Vous seuls pouviez le faire.
Pourquoi vous seuls ?
D’abord, parce que l’Union européenne n’a jamais été à votre goût, ni avant 1973, date de votre adhésion réticente, ni après. Vous vous tenez toujours sur la réserve, c’est votre style, votre place, votre talent. Surtout, ne changez pas ! Vous êtes toujours « à côté », c’est là qu’on vous attend.
Ensuite, parce que vous avez un sens inégalable du faux semblant, du coup diplomatique à quadruple fond, ce que nous appelons aimablement « l’entourloupette ». Ce n’est pas une critique, c’est un compliment.
Enfin, pour oser faire ce coup de Trafalgar aux Américains, il n’y avait que vous.
Oui, bravo les British ! Bravo Monsieur Cameron ! Bravo le parti conservateur ! Et, surtout, bravo Her Majesty the Queen ! Le coup du Brexit, chapeau ! Il fallait oser l’imaginer, d’abord, savoir le mettre en scène, ensuite. De la très grande politique. Cela est digne de Sa Majesté et de sa lignée d’ancêtres.
Il faut la comprendre : Mamie Elisabeth en avait un peu assez, depuis deux-cent quarante ans, d’apparaître constamment à la remorque de son ancienne colonie américaine. Elle trouvait même très agaçant que son royaume soit regardé – de travers – comme le cinquante-deuxième état des Etats-Unis, le sous-marin américain en Europe, la succursale de Wall Street, le vassal de l’oncle Sam, le supplétif de l’OTAN... Il fallait en finir un jour. Ce jour de gloire est arrivé. Gloire à vous, Majesté !
Grand garçon, Cameron, plutôt doué dans son genre, mais il n’a pas joué seul un coup pareil. Son parti a fomenté habilement l’opération, la reine l’a avalisée, puis Cameron a fait son numéro de clown sur la scène médiatique. Du grand art. Bien vue l’astuce du référendum ! « Attention, Mesdames et Messieurs, ça va commencer, c’est le peuple qui va parler… » Sous-entendu, le méchant idiot, ce sera lui. Quant au sympathique Nigel Farage, il a joué jusqu’au bout son rôle d’auguste, laissant croire que c’était lui qui remportait l’élection… Du grand art, vous dis-je. Ils sont forts ces Anglais.
Résultat : nous assistons en Europe à la chute du deuxième mur. Lequel ? Ce n’est pas seulement « la chute du mur de Bruxelles », comme l’a joliment dit Dupont-Aignan. Ce qui se lézarde et va tomber sous nos yeux comme un vulgaire World Trade Center, c’est la domination américaine en Europe. L’usine à gaz baptisée « Union européenne » n’avait rien d’européen (à part la soumission) ; elle n’était qu’un système de contrôle américain jeté sur l’économie et la politique européennes, avec comme premiers serviteurs l’inconditionnelle Angleterre et l’Allemagne aux ordres façon Merkel. L’Angleterre n’a pas seulement donné le signal de la débandade, mais aussi, et surtout, celui du renversement d’alliance. Her Majesty the Queen vient de loin. Elle voit loin. Elle seule pouvait donner un tel signal. Bravo les Anglais !
Londres l’a décidé : le dollar ne sera plus la monnaie-clé de l’économie mondiale. Le Brexit n’aura été qu’un tour de passe-passe pour amuser la galerie et amener à cette constatation finale. Tout va s’émietter et s’évanouir très vite : l’Union européenne à la sauce américaine, l’OTAN, le TAFTA… De la même façon qu’en 1989, les Russes ébahis ont vu s’effondrer un mur loin de chez eux, à Berlin, sans se douter que l’Union soviétique elle-même allait en faire les frais deux ans plus tard, les Américains voient, en 2016, leur construction hasardeuse s’effondrer en Europe…
Bonne chance pour la suite !
Jacques Perrot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire