, venue à Rochefort du Centre international de la mer, chantier de l’Hermione, développement des musées avec notamment celui de la maison de Pierre Loti, incitation à la production de livres historiques, création du Conservatoire du bégonia). Il est peu d’exemples aussi réussis d’une renaissance par la seule force de l’identité.

Lors d'un déplacement à l'Ile Madame

• Il y a plusieurs années, nous avions rencontré Jean-Louis Frot à l’occasion du chantier de l’Hermione. Retour ce moment : 
 
Jean Louis Frot semble avoir fait sienne cette devise : « Qui va lentement ménage sa monture ». Certes, elle pourrait s’adresser au vélo qu’il enfourche en de nombreuses occasions à la découverte des plus belles régions de France. Car notre homme est sportif mais, en la circonstance, cette phrase décrit plutôt sa façon d’agir à bon escient, en soupesant les avantages et les inconvénients.
L’élu de longue date est discret et pourtant, c’est bien grâce à lui que Rochefort, ville militaire rigoureuse, a pris sa dimension actuelle. Qui rayonne loin à la ronde. En 1993, au Louvre, la municipalité a d’ailleurs reçu le grand prix national du patrimoine maritime.
« Notre ville, fondée par Colbert au XVIIe siècle, est tout simplement histoire » souligne Jean Louis Frot qui a souhaité donner à cette cité une personnalité nouvelle, tout en respectant les riches heures de son passé. A la rénovation des immeubles, vint naturellement l’idée d’associer un bateau de renom. Car Rochefort est surtout un port, « le plus beau » disait le roi Soleil !
La perspective de faire revivre l’ancien arsenal de Rochefort, en fonctionnement de 1666 à 1926, remonte aux années 1986. Le choix était vaste et les avis divergeaient : « il est vrai que nous avons beaucoup de vieux gréements exceptionnels ». Plusieurs "pistes" furent abandonnées dont celle d’un skipper, « le Colista », qui tourna court.
Les regards se tournèrent alors vers « l’Hermione » qui transporta le jeune marquis de la Fayette à Boston, en mars 1780. En pleine Guerre d’Indépendance, il y rejoignit le général George Washington pour lui annoncer l’arrivée de renforts français.
Les choses se précisèrent. L’Hermione, un trois mât armé de 26 canons, présentait une taille acceptable « ni trop grand, ni trop petit ». Le rêve pouvait donc devenir réalité en utilisant les méthodes et pratiques du XVIIIe siècle. Une façon concrète de rejoindre dans l’encyclopédie de Diderot  et d’Alembert !
Pour conduire cette opération, l’association «Hermione La Fayette», regroupant municipalité, Centre International de la Mer et adhérents, fut portée sur les fonts baptismaux en 1990. Elle réunissait un groupe motivé où siégaient, entre autres, Bénédict Donnelly, Eric Orsenna et Raymond Labbé, conseiller technique auprès de la Direction du Patrimoine à Paris.
Afin de préparer la consultation des entreprises et reconstituer les différents plans du navire, le CRAN, Centre de Recherche pour l’Architecture et l’Industrie Nautique basé à la Rochelle, fut investi d’une mission de conseiller d’ingénierie, chargé de superviser la navigabilité, la sécurité et la voilure en tant que maître d’œuvre. « Parmi les documents qui pouvaient nous éclairer, nous disposions du journal de bord de l’Hermione, conservé aux Archives Nationales. Le bâtiment, d’un plan partiel et surtout du plan de la Concorde, identique à l’Hermione, relevé par la Royal Navy lors de sa capture et conservé au National Maritime Museum de Greenwich » précisait à l’époque Jean-Louis Frot. Cette fois-ci, loin de nous attaquer comme au temps du Blocus continental, les Anglais ont apporté leur aide ! « Déterminer le modèle que nous allions concrétiser a été le plus délicat. L’Hermione II aurait forcément un autre usage que la première version ! Nous avons opté pour une sage solution : rester fidèle à l’histoire, tout en dotant la frégate, appelée à naviguer, d’un moteur auxiliaire ».
En 1996, après appel d’offres, les travaux furent confiés à l’entreprise Asselin, spécialisée dans la restauration des monuments historiques. Installée à Thouars, elle a travaillé à la villa Medicis en Italie.
La renaissance de l’Hermione s’étala sur quatre phases. Plus qu’une "réplique", elle était un chantier spectacle qu’ont visité des milliers de personnes.

Fruit de dix-sept années de travail, elle vit désormais sa vie et parcourt les mers après un voyage inaugural aux USA en 2015. « C’est une nouvelle aventure pour la ville qui continue sa mutation à partir d’éléments historiques porteurs d’avenir. Réhabiliter ne sert à rien si cet objectif ne contribue pas à dynamiser l’économie locale et régionale » déclarait Jean-Louis Frot qui a tenu parole. Depuis, elle est devenue mythique ! Couronnant son engagement, Jean-Louis Frot a reçu la Marianne d’or de l’Association des Maires.

En 2015, le départ de l'Hermione en présence de François Hollande, président de la République
Ce passage consacré à l’Hermione n’est qu’un pan de la vie de Jean-Louis Frot qui a soutenu de nombreux projets et causes. Un esprit généreux nous quitte. Bon voyage à lui sur les mers célestes !

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