samedi 18 février 2017

Saintes : Coup de chauffe au conseil municipal et interruption de séance

Vendredi, avait lieu le vote du budget primitif de la ville de Saintes dont les orientations avaient été présentées lors d'une réunion publique à la cité entrepreneuriale. Jean-Philippe Machon pressentait-il que la soirée allait-il être animée ? Toujours est-il qu'en début de séance, il rappela que « le conseil n'était pas un cirque. Je vous demande de contrôler vos comportements et ce que vous dites. Que cette séance se déroule dans la dignité et le respect des participants ». Manifestement, il n'a pas été entendu... 

L'opposition a voté contre le budget 2017
Comme dans les pièces classiques, il faut une unité de lieu, la mairie ; une unité de temps, vendredi à partir de 18 h, et une unité d'action. Sur ce chapitre, elle n'a pas manqué ! Si les échanges habituels entre majorité et opposition ont monopolisé les débats lors de l'examen du budget, c'est une tout autre question qui a semé la discorde. Comme dans les successions où les héritiers ne se battent pas pour le bâti, mais pour des petites cuillers ! Déjà, la vidéo-protection, appelée vidéo-surveillance par François Elhinger, élu de l'opposition, avait montré les prémices d'une mer agitée. Ce dernier voyait en cette installation une sorte de flicage ; la majorité une manière de protéger les habitants au cas où se poserait un problème. Sur ce dossier, le mot de la fin revint au maire, le gouvernement Hollande étant favorable à ces dispositifs en les subventionnant...

Le public, toujours nombreux
François Elhinger au maire « vous faites du blocage !  »

C'est un sujet communautaire qui met le feu aux poudres. Depuis l'éviction de Jean-Philippe Machon de la présidence de la CDA, le contexte est sensible. La question concerne le transfert de la compétence des documents d'urbanisme à la CDA dès le 27 mars prochain dans le cadre de la Loi ALUR.
Explication du maire : « La mesure phare de cette loi est le transfert des documents d'urbanisme, dont les PLU - plans locaux d'urbanisme - aux intercommunalités. Elle s'opèrera en trois ans sauf si un quart des communes représentant 20% de la population s'y oppose, soit 9 communes et une population cumulée de 12.200 habitants. La ville de Saintes joue un rôle important dans la décision ». Jean-Philippe Machon y est opposé pour une raison simple : les frontières de la CDA ne sont pas clairement définies puisque l'adhésion de la CDC de Gémozac reste en suspens. Face à la situation actuelle, il propose de "retarder" le principe. Et d'ajouter un argument de taille : « cette démarche va coûter 100.000 euros. Compte-tenu des économies que la ville a engagées, ce n'est pas le moment. D'autres communes sont dans le même état d'esprit que Saintes et il convient d'être prudent. Tout est flou. A titre d'exemple, le Préfet a émis des réserves sur le SCOT, schéma de cohérence territoriale, de la Saintonge Romane ». 

Les explications du maire Jean Philippe Machon
Voilà qui provoque les foudres de l'opposition en la personne de François Elhinger : « le PLUI, Plan Local d'urbanisme Intercommunal, ce sont les infrastructures, les paysages, l'environnement, les ordures ménagères, l'écologie, le développement durable étudiés à l'échelle intercommunale et non plus communale. Si vous refusez ce transfert, Saintes ne pourra y revenir qu'en 2020. Vous faites un blocage ! Par ailleurs, la loi ALUR a déjà trois ans et vous attendez la dernière minute pour vous prononcer sur ce sujet essentiel pour le bassin de vie. Nous ne pouvons pas voter à la sauvette. On aurait du en débattre car cela dépasse les clivages gauche/droite et les limites "bornées" ! Toutes les autres collectivités élaborent leurs PLUI, Cognac, Rochefort, Royan. Pas nous ! ». Et de demander un vote à bulletins secrets... supposant que des élus de la majorité peuvent penser comme lui.

Stupéfaction du maire qui ne s'attend pas à cette levée de bouclier. « Vous devriez vous adresser au président de la CDA, Jean-Claude Classique. Je suis d'accord avec vous sur le fond, il faut un PLUI. Mais actuellement, ce n'est pas opportun pour Saintes pour les raisons que j'ai énoncées ». 
François Elhinger revient à l'assaut car il soupçonne le maire de vouloir entraver la bonne marche de la CDA : « si la ville référence se retire du PLUI, vous êtes en train de couler le système. Chaque commune pourra continuer à mettre ici une piscine, là une éolienne, sans concertation avec le territoire. Vous faites perdre du temps à Saintes et à la CDA car ce transfert de compétence ne redeviendra possible qu'à la veille des futures municipales ». Pour Nelly Veillet, maire adjoint, Jean-Claude Classique, président de la CDA depuis un an, aurait pu inscrire l'étude rapidement : « il y a seulement un mois qu'il en parle. Cette perspective demande une concertation de tous les élus de la CDA ». Laurence Henry rétorque qu'à la CDA « se tiennent des réunions techniques où l'on parle de projets. M. le Maire, vous en avez été président, c'était à vous de lancer la démarche. Vous auriez pu contribuer à élaborer un PLUI cohérent ». 

Les élus de la majorité
Suspension de séance 

Le ton monte de 50 degrés quand Philippe Callaud veut intervenir. Jean-Philippe Machon ne donne pas suite à sa requête, estimant que le sujet a été abondamment discuté. « Pour un vote à bulletins secrets, il faut que 11 élus y soient favorables ». La gauche ne les réunissant pas (même en comptant Mmes Groleau et Lauribe Benchimol, absentes), il aura lieu à main levée. « Vous nous faites taire ?» s'exclame François Elhinger, furieux. Jean-Philippe Machon  répond que chacun s'est exprimé. Il se dit favorable à la formation d'une grande Saintonge : « je me battrai pour y arriver ». 

Le brouhaha s'amplifiant, le maire demande alors une suspension de séance pour dix minutes. L'annonce tombe comme un couperet. Dans les rangs de l'opposition, on est sous le choc : comment faire comprendre à Jean-Philippe Machon que l'avenir de Saintes s'insère dans une réflexion communautaire ? "Remercié" par la CDA, serait-il en train de régler des comptes ? Ayant quelques "atouts", il les utiliserait. Pendant cette brève "récréation", chacun campe sur ses positions.
Bref, quand la séance reprend, le ton s'est apaisé. Le vote se déroule "normalement" et suivent d'autres questions (éclairage public, restauration des immeubles dans le périmètre sauvegardé), votées sans difficulté.

François Elhinger (à droite de la photo) favorable au transfert de la compétence des documents d'urbanisme à la CDA
L'opposition réalise qu'il est difficile de faire entendre sa voix quand on est minoritaire. Si le "cirque" a pu être évité, ce conflit a démontré combien les divergences sont nombreuses entre la gauche et la droite et surtout combien les cicatrices laissées par les différends opposant le maire de Saintes et la CDA sont encore palpables. Stratège, Jean-Philippe Machon veut garder la main sur la ville centre. Notons au passage que ni Frédéric Neveu, en pleine élection législative, ni Bruno Drapron, deux adjoints au maire, n'ont cherché à entrer publiquement dans la mêlée. C'est sans doute un signe...

Frais généraux
Dans les charges de gestion courante
• Philippe Callaud a trouvé que la présentation du budget, faite par Frédéric Neveu, maire adjoint aux finances, « était trop statique, pas assez dynamique ». L'opposition a voté contre.

• La CDA de Saintes, contrairement à celle de Haute-Saintonge, n'est pas pionnière en grands projets (le centre des congrès qui se construit actuellement à Jonzac devrait se trouver à Saintes !). Jean-Philippe Machon semble vouloir avancer le manque d'ambition de cette collectivité pour justifier sa "méfiance" face à la gouvernance actuelle de la CDA.

On reconnait Serge Maupouet, Brigitte Favreau, Laurence Henry et François Elhinger
Saintes est-elle une patate ?

Laurence Henry, élue de l'opposition, a repris les paroles de Gérard Desrente, prononcées lors de la réunion de la CDA qui s'était tenue la veille. Le maire adjoint de Jean-Philippe Machon avait comparé Saintes à une "patate", les communes environnantes à des "doryphores" qui se nourrissent sur le tubercule. Et de critiquer cette comparaison : « les communes rurales ne sont pas des parasites » dit-elle.
L'intéressé maintient ses propos : « Saintes est la ville centre, elle est utile aux communes périphériques qui ne sont que des communes dortoirs. Donc, il faut que Saintes se porte bien et soit attractive pour attirer la population du bassin de vie »...
Dire que tout le monde ait apprécié le tandem "patate-doryphore" serait un grand mot, mais il a retenu l'attention. C'était sans doute le but recherché !

Aucun commentaire: