mercredi 30 mai 2018

Saint-Georges Antignac, Lussac, Saint-Grégoire d’Ardennes : Didier Lallement, préfet de Région, chez des agriculteurs sinistrés après le violent orage de grêle de samedi dernier

Les signes du changement climatique ?

Dans la vigne sinistrée de M. Lhériteau, le Préfet de Région aux côtés du maire de Saint-Grégoire d'Ardennes, Raymond Tessonneau

Mardi après-midi, Didier Lallement, préfet de la Région Nouvelle-Aquitaine, accompagné de Fabrice Rigoulet-Roze, préfet de Charente-Maritime, Elise Dabouis, sous-préfet de Jonzac, des élus, des représentants de la FDSEA, de la Chambre d’Agriculture, du BNIC, de la MSA et l’UGVC sont allés à la rencontre d’agriculteurs sinistrés de Haute-Saintonge. Sur une zone déterminée (environs de Jonzac et Pons), les dégâts sont considérables tant dans les vignes que les champs de céréales, le maïs ou les parcelles de noyers…

Pour l’instant, on ignore à combien s'élèvera le préjudice des pertes provoquées par le violent orage de grêle qui s’est abattu sur des communes de Haute-Saintonge samedi après-midi. Une somme importante, à n’en pas douter, devant l’état des vignobles et des cultures, colzas et céréales. 
Les agriculteurs concernés par ces intempéries sont sous le choc. En un quart d’heure, des viticulteurs ont vu le fruit de leur travail anéanti. Une récole est une succession d’étapes précises. Tailler, tirer les bois, attacher, relever : toutes ces opérations permettent d’obtenir des raisins dorés qui seront vendangés à l’automne. Lesquels entreront dans la composition du cognac, le fleuron du terroir. Les grêlons, de la grosseur d'un œuf de caille, ont "massacré" les grappes en formation. Pour les éleveurs, c’est l’herbe qu’on va donner aux animaux. Si elle est couchée dans les prés, quelle sera sa qualité ? Il en est de même pour les blés et les orges : quels rendements espérer s’ils ont souffert ?
Toutes ces questions ont été abordées lors de la venue du Préfet de Région. Dans la matinée, il s’était rendu dans des exploitations viticoles de Gironde (Chateau Maucamps, Tour des Gardes, Siffle-Merle et Tutiac).
A droite, M. Lhériteau, viticulteur, est sous le choc
Comment vont se développer ces raisins ?
La première étape était à Saint-Grégoire d’Ardennes chez M. Lhériteau. Face à son vignoble dévasté, la récolte 2018 est compromise, celle de 2019 également : « on sait ce que l’on perd et ce que l’on va perdre » dit-il avec tristesse. D’où des inquiétudes bien légitimes. Après le gel, le vase déborde d’autant qu’en 2014, un épisode du même type avait endommagé ses parcelles. 

Le Préfet de Région acquiesce. Des interrogations se posent, en effet, quant au nombre croissant des caprices de la météo. Il remarque que la trajectoire de la grêle n’a pas emprunté le sillon habituel. Elle a manifestement pris un axe Sud-Ouest pour remonter vers le Nord-Est. Faut-il y voir les signes du réchauffement climatique ou d’un changement tout court ? Tout au long de son histoire, la Terre a vécu de profondes transformations et ses températures ont souvent varié, entraînant parfois drames et disettes (Petit âge glaciaire du XVIIe siècle en particulier). Que de nouveaux événements apparaissent n’aurait rien d’étonnant, sauf que les populations n’y sont pas préparées…

Des agriculteurs dont les cultures ont été touchées par la grêle
Situation critique en Haute-Saintonge
« Sur 30 hectares, c’est zéro récolte »

Dans le vignoble bordelais, près 7000 hectares ont été touchés par la grêle, 10.000 en Charente et Charente-Maritime (sur 70.000). Les indemnisations dépendent des contrats souscrits auprès des assurances (le rapport à l’hectare de vigne est estimé à 10.000 euros, moins la franchise de 10%). L’Etat, quant à lui, intervient par des exonérations sur le foncier non bâti, le chômage partiel. La MSA et les banques sont également invitées à faire preuve de compréhension face aux personnes en difficulté. Les maires vont déclencher l'état de catastrophe naturelle et le fond de calamité agricole sera demandé par l'ensemble des acteurs. Il n’en reste pas moins que si les assurances sont indispensables à la survie de l’exploitation, on ignore leurs implications et tarifs à venir en cas de multiplication des phénomènes. 

A Saint-Georges Antignac, chez Thomas Robin, la vigne n’a plus aucune feuille. Bilan, il prendra la pré-tailleuse pour remettre les pieds à leur point de départ : « sur 30 ha, c’est zéro récolte ; sur 10 ha, c’est raisiné, on va tenter ». Installé depuis huit ans, il est choqué d’autant que ses champs sont logés à la même enseigne : le blé n’a pas résisté... 

Plus aucune feuille dans cette vigne...

Le champ de blé de Thomas Robin massacré par les grêlons
A Lussac (commune de 60 habitants), chez Pascal Chaignier, 52 ha de vignes sur 64 sont détruits ; les jeunes plants, dans leurs pochons, ont été abîmés et les parcelles plantées en noyers sont dévastées. Face à l’adversité, il se veut positif « malgré l’abondance de la paperasserie qui fait perdre du temps et l’arrivée de contrôleurs qui nous parlent sèchement comme si on était des délinquants ». Il s’est toujours montré actif en investissant dans du matériel de production. 
Arme à double tranchant. Les achats endettent les jeunes agriculteurs sur le long terme qui peuvent alors être asphyxiés par les organismes bancaires si les récoltes sont mauvaises. « Nous prenons des risques parce que nous aimons notre travail, entendons le valoriser et souhaitons poursuivre la tradition familiale » explique l'un d'eux, marchant dans les pas de son père et de son grand-père.

Pascal Chaignier (Lussac) explique la situation aux représentants de l'Etat
Ces petites noix en formation ont été arrachées par les grêlons...
« Il n’y a pas que la viticulture qui a trinqué » lance un habitant d’Allas-Bocage, « tout le monde parle des vignes où la profession est la mieux protégée ! Vous oubliez les autres ». A Courpignac, Christopher Rolland possède avec son associé un cheptel de 150 vaches. Pour lui, se pose le problème de l’ensilage et du fourrage, la grêle ayant malmené l’herbe et haché le maïs. Avec un voisin, il est l’un des rares dans le secteur à exercer cette activité : « nous n’avons pas souscrit d’assurances, mais nous ne baissons pas les bras ». Malgré les fausses promesses d’augmentation du prix du lait (d’où l’importance de développer les filières directes, du producteur au consommateur, sans intermédiaire)…
Ce qui reste du maïs
Réunion à Cognac au BNIC vendredi matin

La situation est préoccupante, comme l’a constaté le Préfet de Région. L’heure est à la mobilisation et la solidarité. Une réunion aura lieu à Cognac vendredi matin au BNIC en présence des différents partenaires. La priorité est de dresser un état des lieux, d’évaluer les préjudices tant chez les viticulteurs que les céréaliers, les éleveurs, les maraîchers, les pépiniéristes, d’étudier et proposer des pistes qui permettront aux exploitations sinistrées de sortir la tête hors de l’eau. Les réflexions seront conduites avec le Ministère de l’Agriculture. 

Claude Belot, président de la CDCHS aux côtés de Didier Lallement, Préfet de Région, Fabrice Rigoulet-Roze, Préfet de Charente-Maritime et Michel Amblard de la Chambre d'Agriculture
Qu’officiellement, soient reconnus les effets du changement climatique devient une réalité en l’accompagnant par des mesures ciblées : « On observe une récurrence des phénomènes, nous devons donc adapter nos outils à la situation. Il faut faciliter les mécanismes d'assurance et voir ce qu’il est possible de faire » explique Didier Lallement.
L’UGVC (Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac) envisage de développer le nombre de cheminées dispersant de l’iodure d’argent, dispositif de lutte contre la grêle. A ce jour, il en existe 50 en Charente et 47 en Charente-Maritime. En partenariat avec les communes, l’Union est prête à investir 200.000 euros pour permettre l’installation de nouveaux matériels. 

D’ici quelques semaines, on devrait en savoir davantage tant sur les dispositions prises que la manière dont les cultures vont se refaire après cette épreuve. En souhaitant que les cieux veuillent bien rester cléments…

Fabrice Rigoulet-Roze, Françoise de Roffignac, conseillère départementale chargée de l'agriculture et Michel Amblard
• Le principe de la réserve climatique ou comment ne plus éliminer les excédents ! 
Créée en 2008, elle est une solution en cas de catastrophe climatique. Qui est concerné ? Tout opérateur souscrivant une déclaration de récolte vins blancs Cognac commercialisant peut constituer une réserve climatique. Volume total maximum : 7 hl AP/ha en cumulé, produit au-delà du rendement annuel maximum autorisé Cognac (12 hl AP/ha en 2017). Le stockage a lieu dans l'aire délimitée et des contenants neutres ne permettant pas le vieillissement (inox L316). En cas de récolte insuffisante, cette réserve réalisée au fil des ans peut être insufflée et s’avérer utile pour permettre à l’exploitation d’équilibrer ses revenus. 

• La Chambre d’Agriculture travaille avec le dispositif APESA et l'association Les Passagers du Temps qui interviennent auprès des chefs d’entreprise en difficulté, soutien psychologique instauré par le Tribunal de Commerce de Saintes, Marc Binnié et le dr Douillard. Une aide identique peut être apportée aux agriculteurs qui en expriment le besoin. Une démarche dont se félicite Michel Amblard face à une profession soumise à des hauts et des bas.

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