mardi 29 septembre 2009

Saintes :
Rosen ou les confidences d'une prostituée


En publiant un livre sur "une prostitution choisie et non subie", Rosen Hicher rompt la loi du silence. Son ouvrage, qui a le mérite de la franchise, explique comment une femme en arrive à vendre ses charmes pour subsister. Mais il va plus loin : l'auteur y lance un appel à toutes celles qui se retrouvent démunies sur le trottoir, cornaquées par des souteneurs qui se moquent bien de leur état de santé et de leurs sentiments. Nombreuses subissent des violences. Et de prôner la création de maisons contrôlées qui établiraient une charte de bonne tenue et assureraient le suivi médical de ses "occupantes".

C'est en avril 1946 que la loi Marthe Richard, conseillère municipale de Paris au passé sulfureux, est votée par la Gouvernement provisoire. Les maisons closes et de tolérance ferment, mais la prostitution ne s'arrête pas pour autant. Ne dit-on pas qu'il s'agit du plus vieux métier du monde ?
Quand elle s'amusait, fillette, dans les rues de Quimper, Rosen Hicher ignorait qu'un jour, elle pratiquerait cette activité que la morale réprouve.
Le commencement est terriblement banal. En mars 1988, alors qu'elle travaille dans l'électronique, elle apprend qu'elle est licenciée. « Je me suis retrouvée avec mon mari, au chômage également, et mes trois enfants. Nous n'avions pas assez d'argent pour vivre et je ne suis pas du genre à aller mendier auprès des associations caritatives » dit-elle. Quand on vit à cinq dans un petit appartement au loyer de 2.500 F, que fait-on ? La recherche d'un nouvel emploi s'impose !
Désemparée, Rosen épluche les petites annonces. Dans France Soir, elle lit qu'un bar à hôtesses recherche de nouvelles "candidates". « Bien que supposant ce que cachait ce libellé, je suis allée me présenter. J'ai été prise tout de suite ». La voici rue du Colisée, à Paris, non loin de l'Arc de Triomphe.
Elle commence au Diam's - le nom de l'établissement, à l'époque - avec des consignes nécessaires à son futur "job" : inciter les hommes à boire du champagne, à "commander" dans le jargon et aller plus loin si affinités, tout en se protégeant des maladies sexuellement transmissibles.

Évidemment, son existence prend un virage à 180 degrés. Rosen explique franchement son choix : « j'avais trente ans. Rien ne m'était imposé, comme c'est le cas pour une fille de dix-huit ans. Je savais ce que je faisais, je voulais vivre. C'était purement alimentaire ».
Dans les premiers temps, elle fait la rencontre d'un fonctionnaire aisé qui la prend sous son aile : « Il s'appelait Michel et avait 53 ans. Il était marié, père de famille et devait mener une vie très conformiste. Il voulait que je lui appartienne et n'hésitait pas à me donner jusqu'à 5000 francs par semaine pour quelques heures de coucherie et diverses sorties. Quand il a voulu m'installer dans un studio, j'ai refusé car je ne voulais pas abandonner mes enfants ».

La vie d'hôtesse reprend avec des moments pathétiques : « nous étions dans l'obligation de boire avec les clients, avant de les accompagner dans les petits salons. Il faut beaucoup de temps avant d'apprendre à ruser, à jeter le contenu de son verre par terre. Quand j'ai commencé, je ne buvais pas une goutte et quand je suis partie, j'étais devenue alcoolique ».

« Les hommes viennent chercher de la tendresse, l'amour de quelqu'un » explique Rosen. « Ils éprouvent des frustrations, des fantasmes ». Les prostituées deviennent leurs confidentes et sur ce chapitre, les profils des clients sont variés : entre le solitaire et le timide, qui n'ont pas de succès auprès des femmes, et les tordus, existe une distinction précise. « Les clients sont issus de tous les milieux, des fortunés qui pensent qu'ils peuvent tout acheter à l'ouvrier modeste. Le monde est vraiment dominé par le sexe et l'argent ».

Violée...

Rosen quitte bientôt Paris pour la province. Après des pérégrinations dans de nouveaux établissements, elle arrive dans ce qu'elle appelle « une maison close autorisée » dont la patronne paie ses charges. « L'un de mes amants était adjudant de police, il savait ce que je faisais. La prostitution est entourée d'un carcan d'hypocrisie. D'ailleurs, si le racolage est interdit, la prostitution est autorisée et vous n'entendrez jamais dire au patron d'un bar à hôtesses qu'il la favorise. Pourtant, dans la réalité, il s'agit bien de cela ».

Elle ouvre ensuite un salon de massage « pour avoir une vie stable et finir le soir à une certaine heure » : « Dans les journaux gratuits, je faisais de la publicité autour de la détente et de la relaxation. Je ne pouvais pas être plus explicite !!! Le seul problème, c'est que dans un deux pièces, vous êtes seule, à la merci de n'importe quel détraqué. J'ai été agressée et braquée. J'ai même été violée. Cela peut paraître drôle de la part d'une prostituée, mais c'est la même chose que pour une femme normale. On a peur du sida aussi. Cet homme voulait un rapport non protégé que j'ai refusé. Certains sont prêts à vous donner 1.000 euros. Il m'a sauté dessus, il recherchait la violence avant tout ».

L'omerta

Arrivée à Saintes il y a cinq ans, Rosen continue son métier : « Mes enfants sont au courant. Je ne leur ai jamais rien caché ». Aujourd'hui, sa clientèle serait plutôt composée de VRP et de personnes isolées. Il lui arrive de vivre des moments cocasses qu'elle raconte comme une course au supermarché : « Certains veulent être battus et paient cher pour recevoir des coups ; d'autres se travestissent et demandent à être caressés comme des femmes ». Nous vous passons les détails !

Rosen estime que les prostituées sont indispensables à la société en ce sens où elles "canalisent" les pulsions sexuelles. Elles sont aux premières loges de la complexité humaine : « Contrairement à la majorité des femmes qui ont une approche de l'amour plus intellectuelle, les hommes sont purement physiques. Ils ont des envies qu'ils doivent satisfaire. Dans ces moments-là, les prostituées sont bien utiles. Ce qui peut sembler surprenant est la passivité des épouses face aux déviances de leurs maris. Certaines savent très bien ce que font leurs conjoints et ferment les yeux pour conserver leur confort, leur train de vie, voire leur façade d'honorabilité. Je pense par exemple à un homme avec qui je parlais souvent. Croyant, il était marié, père et grand père et entretenait des relations homosexuelles depuis l'âge de 15 ans. Il en avait 61. Il dissimulait de l'argent pour s'offrir le fruit de son désir. Quand on le voyait, on était loin de se douter qu'il avait un jardin secret ».

« J'ai élevé mes enfants en travaillant avec mon corps »

Rosen exerce librement et paie ses impôts, sa façon à elle d'être claire : « j'ai voulu arrêter, surtout quand j'ai appris que j'étais atteinte d'une maladie orpheline qui attaque les cartilages, la polychondrite chronique atrophiante ».
En réaction, elle a choisi de faire un livre paru aux éditions Bordesoules. Il incarne le combat d'une femme qui se bat pour celles qui subissent le diktat des souteneurs : « Aujourd'hui, en France, de nombreuses villes sont offusquées par le manège trop voyant des prostituées et de leurs clients. Les mères de famille sont choquées, les commerçants de ces quartiers crient au scandale et le prix des maisons s'effondre ».

Et de lancer une idée : l'ouverture de maisons type Eros Centers, s'accompagnant d'une tolérance zéro pour la prostitution de rue. « Cela évitera à de nombreuses filles, venues du monde entier, mais aussi à de petites Françaises, collégiennes, lycéennes ou fugueuses, de se livrer à la prostitution sauvage et de croiser sur leur route la mafia du sexe. Dans ces maisons, toutes les filles devront présenter leurs papiers et être majeures. Il faut être intraitable avec les hommes qui détournent les mineures. Un client m'a avoué qu'il rôdait autour des établissements scolaires, à la recherche d'une jeune fille qui accepterait 80 euros pour lui donner du plaisir ».
Rosen Hicher a même écrit au Président de la République, Nicolas Sarkozy : « Moi, Rosen, j'ai élevé mes enfants en travaillant avec mon corps depuis bientôt vingt ans... Je vous demande de donner un cadre légal à une profession où les filles volontaires pourront cotiser et gagner leur vie légalement ».

Le sujet est compliqué car il se heurte à la morale judéo chrétienne qui l'entoure d'une fumée opaque. Ignorant la souffrance des "filles de joie", la société ferme les yeux parce qu'il est dérangeant d'entrer dans les arcanes de l'âme humaine.
Alors, quand Roselyne Bachelot aura terrassé la grippe H1N1, elle pourrait peut-être se pencher, avec ses copines du Gouvernement, sur le sort des jeunes filles qui peuplent les trottoirs des grandes agglomérations. Souvent malades du sida, droguées, malmenées, elles ne sont qu'un pion sur un échiquier beaucoup plus vaste. Un pion qui verse une large contribution à son "mac". D'ailleurs, comment est blanchi cet argent et où va-t-il ? La question mérite d'être posée.



Photo 1 : Rosen Hicher a écrit un premier livre « je suis une femme courageuse » suivi de « Rosen, une prostituée témoigne » aux éditions Bordessoules.

Photo 2 : Rosen a rencontré Patrice Drevet au salon du livre de Pons, où elle même présentait son ouvrage. Il est en vente dans toutes les librairies.


• L'info en plus

92% de nuls ?

Provocation ? Lors d'une émission avec Jean Luc Delarue, Karen a bien fait rigoler le public en attaquant la gent masculine. Pour elle, « 92% seraient nuls au lit parce qu'ils méconnaissent le corps féminin ». Elle ne revient pas sur cette déclaration qui provoque, vous l'avez compris, de vives protestations de la part des messieurs. Ceux qui ont le plus d'humour estiment se situer dans les 8 % restants !

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