samedi 20 décembre 2014

Danse avec les baleines dans l’Antarctique :
« On rentre épuisés, congelés.
Mais quand on vit de telles sensations,
on est béni des dieux ! »

Dans le cadre du festival d‘aventure, Laurent Marie a fait rêver le public réuni au cinéma le Familia à Jonzac : cet apnéïste, passionné par l’Antarctique, danse avec les baleines. Un spectacle magique, hors du temps. Tout simplement magnifique. 



Nombreux se souviennent du film mythique qu’est « danse avec les loups ». Evoluer avec des baleines est plus rare et surtout plus compliqué.
Un apnéïste a vécu une telle expérience, il s’agit de Laurent Marie en conférence à Jonzac le 18 novembre dernier où le film que lui a consacré Jérôme Maison, « un monde de glace », était projeté. Un nombreux public avait répondu à cette invitation qui s’inscrivait dans le cadre du « hors les murs » du festival du film d’aventure de la Rochelle.


Ce monde de glace, chaque spectateur l’a vécu avec intensité, bonheur, frissons parfois et admiration pour le courage de ces plongeurs qui retrouvent la matrice originelle, dans le ventre de la Terre mère. Comme une sorte de voyage initiatique sur les origines de la vie quand l’homme pouvait confondre son ombre avec celle des dauphins.
Laurent Marie est un aventurier des temps modernes qui témoigne sur l’environnement, sa quête, sa conquête. Il va dans les écoles dire combien il faut protéger la planète, la respecter, cesser de la piller comme une vulgaire manne dont il faudrait prendre la substantifique moelle sans se soucier des générations futures. Le voilà, le beau message de Laurent porte auprès des enfants. Et il est heureux quand l’un des élèves déclare : « le chant des baleines a fait danser mon cœur ». En Nouvelle Calédonie, certains ont cru qu’il racontait des blagues : « c’est possible tant de glace ? Ça existe vraiment ? »…

Rencontres en Antarticque 

Ce film est l’histoire de son voyage en Antarticque. En ce lieu inhospitalier, il est allé avec des amis, apnéites comme lui, à la rencontre des manchots, des phoques, des léopards de mer et surtout des baleines. Il s’y est rendu en été, c’est à dire entre mi-février et mi-mars, à bord d’un bateau spécialement construit pour affronter les éléments.
Pour l’instant, cette zone est neutre : un traité signé par 49 nations bloque toute revendication territoriale jusqu’en 2048 (ce qui ne saurait durer car le sous-sol abrite des matières premières que visent les pays industrialisés). Le point culminant, plus haut que le Mont Blanc, culmine à 4800 mètres.
Alors qu’il règne un froid de canard, plutôt de manchot, on voit Laurent Marie sortir sa combinaison, ses longues palmes, son masque, soit 6 kilos à transporter. Apnéiste accompli, il s’entraîne en mer, en piscine, en compétition. Il pratique aussi la natation, la course à pied, le vélo. Raisonnable, il sait respecter les règles : ne pas se laisser prendre par la flottabilité négative par exemple, c’est-à-dire par ce moment où l’on est attiré par les profondeurs. Il s’opère alors une transformation chimique au niveau du corps. Les palmes, qui mesurent 82 centimètres, permettent d'échapper à cet appel vers l’au-delà. D’où la nécessité de plonger en groupe car les uns viennent au secours des autres : « à partir de 10 mètres, on est dans l’orange ».


Le nombre de plongées n’excède pas deux ou trois par jour : « nous restons de 1 h à 4 h dans l’eau ». L’apnée en elle-même n’excède pas deux minutes trente. « Nous sommes restés quatre heures avec les baleines ». La scène est prodigieuse. Les mammifères ont accueilli ces étranges compagnons comme de vieilles connaissances. Ensemble, ils ont évolué avec une grâce et une beauté à couper le souffle. Les trois plongeurs présents ont immortalisé ce moment exceptionnel.
Le film vibre et résonne. « Il s’inscrit dans une recherche scientifique » explique Laurent Marie. On y voit le fameux phytoplancton, le krill, à l’origine de la vie. « Nous avons opéré des prélèvements qui ont été envoyés à des laboratoires. En 2015, une dizaine de bateaux sur l’ensemble du globe mèneront une vaste opération ».

Parmi les nombreux sujets évoqués, il est bien sûr question des entraînements, des équipements, des prouesses techniques et physiques, du suivi médical, des défis à relever. « On rentre épuisés, congelés. Mais quand on vit de telle sensations, on est béni des dieux !». Qu’ajouter de plus ?

Nicole Bertin

Débat après la projection du film
• Jérôme Maison est le réalisateur de la célèbre Marche de l’Empereur 

La genèse de l’histoire 


C’est en décembre 2012 que Laurent Marie, président et initiateur de l’expédition antarctique 2013, contacte le groupe Batteur à la recherche de financements. Il présente le projet, une expédition en antarctique du 18 février au 18 mars 2013 alliant voile et apnée. Un équipage de 7 personnes prend la route du Cap Horn puis de la péninsule antarctique à bord d’un voilier en aluminium de 15,5 mètres à la rencontre des léopards des mers, baleines à bosses et des manchots Papou et Adélie. L’objectif est de tourner des images de cette faune et de l’étudier tout en respectant sa tranquillité et son lieu de vie. En résulte un film « un monde de glace » et des conférences pédagogiques afin de sensibiliser les jeunes générations à la protection de l’environnement.

La pratique de l'apnée nécessite des règles strictes...
•  Témoignage : Les baleines se prenaient pour des danseuses étoiles en réalisant un spectacle complètement improvisé… 

 « J’aperçois au loin 3 baleines. L’une de 13 m de long, d’environ 20 tonnes, les deux autres sont un peu plus petites. J’ai l’impression qu’elles dorment dans le brach. Jean-Yves ralentit son bateau pour procéder à une approche discrète. Pendant ce temps, Franck, Gilles, Alex et Pierre s’équipent tranquillement et Fred assure les photos du pont du bateau. Nos amis glissent doucement dans l’eau gelée. Les baleines ont ressenti quelque chose et se décident elles aussi de venir à leur rencontre. Un ballet magique s’opère. Les baleines nous font un festival d’immersions, elles tournent sur elles-même, réalisent des pirouettes pour ne pas toucher les plongeurs. C’est comme si elles se prenaient pour des danseuses étoiles en réalisant un spectacle complètement improvisé (même si parfois, elles nous effleurent à peine). Elles aiment sortir la tête de l’eau pour nous regarder et nous inviter dans leur monde, celui des abysses. Les apnéistes jubilent et moi là-haut, je suis euphorique avec mon appareil photo qui immortalise cette rencontre qui dure plus d’une heure ! Elles ont sûrement mieux à faire et doivent stocker des réserves pour leur longue migration vers le sud de l’Amérique. Une fois descendu, Jean-Yves et moi-même nous immergeons pour profiter aussi du spectacle qui ne durera que dix minutes. Elles nous quittent pour se délecter de krill. Si petit pour cet être si grand. Je reste quand même en combinaison pour tenter ma chance un peu plus loin. Soudain apparaissent tout près deux baleines, une mère et son petit. L’approche est toujours délicate car la maman défend son petit des éventuels dangers. Malgré cela, je m’immerge. Le petit se dirige vers moi, mais la mère le repousse pour le protéger. Quand tout à coup, Gilles et Fred aperçoivent au loin un grand aileron qui se dirige droit sur nous. C’est un orque. Surpris nous attendions tous ce moment depuis plusieurs jours ! C’était là maintenant ! Gilles me dit de me rapprocher du bateau pour plus de sécurité. Le cétacé fonce droit sur moi une première fois en réalisant un virage à 180 degrés. J’ai cru voir un avion de chasse opérer une manœuvre de repérage ! Je reste dans l’eau ébahi par cette scène spectaculaire. Puis il revient. Cette fois, il s’arrête face à moi. Nous nous regardons intensément. L’orque me scanne, m’étudie certainement avec ses cliquetis. Pour connaître ma constitution, savoir si je suis une proie potentielle. Je n’ai pas peur, je suis juste surpris par la beauté de l’un dès plus grands prédateurs du monde marin. Nous les suivons en bateau quelques milles. Ils reviendront nous voir brièvement avant de disparaitre ! Quelle chance »...

Des images qui semblent surgir d'un autre monde !

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