mercredi 22 juin 2016

Ne tombons pas dans le piège tendu
à la droite sur la Loi Travail

Tribune de Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime, publiée sur le site internet du Huffington Post
 

Fin de règne...

« Depuis début mai, le pays est bloqué par une minorité, ce à quoi le gouvernement répond avec mollesse tout en assurant une distribution générale de cadeaux non financés: garantie jeune, demi-baisse de dotations pour les communes, hausse du revenu pour les enseignants et des fonctionnaires...

Nuit Debout puis la CGT ont dénoncé tour à tour le projet de Loi Travail, dont nombre de manifestants ignorent sans doute le contenu, et qu'importe si le texte est désormais vidé de son contenu, il faut brandir des pancartes et scander des slogans, tandis que d'autres se sont agrégés aux manifestations par opportunisme: la RATP, la SNCF et Air France par exemple, non concernés par les dispositions du texte gouvernemental, ont néanmoins sanctionné leurs clients pour des raisons plus idéologiques qu'objectivement fondées.
Par définition, la minorité qui bloque le pays est loin de représenter la majorité des français. On peut bien entendu avoir des convictions et les défendre, les principes de la liberté d'expression et du droit de manifestation sont la base de notre République et de notre fonctionnement démocratique. Ils ne doivent être ni contestés, ni remis en question. Cependant, dès lors qu'il y a des conséquences qui dépassent le raisonnable, ce n'est plus une grève, mais du sabotage. De surcroît, ne pas avoir su anticiper et maîtriser les violences perpétrées en marge des cortèges est une faute lourde, d'autant plus en état d'urgence.

Alors que le gouvernement socialiste a déjà lâché beaucoup trop de leste aux manifestants, notamment dans le secteur des transports, certains syndicalistes s'obstinent injustement, et ce d'autant plus que nombre d'entre eux bénéficient de régimes spéciaux et autres contrats de travail déjà très généreux. Étrangement, on entend peu les travailleurs précaires, les cadres et les entrepreneurs. Les manifestants s'attaquent à présent au bon déroulement de l'Euro de football, et à plus long terme cela pourrait avoir des conséquences sur les candidatures successives de la France pour les Jeux Olympiques de 2024 et l'Exposition universelle de 2025.
Sans compter que poursuivre un mouvement de grève des transports durant les inondations était à la fois irresponsable et l'antithèse de la solidarité.
Face à cette situation ubuesque qui pourrait prêter à sourire si notre pays ne comptait pas 6 millions de chômeurs ou assimilés, une crise sociale et économique latente -bien que nous connaissons désormais le célèbre refrain "ça va mieux", hymne à l'auto-persuasion-, si nous n'accueillions pas des événements populaires à l'échelle européenne et si notre pays n'était pas conduit par un exécutif en faillite en termes de crédibilité et d'autorité: ne nous résignons pas! La France est réformable à condition de respecter le contrat conclu lors de l'élection présidentielle et des élections législatives. François Hollande n'a pas reçu mandat pour la loi travail.

Après avoir été imposé à l'Assemblée nationale par le gouvernement en utilisant le 49-3 (article de la Constitution), l'exécutif ne peut réitérer devant la Haute Assemblée. Cependant attention à la tentation de transformer un texte vidé de son contenu en pré-programme libéral de la droite et du centre. Le Parti socialiste a déjà brandi l'argument des "régressions de la droite sénatoriale", rien que ça. Néanmoins le choix de la majorité sénatoriale a été de discuter ce texte afin de s'inscrire dans une démarche constructive et réformiste, et non pas en adoptant une attitude d'opposition politicienne. Les dispositifs qui ont été proposés par les rapporteurs et la majorité sénatoriale visent en premier lieu à libérer le travail en luttant contre le chômage et non contre les salariés. Nous ne désignons pas non plus les entreprises et les "patrons" comme de vulgaires choses: c'est le poumon économique de notre pays !

Cependant, je n'ai volontairement pas déposé d'amendement et j'ai uniquement cosigné certains du groupe Les Républicains et de mes collègues s'inscrivant dans cette démarche. L'équation est effectivement compliquée: reprendre le texte de l'Assemblée nationale, c'est envoyer le message qu'il n'y a aucune différence entre la droite et la gauche; rédiger un texte trop libéral serait à l'inverse un piège en vue des échéances nationales qui se profilent. L'exécutif brandirait alors la pancarte "attention, la droite revient".
Nous avons bon espoir que certaines mesures proposées au Sénat soient intégrées au texte final, comme la participation ou le forfait jours pour les PME qui font plutôt consensus. D'autres mesures comme les seuils sociaux ou encore l'apprentissage -totalement absent de la version initiale du projet de loi- peuvent également passer.

En 2017 il nous faudra y revenir si nous emportons l'élection présidentielle et les élections législatives, mais nous aurons le mandat pour, et les explications auront été fournies avant l'élection, et validées par les scrutins. Il nous faudra alors simplifier le Code du travail et passer de 4000 pages à 150 comme le propose Bruno Le Maire. Plus qu'un symbole, c'est une nécessité pour gagner en compétitivité et en flexibilité, tout comme le relèvement des seuils sociaux: on ne compte plus le nombre de PME qui sont bridées de force à 49 salariés afin de se prémunir contre les obligations afférentes au-delà du nombre fatidique. Il faut également adapter notre droit social à l'évolution du marché du travail et la proposition de "e-contrat" est l'une des pistes qu'il nous faudra discuter: l'économie participative permet aujourd'hui de travailler quelques heures ou quelques semaines.
Enfin concernant les 35 heures, il faut avoir la sagesse de confier aux entreprises la négociation sur la durée du travail: imposer à une entreprise de faire travailler un salarié 39h payées 39h pourrait avoir un effet désastreux car nombre de structures ne pourraient pas suivre financièrement cette augmentation du travail et par conséquent du salaire ».

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les « patrons » : il faut distinguer ceux du CAC souvent de passage , juste le temps d'appliquer un « plan social » , de percevoir quelques millions, et deux ans après la sale besogne d 'empocher un très confortable « parachute doré », du petit entrepreneur et de l'artisan qui se battent au quotidien en compagnie de leurs salariés pour survivre.
Les patrons , « de vulgaires choses » ?
Non, évidemment...Mais les salariés ne sont pas non plus de « vulgaires choses » taillables et corvéables .  Ils créent la richesse par leur travail, leurs compétences, et ne méritent pas de travailler « de temps en temps », pour le moins cher possible , comme vous avez l'habitude de vouloir l'imposer dès à présent et dans votre futur« code du travail simplifié » !!!
Comment nos jeunes peuvent-ils bâtir un avenir avec votre système de précarisation organisé ?
Comment notre économie peut-elle fonctionner avec votre système ?
Les salariés français ont l'une des meilleures productivités au monde !!! L'ignorez-vous, Madame la sénatrice très bien payée ?
Que comptez-vous faire Madame la sénatrice contre le scandaleux « dumping social » européen, et contre les licenciements boursiers qui jettent à la rue des milliers de salariés alors que leur entreprise gagne beaucoup d'argent ? Que comptez-vous faire contre l'évasion fiscale organisée par certains « patrons » et qui ruine notre pays ?
Que comptez-vous faire contre la fuite des cerveaux ,ces jeunes hyper-diplômés très mal payés, souvent sans emploi en France, ou avec des CDD à rallonge ?
La recherche n'est-elle pas l'avenir technique et industriel de notre pays ?
Quelles sont vos réponses ?