Ensemble de l'Hôpital des Pélerins. Autrefois, la RN passait sous le porche... |
Dans la région, Daniel Laurent, maire de Pons, et son équipe ont rapidement compris qu’ils vivaient au cœur d'un site exceptionnel. Une "manne" historique que résume cette phrase célèbre : « si Roi de France ne puis, Sire de Pons voudrais être » ! Aucune ville en Saintonge, pas même Saintes pourtant riche en vestiges, ne possède de telles rues moyenâgeuses et le donjon, bien que flanqué de créneaux à la Viollet-le-Duc qui n’existaient pas dans sa version d'origine, a fière allure sur son promontoire rocheux.
Hors les murs, le second pôle à découvrir est l’hôpital des Pèlerins. Soucieuse de le valoriser, la mairie a lancé des travaux en 1996 dirigés par Philippe Oudin, architecte en chef des Monuments historiques. L'ensemble, inauguré dans les années 2000 par Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la culture, est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. Les vitraux ont été réalisés par Jean-Dominique Fleury, maître-verrier à Toulouse.
Jour de liesse à Pons quand l'Hôpital des Pèlerins a été classé au Patrimoine Mondial de l'Humanité |
Henri Méjean, alors maire, et des pèlerins |
C’est Geoffroy de Pons qui fonde l’hôpital des pèlerins en 1160 « dans le but de recevoir et de réconforter les pauvres de Jésus-Christ ». Un hôpital “neuf” est créé et un porche enjambe la route. De l’autre côté, est située l’église (dont on voit encore des vestiges). Le prieur de l’hôpital doit faire l’aumône aux passants « à tous allans et venants ».
Jusqu’à la première moitié du XVIe siècle, l’établissement, dont la mission est “sociale”, est placé sous le dépendance du diocèse de Saintes et des sires de Pons. Comment est-il agencé ? « Le chœur de l’église dans lequel il y a trente ou quarante sièges pour les religieux et les paroissiens, une grande nef, le tout d’une étendue de cent cinquante pieds environ, item la grande salle pour loger les pauvres en laquelle il y a douze à quinze lits » mentionnent les archives. Un cimetière se trouve du côté du chevet de l’église ainsi qu’une chapelle charnier au nord et un logis pour le prieur et les religieux.
Durant les sanglantes guerres de religion, l’hôpital perd ses voûtes, ses toitures et l’église est détruite par un incendie. En 1718, la messe n’y est plus célébrée et les bâtiments sont en bien mauvais état. Face à la précarité, l’hôpital joue un rôle nouveau en accueillant les enfants trouvés ou orphelins. Ils y sont élevés jusqu’à l’âge de 7 ans. Du pain est servi aux plus démunis dans le vestibule de la chapelle.
Les choses changent à la fin du XVIIIe siècle avec l’arrivée de Charles de Lorraine. Le seigneur de Pons réalise des aménagements : « les anciennes constructions sont transformées en deux salles, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. L’administration est confiée à quatre sœurs grises ». En outre, le bureau de l’hôpital est composée d’un magistrat de police et de notables.
Parmi les graffiti, la fameuse main du pénitent (© Nicole Bertin) |
Au XXe siècle, la vétusté s’aggravant, le préfet demande au maire de détruire carrément le passage voûté : la route nationale et son “trafic” passent en dessous. Les voitures ont remplacé les pèlerins ! Faut-il croire au miracle, toujours est-il que cette démolition n’a jamais été effectuée. Réjouissons-nous car de nombreuses cités ont perdu des constructions magnifiques comme le pont médiéval qui enjambait la Charente à Saintes (détruit au XIX e siècle sous le regard attristé de Victor Hugo)…
Pons a pu conserver une grande partie de son patrimoine que les maires successifs ont traité de diverses façons. Avec plus ou moins de bonheur, comme ce fut le cas pour F. Pierre Delapeyronnie qui entreprit la rénovation du logis par le biais d’une société d’économie mixte. Si l’idée d’en faire des logements sociaux était louable (comme le fit Michel Baron à Saintes dans l’enceinte de l’Abbaye aux Dames), la restauration proprement dite est franchement discutable : « l’intérieur a été vidé et recloisonné. Les cheminées anciennes ont été vendues, la charpente d’origine a été remplacée, de même que les boiseries et la porte à moulures chantournées » soulignent les spécialistes. Par ailleurs, à cette époque, la mairie entrepose le matériel municipal dans la grande salle.
Déclic en découvrant le censif…
Le renouveau de l'hôpital des pèlerins est lié à une rencontre entre Daniel Laurent, maire de Pons, et Pascal Even, alors directeur des Archives de la Rochelle : « il m’a montré le censif de cet hôpital. Il en relate la vie quotidienne en 1292. A partir de ce moment-là, les choses ont été claires pour la municipalité. Le bâtiment devait être restauré car il occupait une place importante dans la cité ».
Le 12 juillet 2004, le ruban tricolore salue la renaissance de l'édifice : après des siècles de quasi abandon, il retrouve son âme, huit années ayant été nécessaires pour y parvenir. Bien sûr, tout n'a pas été simple, ne serait-ce qu'entre le maire et Philippe Oudin "chef d’orchestre de l’opération". « Nous n’avons pas toujours été d’accord, mais nous avons toujours trouvé un compromis » ! Aux côtés du talentueux architecte, les entreprises ont apporté le meilleur d’elles-mêmes.
Charpente du XIIIe siècle (© Nicole Bertin) |
Le passage voûté a été entièrement rénové avec pose de pavés. A l’extérieur, le visiteur est invité à découvrir le jardin médiéval dédié à l’anguille, poisson-symbole de Pons. Diverses variétés des plantes, aux propriétés curatives, y sont cultivées dont bardane, sauge officinale, armoise, germandrée, iris, etc. Plusieurs carrés ont été réalisés : femmes, humeurs, vulnéraires, fièvres et refroidissements. Une plaquette détaille les vertus de ces simples, utilisés au Moyen-âge pour soigner les malades.
En mettant cet ensemble hors des atteintes du temps, en le transmettant de généreuse façon, la municipalité a rempli sa mission en élaborant un "pont" entre les générations.
Depuis, les pierres racontent leur histoire aux visiteurs conviés à de nombreuses manifestations (dont la découverte des graffiti en avril prochain). Au Moyen-âge, le chemin de Saint-Jacques et la ferveur des pèlerins signifiaient « une mystique forte » dans une Europe où les hommes circulaient librement. L’hôpital des Pèlerins est une alliance entre passé et avenir, spiritualité et architecture, humanisme et tolérance, patrimoine et histoire, reconstitution et création contemporaine.
Le porche actuel a perdu un étage et les bâtiments de gauche ont disparu |
• Il manque à l'Hôpital des pèlerins la parcelle de M. Dufaud (en indivision) qui correspond à l’emplacement de l’ancienne chapelle (à gauche lorsqu'on est sous le porche). Des contacts ont été pris par la mairie, mais ils n'ont pas abouti.
• La charpente d’origine : pour éviter aux bois d’être attaqués par les insectes, ils étaient mis dans l’eau qui calcifiait les réseaux de sève. D’où leur solidité à l’épreuve du temps...
• Histoire :
Au début du XVIIIe siècle, un vestibule aménagé à l’entrée de la chapelle est utilisé pour distribuer du pain aux indigents. Le prieur, qui prend en charge quelques orphelins, fait distribuer à chaque pèlerin qui se présente une livre de pain et une chopine de vin. Dans la seconde moitié du siècle, le séjour des pèlerins semble limité à une journée, sauf en cas de maladie.
A partir du XVIe siècle, l’établissement charitable ouvre ses portes aux orphelins. Les pauvres, mendiants et errants, autrefois respectés en tant que personnifications du Christ, sont désormais accusés d’entretenir le désordre et de propager d’éventuelles épidémies.
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