mardi 29 septembre 2009

Clocher de Saint Eutrope :
65 mètres vous contemplent... sans compter Louis XI


Après la cathédrale Saint Pierre, bienvenue à l'église Saint Eutrope ! A ses pieds, plusieurs siècles vous contemplent, sans compter les dimensions respectables de son clocher : 65 mètres. 250 marches sont à gravir pour apprécier la vue, avec une pensée émue pour Louis XI qui participa à leur financement.


Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. La semaine dernière, un soleil doux et automnal accompagnait la visite du clocher de Saint Pierre. De ce balcon haut perché, les toits étaient semblables aux morceaux d'un puzzle, blottis de chaque côté de la Charente. Fleuve roi, axe de navigation et de transport des marchandises.

Samedi dernier, le temps était maussade et la lumière avait perdu de ses attraits. Allait-il pleuvoir sur le clocher de Saint Eutrope ? Indifférente aux frasques du temps, Lætitia, guide à l'Office de Tourisme, était heureuse de présenter au public ce lieu habituellement fermé. En avant !
Comme pour Saint Pierre, quelque deux cent cinquante marches sont à gravir. Toute ascension mérite des efforts avant que n'arrive la "récompense" !
À intervalles réguliers, de petites fenêtres balisent ce parcours en colimaçon. Sur les parois, graffitis anciens et modernes se côtoient. En effet, moult petits mots datent du début du XXe siècle, à une période vraisemblable de restauration. Certains ont apposé leur simple nom tandis que d'autres ont éprouvé, ô sublime audace, l'envie de donner rendez-vous à leur dulcinée.



Sur le promontoire, le premier élément qui retient l'attention est la flèche qui "culmine" à 80 mètres.
Avec ses crochets typiques du gothique flamboyant, elle dresse sa solennité quand d'autres sont seulement "calottées". Les lieux sont gardés par d'étonnantes sculptures. Certaines ressemblent à des chiens, comme si leur auteur avait abandonné les monstres et autres gargouilles pour rendre hommage à des animaux familiers.

Tout autour, la vue est imprenable. Le regard s'arrête sur les arènes dont on aperçoit les structures sapées par le temps. Au moment de leur splendeur, elles étaient beaucoup plus imposantes avec hauts murs, gradins et tout le décorum.

À son heure de gloire, Mediolanum Santonum, riche en monuments, était dotée d'un aqueduc de savante conception. Avec les thermes, l'amphithéâtre occupait un rôle important dans la vie de la cité. Les habitants y assistaient à des distractions diverses et variées, tels les combats de gladiateurs et autres confrontations sortant du quotidien.
Au milieu du IIe siècle après J.C., la ville comptait entre 10.000 et 20.000 habitants et s'étendait sur une superficie de cent hectares.
Malheureusement, conséquence des invasions, cette prospérité s'arrêta. Les siècles suivants virent l'arrivée du christianisme sous l'impulsion du martyr Eutrope qui fut, dit-on, le premier évêque. Son tombeau repose d'ailleurs dans la crypte de l'église Saint Eutrope. En effet, l'église primitive fut fondée en souvenir du saint homme.


Le Préfet tranche : la nef sera démolie

Si la visite jusqu'au clocher vaut le détour, une étude de l'édifice religieux mérite également l'attention. En effet, tel que vous le voyez de nos jours, il est largement amputé (il lui manque l'équivalent de la place réservée au stationnement).


Situé sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle, il a pourtant connu des moments importants. À la fin du XIe siècle, le Pape Urbain II vint en personne le consacrer. Au XVe siècle, Louis XI (qui avait sans doute des choses à se faire pardonner) finança l'édification du fameux clocher de 65 mètres.
Commencé en 1478, il fut achevé en 1496. Quand vous regarderez cette construction, ayez donc une pensée pour le fils de Charles VII qui s'illustra dans l'histoire de France par sa fine stratégie, mais aussi par des méthodes assez rudes. Pas étonnant que François Villon, à la plume authentique et turbulente, l'ait égratigné ! D'ailleurs, nul ne sait ce qu'il advint du poète maudit : en passant par Saintes, aurait-il vu tomber les neiges d'antan ?...

Malgré les guerres de religion, c'est au début du XIXe siècle que la situation de l'église Saint Eutrope empira : les paroissiens craignaient de voir s'écrouler la nef. Personne ne voulant débourser les 1.500 francs nécessaires aux travaux de restauration, le préfet Guillemard ordonna l'amputation du membre malade, purement et simplement. En 1803, cette démolition fit le bonheur des habitants qui récupèrent des matériaux et le désespoir des amoureux du patrimoine.
Un nouveau portail fut dessiné par un architecte, mais il faut bien avouer que Saint Eutrope est à jamais estropiée. Mutilée, elle reflète les contradictions des hommes, oscillant entre création et destruction.

Aujourd'hui, elle est l'un des lieux incontournables de Saintes, classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. Lors des journées de patrimoine, de nombreux visiteurs sont venus découvrir ses particularités. Parmi elles, les ornementations des chapiteaux, Daniel dans la fosse aux lions et la pesée des âmes...


• L'info en plus

Les Révolutionnaires brûlent les archives

En 1789, les cartulaires et chartes de Saint Eutrope furent confisqués par les Révolutionnaires. Par la suite, fut prise une décision grave pour la transmission de la mémoire. Ces documents, qui seraient fort utiles aux historiens actuels, furent brûlés sous la Terreur en application de la loi « sur les titres de féodalités et de superstition » du 17 juillet 1793. Le 10 août, une grande partie des parchemins s'envola en fumée sur la place des Cordeliers (devant le Palais de Justice).

Photos 1 et 2 : Le clocher et l'intérieur de la flèche

Photos 3 et 4 : Au pied de Saint Eutrope et plus loin, Saint Pierre

Photo 5 : Le talent des sculpteurs

Photos 6 et 7 : Les arènes gallo romaines

Photo 8 : Les maisons blotties !

Photo 9 : Saint Eutrope et ses chapiteaux

Photo 10 : Le bénitier

(Photos Nicole Bertin)

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