Au cœur des Caraïbes, elle croît dans la nature et est présente dans de nombreux jardins créoles. « On emploie ses feuilles pour combattre la fièvre, les douleurs et pour soulager les démangeaisons dues aux piqûres de moustique » explique Chantal, propriétaire de la Sucrerie de Nogent à Sainte-Rose. En tisane, elle favorise la digestion et le sommeil.
Rencontre avec une restauratrice amoureuse du patrimoine, incollable sur la pharmacopée caribéenne…
Chantal Clodine-Florent devant des fleurs de quisqualier d'Extrême Orient, aussi appelé "caractère des hommes" ! |
L’actuelle sucrerie de Nogent est un restaurant, mais pas seulement. Elle est aussi lieu de culture, de rencontres et d’échanges autour de l’art et la mémoire antillaise. Hommage aux ancêtres qui ont créé ce lieu et aux générations qui s’y sont succédé, chacun avec sa personnalité et ses activités ; clin d’œil au présent avec un art et une couleur de vivre. Chaleureuse et conviviale comme la caresse des Alizés !
Le soir tombé, y règne une ambiance typique entre amis, en famille, autour d’un « Planteur » et d’une spécialité (langouste, fricassée de lambis, colombo, accras, etc) dont la maîtresse des lieux a le secret. Dans la grande salle où sont dressées les tables, pas de murs fermés, mais une perspective ouverte sur la nature environnante d’où émergent des bouquets de palmiers. Le vent s'amuse à les décoiffer, provoquant un bruissement caractéristique qu’accompagnent les vagues de la plage située à proximité. Et gare à la houle qui provoque les flots !
Tandis que les bougainvilliers dédient les grappes fleuries aux convives et surtout aux "métros", comme une offrande les invitant à se détacher de leurs contingences habituelles, ils ont droit à un orchestre improvisé. Grenouilles, lézards et autres résidents choisissent le moment où l’obscurité étant son voile pour entonner un concerto. Une partition aux variantes assurées - dont des aigus - qui célèbre l’arrivée de la nuit.
La Caraïbe nous salue avec ses gerbes d’émotion et la puissance de ses terres volcaniques qui abritent la fameuse Soufrière !
La Sucrerie de Nogent (© Tourisme Guadeloupe) |
Des vestiges du passé |
Hippocrate : « la nature est le premier médecin »
Originaire de Basse Terre, Chantal a grandi en Guadeloupe dont elle partage les traditions. Son regard s’éclaire à l’évocation de ses souvenirs d’enfance.
Plus tard, elle s’installe en Guyane avant de rejoindre la Guadeloupe qu’elle retrouve avec sa famille « la veille de l’ouragan Luis ». Elle craque pour la Sucrerie de Nogent, domaine de caractère. Avec passion et détermination, elle consacre son temps à le réhabiliter, avec le soutien de la Région Guadeloupe, la Drac et de l’Union européenne. Peu à peu, le passé ressurgit pour mieux éclairer le présent. Elle y ouvre une table et des chambres d’hôtes.
Outre la gastronomie, l’un de ses centres d’intérêt est la pharmacopée guadeloupéenne. Ici, les vertus que possèdent certaines variétés se transmettent de bouche à oreille : « les plantes sont un accompagnement ». La plante "doliprane" atténue la douleur, les gousses de tamarin sont connues pour faciliter le transit et la digestion. Liste non exhaustive ! La Caraïbe abrite un "or vert ", allié des hommes depuis des lustres pour améliorer leur santé et combattre les maladies.
« Vous voulez de la "doliprane", alors suivez-moi ! » dit-elle. Une fois la surprise passée, on découvre une plante baptisée « doliprane » qui pousse, indolente, au milieu de son jardin aux côtés de la citronnelle, l’oseille, la cannelle et la rose de Cayenne. En cuisine, on peut utiliser ses feuilles fraîches ou sèches pour aromatiser les soupes, les marinades, le riz, les poissons ou les salades. On peut la mettre dans les farces. Bref, elle fait partie du décor ! On trouve aussi l’aloé vera connu pour soigner les plaies et faciliter leur cicatrisation.
Face à la déferlante chimique, on oublie trop souvent les origines de nos médicaments. « La nature est le premier médecin et ce n'est qu'en favorisant ses effets que l'on obtient quelques succès » déclarait Hippocrate, médecin grec au temps de Périclès (IVe avant JC) et philosophe. C’est d’ailleurs le serment d'Hippocrate que prêtent les jeunes médecins avant de commencer à exercer.
La plante "doliprane" |
A l’avenir, nul doute que les plantes reviendront sur le devant la scène, comme un retour nécessaire après des années de sommeil. Et pourquoi pas de nouveaux herboristes ? Fin 2018, constatant l’engouement croissant pour les plantes médicinales, une mission du Sénat a réfléchi à la filière et à la promotion de ce métier oublié. Les propositions du rapport parlementaire constituent la première étape d’un processus qui pourrait aboutir à une proposition de loi…
• A lire : La pharmacopée végétale caribéenne
La pharmacopée végétale caribéenne est le résultat d’un travail collectif et pluridisciplinaire qui a réuni de nombreux intervenants dans le cadre du programme TRAMIL, programme de recherche appliqué sur les pratiques médicinales populaires dans l’espace caraïbe. Cet ouvrage est le fruit plusieurs dizaines d’enquêtes ethnopharmacologiques, réalisée selon une méthodologie quantitative dans les régions côtières d’une quinzaine de pays allant du Golfe du Mexique à la Guyane, dont les résultats furent discutés et validés lors des dix séminaires qui ont ponctué le déroulement du programme depuis une quinzaine d’années. Ces séminaires ont permis de dégager une sélection limitée d’espèces médicinales répondant à un certain nombre de critères d’efficacité et de sécurité. Ces plantes sont réunies dans la pharmacopée végétale caribéenne sous forme de monographies d’usage, faisant également le point sur la connaissance scientifique des espèces et exposant les recommandations du groupe d’experts TRAMIL quant à l’emploi et aux contre-indications de ces mêmes espèces.
Sont également présentées sous forme de monographies les quelques espèces (Argemone mexicana L., Papavéracées, Jatropha curcas L., Euphorbiacées, Jatropha gossypiifolia L., Euphorbiacées) dont le groupe TRAMIL a décidé qu’il convenait de décourager l’usage traditionnel en raison de leur toxicité éventuelle. Outre les monographies, l’ouvrage présente notamment la méthodologie des enquêtes ethnopharmacologiques, le principe de classification et les recommandations liées aux usages traditionnels, un index par noms scientifiques et vernaculaires, un index des problèmes de santé mentionnés, ainsi qu’une liste des participants et des principaux appuis institutionnels et scientifiques au programme.
• Important : chaque plante possède des principes actifs et certains peuvent être toxiques. Le dosage est à respecter scrupuleusement. Une double dose ne guérit pas deux fois plus vite, le remède peut devenir poison !
De nombreuses plantes ne conviennent pas aux femmes enceintes ou allaitant ainsi qu'aux nourissons. Avant d'utiliser des plantes pour se soigner, il est important d'avoir identifié avec certitude la plante et consulté un spécialiste. Pour des informations précises sur les plantes et leur dosage, quelques livres sont très intéressants comme Pharmacopée végétale caribéeenne TRAMIL, la Phytothérapie Créole de J.-L. Longuefosse ou Rimèd Razié en créole (Tramil, Archipel des Sciences).
Les grands palmiers |
Coucher de soleil dans les Caraïbes (© Nicole Bertin) |
La plante "doliprane" a des propriétés médicinales. En infusion, elle a des vertus similaires à celles du paracétamol (migraines, douleurs dentaires, grippe, fièvre). Elle est également diurétique et contribue à la bonne santé des fonctions rénales.
• Avant que l'aspirine ne devienne un médicament connu, l'homme utilisait déjà les propriétés des espèces végétales pour soigner ses maux. Ainsi, à l'origine de l'aspirine, se retrouvent deux plantes : le saule blanc et la reine-des-prés.
Dès le Moyen-Age, les fleurs de la reine-des-prés étaient utilisées pour lutter contre la fièvre et les rhumatismes. En 1835, dix ans après la découverte de la salicine, un chimiste suisse, Karl Jacob Löwig, isole son principe actif, l'acide salicylique appelé acide spirique.
• Le saule blanc : un arbre aux vertus curatives
Dans l’Antiquité, les Grecs utilisaient des décoctions de feuilles de saule. Le célèbre Hippocrate (IVe siècle avant J.C) s’en servait pour lutter contre la douleur et la fièvre. En 1825, un pharmacien italien, Francesco Fontana, parvient à isoler le principe actif du saule blanc, la salicine. Trois ans plus tard, après réduction, Pierre-Joseph Leroux réussit à obtenir des cristaux blancs solubles dans l'eau appelés salicyline.
Il faudra attendre 1897 pour que de l'acide acétylsalicylique presque pur soit obtenu par Félix Hoffman, chimiste allemand : l'aspirine est née. La société Bayer dépose le brevet en 1899 sous la dénomination "Aspirin".
Les principes actifs de l’aspirine proviennent donc de la flore commune de la reine-des-près et du saule blanc.
Si vous venez en Guadeloupe, n'hésitez pas à découvrir la Sucrerie de Nogent à Sainte-Rose 05 90 21 55 01 - mail lasucriedenogent@orange.fr |
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