L’université de La Rochelle
prévoit, dès la rentrée prochaine, un
« changement de cap » : une
nouvelle offre de formation en raison de la situation financière
de l’université et afin de préserver sa place à l’échelle
régionale. Ce projet
d’établissement comporte
un démantèlement de la Faculté de droit, de science politique et de gestion, des autres unités de formation et de recherche (UFR). S'y ajoute désormais la Faculté de lettres.
Les perspectives qu'envisage la direction inquiètent vivement enseignants et étudiants, d'où la création d'un Collectif Rochelais contre la dégradation de l'enseignement universitaire.
Communiqué du collectif :
Le 24 octobre dernier, sous l'impulsion des étudiants de deuxième année de la faculté de Droit, le groupe « Collectif Rochelais contre la Dégradation de l'Enseignement Universitaire » a été créé. Comprenant aujourd'hui plus de 1000 membres, il s'accompagne d'une pétition en ligne ayant récolté à cette heure 932 signatures et regroupe désormais des étudiants issus de tous les pôles de l'Université, particulièrement en provenance des départements de Sciences Humaines et Sociales (Faculté de Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines, et Faculté de Droit, Science Politique et de Gestion). Il est strictement apolitique et dénué de tout lien avec les organisations syndicales.
Encadré par des référents de promotion, élus par un scrutin sur Facebook, ce collectif mène des actions de protestation votées dans le cadre d'Assemblées Générales tenues en amphithéâtre.
L'objectif du Collectif est simple : obtenir un report du vote du projet d'établissement à une date ultérieure, actuellement indéterminée, afin de laisser le temps approprié à des négociations concrètes et sincères.
En premier lieu, nous nous inquiétons du recours massif au principe d'autonomie, au vu du projet de réduction drastique des heures de cours en présentiel dispensées en Licence. Comment les étudiants de premier cycle peuvent-ils travailler en autonomie, alors que c'est la nature même de ces trois premières années que de leur inculquer les fondamentaux dans leurs disciplines respectives ?
Cette suppression des cours magistraux, à hauteur de 200 à 500 heures en fonction des choix de majeure/mineure des étudiants, nous semble dangereuse : elle prive les étudiants d'un accès à ces connaissances qui représentent le socle des compétences nécessaires à leurs carrières futures. Il nous semble dès lors inopportun de recourir à cette autonomie sans un enseignement solide au préalable et ce, au nom de restrictions budgétaires non-assumées face aux étudiants.
Il nous apparaît que ce nouveau système formera des techniciens dans chaque discipline et non de futurs experts aptes à une réflexion et un raisonnement aboutis dans leur champ de prédilection, en raison de l'amputation considérable programmée pour leurs cursus. L'Université doit permettre de former de futurs cadres et professions intellectuelles supérieures : c'est là son essence, ce que le projet ne semble pas suffisamment prendre en compte à nos yeux. De ce point de vue, qualifier les professeurs de « coach » nous évoque davantage la sphère privée que publique. Et l'Université n'est pas, selon nous, une entreprise.
Par voie de conséquence, nous nous inquiétons de l’excessive logique professionnalisante de la Licence concernant les SHS. Le projet porté par l'équipe présidentielle vise à une « professionnalisation à la fin du premier cycle ». Cet objectif, louable pour certains, est cependant loin d'être représentatif des attentes des étudiants en Sciences Humaines, qui pour la grande majorité d'entre eux se destine in fine aux concours : CAPES, ENM, école d'avocats, fonction publique...
Nous trouvons illégitime d'imposer un cadre uniforme aux différents pôles de l'université de La Rochelle alors que chacun d'eux jouit de particularités spécifiques et qui ne sont pas toujours compatibles avec les autres.
De plus, nous soutenons qu'une professionnalisation exagérée de la Licence en SHS mènerait à une dévalorisation du diplôme obtenu. Si celui-ci demeurera un diplôme national, il sera vidé d'une partie de sa substance, pénalisera l'étudiant candidat à un Master ou à un concours national, du fait de réduction d'heures, voire la suppression de certaines matières.
Nous souhaitons la conservation d'une université de proximité, à taille humaine, et ouverte à tous, respectueuse de l'héritage de Michel Crépeau et de la notion de service public de l'enseignement supérieur à l'échelle locale. C'est dans cet esprit que de nombreux étudiants ont, depuis bientôt 25 ans, obtenus leurs diplômes et un emploi. Nous rappelons une évidence : toutes les familles ne disposent pas des ressources suffisantes pour financer un cursus dans une ville autre que celle dans laquelle elles résident.
Dès lors, la spécialisation de l'université autour de trois thématiques (environnement littoral biodiversité, énergie et bâti durable, transformation numérique), à laquelle nous ne sommes pas opposés sur le fond, se doit de ne pas laisser pour autant de côté de larges pans d'études actuellement dispensées Il nous semble que le quatrième axe proposé, « cultures sociétés organisations » s'apparente pour le moment à une coquille vide.
Nous demandons ainsi un maintien de la qualité de nos formations, et non leur détérioration. Cela passe nécessairement par une meilleure prise en compte des SHS dans le projet d'établissement, et l'assurance que celles-ci seront soutenues financièrement au même titre que les trois thématiques privilégiées, quand bien même les enseignements ou projets n'entreraient pas dans le cadre du nouvel Institut « Littoral urbain durable intelligent ».
Au vu des disparités profondes entre chaque pôle (Sciences, FLLASH, Droit & Gestion), nous demandons que chacun d'entre eux puisse s'exprimer indépendamment des autres sur le projet d'établissement, le « collegium » des licences et, de manière rétroactive, sur la question de l'autonomie.
Enfin, nous nous inscrivons en faux contre les accusations de manipulation à notre encontre de la part du corps enseignant. Ces allégations sont comprises par l'ensemble des membres du Collectif comme la négation de toutes leurs facultés de libre-arbitre et de réflexion. Dès lors, si les étudiants sont considérés comme incapables de réfléchir par eux-mêmes, le recours à l'autonomie se trouve vidé de tout son sens.
Le Collectif, pleinement conscient des enjeux ici exposés, est plus que favorable à l'idée d'une rencontre avec l'équipe présidentielle, non pour la présentation d'un projet qu'elle connaît déjà, mais dans l'optique d'une négociation constructive.
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