Leurs inquiétudes ? Que des gradins soient installés dans l’amphithéâtre vieux de 2000 ans, dégradant ainsi l’édifice. Avec cette précision : « nous sommes un rassemblement citoyen et n’avons aucune autre intention en vue »…
Les arènes de Fréjus ou l'exemple d'une restauration gâchée |
Une entrée totalement dénaturée |
Samedi après-midi, on se presse salle Saintonge où se déroule la première assemblée générale de Médiactions. Faut-il la considérer comme une opposition à Jean-Philippe Machon ? D’emblée, Cécile Trébuchet précise la position de l’association : « nous ne sommes ni de droite, ni de gauche. Nous attirons l’attention sur une situation qui mériterait un plus large débat. Médiactions, qui compte une cinquantaine de membres, est une jeune association apolitique, malgré ce qu’on peut entendre ici et là. Elle s’est organisée et structurée autour de la préservation, la présentation et l’animation des patrimoines de notre ville et région ».
Romain Charrier, Nicolas Emard, Cécile Trébuchet, Didier Catineau du bureau de Médiactions |
Pourquoi s’investit-elle ouvertement dans le vallon des arènes et ses futurs gradins, quitte à s’exposer à des salves d’artillerie, alors qu’elle pourrait se cantonner à de simples observations ? Le point de départ a eu lieu durant l’été. La procédure d’appel d’offres de la mairie quant à la valorisation du vallon des arènes, « passée sous silence », s’est transformée en marché négocié, sans concurrence aucune. A été retenue la société Sunmetron dont l’une des filiales, Eveha, a été précisément chargée du diagnostic de l’amphithéâtre. « Peut-on à la fois être juge et partie ? Nous avons senti que quelque chose se tramait, que les gradins étaient actés avant même d’être officiellement validés. D’où la création de Médiactions. Nous avons une volonté de médiation et la rencontre avec le maire, Jean-Philippe Machon, n’a rien apporté de concret » explique Cécile Trébuchet. Elle est dans l’attente d’une réunion publique décrivant objectivement le projet.
L’association s’oppose à la construction de gradins (5000 places) dans l’amphithéâtre et à l’organisation de spectacles bruyants qui dégraderont le monument. Les décibels, en effet, peuvent fragiliser les pierres. Ce qui explique pourquoi les municipalités précédentes ont fermé les arènes à des spectacles sonores importants ou encore à l’installation de matériels haut perchés qui risqueraient d’altérer les lieux. Les rendez-vous de Sites en Scène, par exemple, ont cessé pour ces raisons.
Pourquoi l’amphithéâtre est-il à manipuler avec précaution ? S’inscrivant dans un paysage naturel, il s’agit d’une structure mixte, asseyant les portes des vivants et des morts à même le sol, avec des murs d’appui entièrement édifiés, appuyant par ailleurs la construction des gradins directement sur les côtés nord et sud du vallon. « On parle de "structure pleine" pour la partie de la cavea, ensemble des rangées concentriques de gradins, et de "structure creuse" pour les parties entièrement construites » explique Cécile Trébuchet. L’amphithéâtre, inauguré en 40 après J.C, est une structure antérieure au Colisée de Rome, daté de la fin du 1er siècle. Ses importantes dimensions (15000 spectateurs) reflètent la puissance de Mediolanum. « Aujourd’hui, c’est un vieux personnage dont on ne voit que le squelette ! ».
Explications quant à l'agencement de l'amphithéâtre à l'époque antique |
Jean Moulineau, avocat, apporte des conseils à l'association |
Prise de conscience
La présentation se poursuit dans un souci constant de clarté : Pourquoi le comité de pilotage, qui suit le déroulement du projet, n’est-il pas plus étoffé ? Qu’en sera-t-il du futur musée archéologique et que deviendra l’ancienne structure sur la place Bassompierre ? Pourquoi a-t-on coupé autant d’arbres dans le vallon des arènes, site protégé ? Quels sont les travaux envisagés pour que la visite de l’amphithéâtre soit digne de ce nom (salle de réception étroite, toilettes inaccessibles aux fauteuils pour handicapés, impossibilité pour les personnes à mobilité réduite de descendre dans l’arène) ?
Coupe d'arbres dans le vallon des arènes |
Toilettes de l'amphithéâtre inaccessibles aux fauteuils pour handicapés |
Guy Puyastier, membre de Médiactions |
Cécile Trébuchet et Didier Catineau |
Photo d'archives Jacques Triou représentant les arènes au début du XXe siècle |
Cécile Trébuchet rappelle que l’association n’est pas opposée à des animations dans l’amphithéâtre ; il suffit juste d’y mettre les formes en se montrant responsable. Jean Moulineau abonde dans son sens : « Nous-mêmes avons contribué à des manifestations. Si nous sommes favorables à la valorisation de Saintes, à l’histoire de la Saintonge et de la romanité, nous déplorons l’opacité du projet conduit par la municipalité. Comment compte-t-elle s‘y prendre ? L’amphithéâtre n’a pas besoin de gradins, il se suffit à lui-même. C’est lui qui fait son show, il nous fait rêver. Nous avons à le transmettre tel qu’il est aux générations futures ». Cécile Trébuchet acquiesce : « ce patrimoine est destiné à nos enfants plutôt qu’à des doctorants ». De là à parler, dans la salle, de « peccadille d’intellectualisation »…
Plusieurs intervenants font entendre leurs voix. Lucien Normandin s’interroge : « Le Monde a publié vingt destinations mondiales appréciées, dont les Charentes, en citant l’Abbaye-aux-Dames. C’est un atout. Le projet de Jean-Philippe Machon me fait penser à l’expression patoisante : « il ne faut pas péter plus haut qu’on a le c… ». D’autant que la compétence tourisme dépend de la CDA et non de la mairie, « détail qui a son importance et que l’Etat aurait plutôt tendance à oublier ».
Lucien Normandin |
Michelle Le Brozec et Cécile Trébuchet |
Marie-Laure Rouger, présidente de l’Office de Tourisme, apporte son témoignage : « L’Office reçoit 100.000 visiteurs par an. Nous avons un capital historique formidable. Aux arènes, les conditions d’accueil sont lamentables. Il y a vraiment quelque chose à faire, mais je ne suis pas sûre que la mairie sache vraiment ce qu’elle veut »…
Tandis qu’une habitante vante, à juste titre, la beauté de Saintes « cette petite Rome », les propos de Jean-François Saunoi sont nettement moins romantiques : « Le maire ne s’intéresse qu’aux immeubles et à la spéculation foncière ».
Jean-François Saunoi |
Nicolas Emard et Cécile Trébuchet |
Les positions de Médiactions |
L'info en plus
• Les touristes cherchent le théâtre ! La faute à une carte de Jean-Claude Golvin qui a imaginé Mediolanum en y faisant figurer un théâtre antique qui n’existe pas près de l’ancien forum. « Conséquence, les visiteurs, se basant sur le croquis, cherchent cette structure et nous avons bien du mal à leur expliquer que c’est une supposition de l’archéologue et non une vérité » explique la guide conférencière.
Le croquis de Jean-Claude Golvin fait apparaître un hypothétique théâtre près du forum... |
L'arc de Germanicus tel qu'il était autrefois sur la Charente... |
• Réflexion : « On fantasme tous sur les technologies, mais il y a des usages différents selon les personnes. Quant au simulateur de visites, il sera utile pour préparer le voyage, mais il ne remplacera pas l'expérience. Preuve en est : 6 millions de personnes se rendent au Louvre chaque année pour voir La Joconde de leurs propres yeux ! »…
• Franchise : si Cécile Trébuchet avoue que son entrevue avec le maire n’a rien donné, elle a par contre apprécié son échange avec Jérôme Carbonel, chargé de mission, qui prépare l’anniversaire de l’arc de Germanicus (conférences et autres manifestations).
Médiactions est, par ailleurs, favorable aux travaux conduits à la basilique et crypte Saint-Eutrope.
• Dans la salle, Frédéric Mahaut, ancien maire-adjoint, ou encore Paul Durand, chef de cabinet de Jean Rouger, maire socialiste de Saintes battu par Jean-Philippe Machon, assistaient aux débats. Jean Moulineau, avocat et ancien conseiller municipal de Michel Baron, apporte ses connaissances juridiques à Médiactions. Faut-il y voir l’embryon d’une future liste aux Municipales de 2021 ? Cécile Trébuchet écarte cette éventualité : « Médiactions ne poursuit qu’un but, les gradins. Elle veut faire prendre conscience à Jean-Philippe Machon que le patrimoine saintais doit être protégé et respecté. A titre personnel, nous avons nos propres convictions, mais elles n’entrent pas en ligne de compte dans l’association ».
• Fonds ancien de la bibliothèque : Fermé depuis des années, il manque aux chercheurs. Tous les historiens se plaignent de cette situation qui perdure…
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