lundi 29 février 2016

Compagnons et pèlerins :
Les mystérieux graffiti
de l'Hôpital Neuf de Pons

A Pons, l'Hôpital des pèlerins, classé au Patrimoine de l’Humanité par l’Unesco, accueillait autrefois les indigents et les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques de Compostelle. Exceptionnel de par sa richesse historique, ce lieu propose de nombreuses expositions et inspire les chercheurs. 
Prochain rendez-vous : Les Graffiti jacquaires et compagnonniques de l’Hôpital Neuf de Pons.


Alors qu’ils étaient tombés dans l’oubli, les pèlerinages connaissent un renouveau depuis une vingtaine d'années. Spiritualité contre matérialisme triomphant ? Les pas des nouveaux pèlerins rejoignent ceux de leurs aînés dans une même quête. Donner un sens à l'existence…
Cette volonté d'aller au delà de soi-même et de briser les chaînes qui les empêchent de marcher est une vieille histoire qui lie les hommes à leur Créateur. Au Moyen Age, on vénérait les saints et qu'importe si leurs reliques, précieusement conservées dans les églises, n'appartenaient pas forcément aux intéressés, le symbole était porteur d'espérance et de rédemption des pêchés.

A une époque où bien peu savaient lire et écrire, les graffiti fleurissaient sur les murs et les portails des édifices religieux. A Pons, l'Hôpital des pèlerins en recèle de nombreux. Le Groupe de Recherche Archéologique et Historique Tolver et l'Office de tourisme travaillent actuellement à une exposition qui sera proposée durant la saison. Les chercheurs, dont Daniel Bernardin et Philippe Moreau, ont inventorié ces signes gravés dans la pierre destinés aux compagnons ou aux pèlerins. « Dans le langage compagnonnique, le lapin est l'apprenti et le loup le compagnon, il est donc normal qu'on trouve des animaux. S'y ajoutent des figures géométriques » explique Daniel Bernardin qui entretient des relations étroites avec les Compagnons du devoir d'Angoulême. Idem avec les fers à cheval : le message diffère selon le nombre de points figurant à l'intérieur. « Nous avons réalisé 150 moulages environ. Certains graffiti vont surprendre les visiteurs ! ». 

Daniel Bernardin, président du GRAHT
 Les uns s'adressent aux croyants : pèlerins, coquilles, bourdons, crosse d’évêque, besaces, pas de pèlerins, fers à cheval, montjoies, croix ; les autres aux compagnons : cayenne (lieu de réunion), cannes de compagnons, blasons de magisters, outils, fer à cheval compagnonnique, Maître Jacques, Père Soubise, Salomon, fondateurs du compagnonnage ; enfin certains sont généraux : graffiti de la citadelle de Pons et ses remparts, navires de guerre et bateaux marchands, ancres, pendule solaire, calvaire.

Croquis de l'Hôpital des pèlerins dans les siècles passés
L'exposition mettra l'accent sur les pèlerins et leur environnement, tenues, accessoires, ampoules contenant de l'eau bénite, statuettes de l’apôtre Jacques, méreaux, médailles, attaches vestimentaires, bourdons, besace. Bref, tout un univers que le public découvrira avec plaisir.
De nos jours, les pèlerins de Saint-Jacques sont en jeans et sac à dos ! Mais le rêve demeure, celui de quitter ses oripeaux pour façonner une personnalité nouvelle. Les siècles passent, la démarche reste identique finalement…
Ne manquez pas les graffiti jacquaires et compagnonniques de l’Hôpital Neuf de Pons à partir du 2 avril.

Fer à cheval
Bateau...
Blason...
Mystérieux message...

Armoiries et symboles...
• Horaires d'ouverture : Du 2 avril au 30 juin ouvert tous les jours de 14 h à 17 h 30 sauf mardi ; du 1er juillet au 31 août ouvert tous les jours de 14 h à 18 h 30 ; du 1er septembre au 18 septembre ouvert tous les jours de 14 h à 17 h 30 sauf mardi

• Pèlerinages au Moyen Age : 

Le danger au détour du chemin !

La main du pénitent
En ces temps reculés, les routes étaient hasardeuses. Comment oublier la fameuse bande des “coquillards”, grands détrousseurs de pèlerins, à laquelle appartint ce cher François Villon ? Au XIIe siècle, un moine prévoyant,  Aimeric Picaud, avait écrit une sorte de "guide du routard" qui décrivait les régions traversées et les pièges à éviter. Mais personne n’était à l’abri d’une embuscade réglée en bonne et due forme !
Dans son livre « Pons à travers l’histoire », l'historien Pierre Senillou plantait le décor : « Quand les premières hirondelles fendent l’air, les pèlerins ne sont pas loin. Pons est une étape privilégiée sur l’un des chemins traditionnels qui, depuis Nantes et Tours, par Poitiers, Melle et Saintes, drainent les croyants d’Angleterre, de Bretagne, d’Anjou et du Poitou vers les rives de la Garonne. D’Aulnay à Ecoyeux, ils viennent passer la Charente au gué proche du prieuré de Chauveau, longent la rive droite de la Seugne et atteignent Pons par Sarmadelle et Tartifume en touchant la fontaine ».
Une chanson dit que « la Saintonge est le meilleur pays du monde » ! Les habitants y ont meilleure cote, semble-t-il, que les passeurs de Blaye et du Béarn. Trop chargées, les barques se retournent et les pauvres occupants périssent noyés (toute ressemblance avec les migrants est purement fortuite) : « Les bateleurs se réjouissent alors méchamment après s’être emparés des dépouilles des morts ». Pas très catholiques, ces gens-là !
A la même époque, Pons se trouve également sur le lieu de passage des croyants qui, venant d’Espagne, d’Aquitaine et de Gascogne, se rendent à l’abbaye St-Jean-d’Angély. Elle abrite alors les reliques de St-Jean-le-Baptiste.


Les compagnons perpétuent un savoir faire ancestral

Le marteau des Compagnons
Constituant un état dans l'Etat, François 1er s'en prend à eux en 1539 dans l'Ordonnance de Villers-Cotterêts :
« Suivant nos anciennes ordonnances et arrêts de nos cours souverains, seront abattues, interdites et défendues toutes confréries de gens de métier et artisans par tout le royaume8. [...] défense à tous compagnons et ouvriers de s'assembler en corps sous prétexte de confréries ou autrement, de cabaler entre eux pour se placer les uns les autres chez les maistres ou pour en sortir, ni d'empêcher de quelque manière que ce soit lesdits maistres de choisir eux-mêmes leurs ouvriers soit français soit étrangers ». L'église lui emboîte le pas un siècle plus tard : « en 1655, une résolution des docteurs de la faculté de Paris atteste en les condamnant l'existence dans les devoirs de pratiques rituelles non contrôlées par les autorités religieuses ».
Malgré des aléas, le compagnonnage a traversé les siècles et compte aujourd'hui : l'Association ouvrière des compagnons du devoir, la Fédération compagnonnique des métiers du Bâtiment, l'Union compagnonnique, l'Association des compagnons passant tailleurs de pierre, la Société des Compagnons selliers tapissiers maroquiniers cordonniers-bottiers du Devoir du Tour de France - Famille du cuir, la Fédération des compagnons boulangers et pâtissiers restés fidèles au Devoir, la Cayenne Itinérante et le Compagnonnage Égalitaire (compagnonnage mixte).

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