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jeudi 8 octobre 2009
Royan :
La guerre est déclarée entre Didier Quentin et le clan Most
• Vers une "recomposition" du conseil municipal ?
Lundi dernier, le conseil municipal de Royan avait attiré un large public venu assister aux combats que se livrent les élus dans l’arène municipale.
Le député maire, Didier Quentin, a eu bien du mal à contenir les assauts de certains colistiers. Se devine en filigrane un contentieux entre le clan Most, dont est issu Henri le Gueut, premier adjoint, et la nouvelle génération qu’incarne Didier Quentin. Face aux différends qui opposent la majorité, la gauche essaie de tirer les marrons de ce foyer ardent…
Depuis qu’il est maire de Royan, le député Didier Quentin est entré au purgatoire. Être, ou plutôt rester maire de la Côte de Beauté, relève-t-il de l’exploit ?
Il y a quelques mois, la corrida a commencé avec les premières banderilles plantées dans des terrains rendus constructibles. Appartenant à la famille du premier magistrat, ce classement a fait grincer des dents. Depuis, on observe une escalade qui n’est pas sans porter préjudice à l’image même de la ville.
Dans l’arène du conseil municipal, on règle directement ses comptes, comme s’il s’agissait d’une place publique. Olé !
Le nouvel épisode, qui s’est produit lundi dernier, était riche en rebondissements. Fini le feuilleton “Plus belle, la vie“, rien ne vaut “une vue sur l’amer“ !
La partie visible de l’iceberg
Que se passe-t-il donc pour que Didier Quentin, diplomate, proche de Jacques Chirac, soit l’objet d’attaques permanentes ? Évidemment, son opposition vous répond qu’il fait mal son travail, mais à y regarder de plus près, il semblerait que l’omerta royannaise ait purement été rompue. La boite de Pandore serait ouverte…
Depuis, les relations entre Didier Quentin, 63 ans, et Henri le Gueut, 76 ans, bras droit de l’ancien maire de Royan Philippe Most (démissionnaire pour des raisons de santé) sont opaques. Henri Le Gueut est d’ailleurs le prédécesseur de Didier Quentin puisqu’il a succédé à Philippe Most.
L’arrivée d’un nouveau chef de file, en mars 2008, aurait-elle bouleversé les habitudes de ce monde bien orchestré ? En clair, s’agirait-il d’une guerre entre les anciens et les modernes ? La réponse semble beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît. Pour l’heure, les citoyens ne voient que la partie visible de l’iceberg, celle des altercations verbales relayées par la presse et les conversations. Sur ce chapitre, il y a du “rab“ à chaque séance de conseil !
« Une incapacité à manager » ?
Lundi soir. La présence des forces de l’ordre devant la mairie et de salariés mécontents de la Compagnie des Eaux de Royan annonce la couleur. La salle du conseil est pleine à craquer. Les observateurs se massent dans les escaliers, faute de place.
Sous le regard des six présidents de la République, de Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, les élus prennent place pour un exercice de démocratie, toute ressemblance avec la "démocrassie" étant fortuite.
En quelques minutes, le ton est donné. Il commence modérément avec « les gens de la Puisade » qui éclipsent l’achat, pourtant écologique, de quatre véhicules électriques.
Entrant dans le vif du sujet, Geneviève Dumas expose ses griefs envers le député maire. Le premier bilan de l’exercice municipal se solderait « par un pécule dilapidé, un compte administratif rejeté, un cadeau de 10 000 euros aux commerçants du port, des retraits de délégation à des élus, des maladresses, une incapacité à manager l’équipe municipale entraînant une rupture profonde et durable ». En conséquence, la confiance n’existant plus, l’élue du Modem demande que les délégations, consenties au maire après son élection, lui soient retirées.
Face à « ce push assez dérisoire », Didier Quentin riposte, estimant le procédé « inqualifiable » de la part d’une collègue restée discrète quant à ses manœuvres.
Au sujet des voûtes du port, il rappelle que plusieurs réunions ont eu lieu à la criée. Les délais ont été tenus avec une ouverture le 21 juin. Royan profite largement de la réserve parlementaire dont bénéficient les députés et sénateurs. Ces derniers, à leur guise, peuvent attribuer des subventions non négligeables pour financer des projets. À titre d’exemple, une somme importante a été affectée aux vestiaires du rugby. « Je poursuis les actions de l’ancienne municipalité et de nombreux dossiers ont été menés à bien. Nous avons eu une belle saison touristique avec la venue du Belem et je suis intervenu pour que soit abandonné le port méthanier du Verdon » remarque-t-il avant d’ajouter : « j’ai le sens du dialogue. Je vous ai fait des propositions, mais si vous faites de l’obstruction systématique, je serai dans l’obligation de suspendre cette séance. Ce genre d’attaque est indigne. Je ne demande pas mieux que la dissolution du conseil. C’est au peuple d’avoir le dernier mot. Les Royannais jugeront ».
À cette déclaration explicite, suit une déferlante de doléances. Certains craignent pour leurs délégations et le font savoir : Miroir, gentil miroir, garderais-je mon beau pouvoir ? Il est vrai que la situation est délicate. Pascal Rich, délégué au commerce et à l’artisanat, vient de perdre ses attributions pour « propos critiques envers la municipalité ».
« Ce n’est pas à 76 ans que je vais devenir un traître »
L’assaut principal vient d’Henri le Gueut qui mêle la corde sensible à la fermeté. Treize ans le séparent de Didier Quentin : s’il n’a pas l’âge d’être son père, il pourrait en être le parrain. Et de conter des événements qui se dévoilent généralement en aparté : « Monsieur le député maire, vous avez été content de me trouver. Si vous êtes député, reconnaissez que votre premier adjoint vous l’a permis. Rappelez-vous ce repas à Paris au restaurant la Cagouille ! Vous dites que je suis un traître, que je suis déloyal, mais à cette époque, nous nous entendions bien. Ce n’est pas à 76 ans que je vais devenir un traître. J’ai toujours défendu la cause des citoyens qui ont voté pour moi. Aux dernières municipales, j’étais pour une liste d’union et quand nous nous sommes retrouvés avec Dominique Bussereau, toujours à Paris, j’ai approuvé quand vous avez dit que vous vouliez être maire de Royan. Quand on fait l’union, on prend l’actif et le passif. J’ai eu confiance en vous. Aujourd’hui, vous avez une attitude surprenante : vous retirez des délégations et qu’avez-vous fait de l’argent que la précédente mairie vous a laissé ? Je comptais rester sage dans mon coin, mais quand je suis attaqué, je réponds ».
Face à cette diatribe, Didier Quentin est secoué. Il réagit en montrant une lettre, apparemment anonyme, où il est demandé aux conseillers de voter à bulletin secret afin de déstabiliser le maire. Henri Le Gueut l’aurait-il rédigée « sur sa machine à écrire » (nous serions plutôt à l’époque des ordinateurs) ? Ce dernier dément “sur son honneur“ être à l’origine du courrier, « ignorant le maniement de ce matériel ». Didier Quentin va plus loin en soulevant la fameuse question du pécule : « Vous dites que je l’ai dilapidé. Or, je n’ai trouvé que des millions virtuels, des promesses de campagne électorale ». Henri Le Gueut finit par avouer que ces sommes correspondaient à des emprunts…
« Aujourd’hui, Royan est la risée du département »
Apportant son soutien au premier magistrat, Bernard Giraud, maire adjoint chargé de l’environnement, s’étonne de la proposition de Geneviève Dumas d’enlever ses délégations au maire. Il demande à l’assemblée de cesser ce jeu malsain qui consiste à s’écharper devant les caméras : « Voir un car de police à l’entrée de la mairie me fait mal. Serions-nous en guerre civile ? Actuellement, où que j’aille, Royan est la risée du département. Je suis déçu. Il y a ici des gens qui viennent mordre la main de celui qui les a nourris ».
Didier Quentin apprécie cette aide, las d’assister à un spectacle “affligeant“ : « Nous sommes dans une situation de blocage. Je voulais rassembler avec une part de continuité et l’autre de changement. Ces rivalités ne peuvent plus durer ». Des rivalités qui agitent la majorité, c’est là que le bât blesse.
« Effectivement, nous ne voulons plus que Royan soit montrée du doigt » rétorque un élu qui prône la démission collective. À gauche, Jacques Guiard déplore « les combinaisons politiques. Les élus de l’opposition sont extérieurs à vos problèmes. Traitez-les entre vous. Personnellement, je ne démissionnerai pas ».
Pour Philippe Cau, il faut que la majorité mette à plat les problèmes. « On n’a jamais vu une gazelle revenir après avoir demandé son chemin à un lion » est une formule qui résume assez bien la situation.
La chasse au grand gibier étant toujours ouverte, Geneviève Dumas Orsini revient à la charge avec son “Beretta“, demandant un vote à bulletin secret qui statuera sur les délégations de Didier Quentin. Le vote est révélateur de l’ambiance. À une voix près (16 pour le retrait, 15 contre, deux abstentions), il en sera privé. Cette première étape démontre à quel point la vie royannaise est un univers impitoyable.
L’intéressé déclare qu’il en tirera les conséquences, « l’important étant de sortir de cette guerre de tranchées avec une nouvelle élection municipale ».
Fin de cet acte suivi d’un nouveau conseil, jeudi soir. Ambiance assurée ?
• L'info en plus
« Une occasion historique de faire baisser le prix de l’eau à Royan »
C’est sur le front de l’eau que la bagarre actuelle est la plus sévère. À Royan, depuis belle lurette, ce marché, ainsi que l’assainissement de la CDA, est entre les mains de la SAUR (Société d’Aménagement Urbain et Rural dont le siège est dans la région toulousaine), via la CER (Compagnie des Eaux de Royan). Les citoyens se plaignent régulièrement de factures trop élevées.
Un nouvel appel d’offres a donc été lancé par la mairie pour désigner un délégataire proposant un bon rapport qualité/prix. La compagnie la moins disante est Véolia, mieux placée que la CER. « Si le choix de Véolia est retenu, le prix de l’eau va baisser entre 10 et 30 % et nous allons dégager 600 000 euros pour Royan, sans compter la reprise du personnel, soit douze salariés. Par ailleurs, la ville sera protégée contre tous risques d’avenant » souligne Didier Quentin. Malgré cette bonne nouvelle, certains sont hostiles à Véolia et aimeraient que la SAUR ne soit pas victime d’un mauvais sort.
Leurs arguments auraient été intéressants à entendre, mais ce point ne figura pas l’ordre du jour tant la séance fut longue et difficile. Le sujet sera traité lors de la prochaine réunion, vraisemblablement.
Avant toute chose, Didier Quentin, une nouvelle fois attaqué, a expliqué qu’il n’avait aucun rapport avec Véolia et que son frère Bruno ne travaillait pas pour cette société (il y aurait six Quentin “homonymes“ à Véolia). Avec une telle suspicion, on finirait par perdre ses nerfs !!!
• Dis Tonton, à qui tu causes ?
Ce même soir, la séance aurait mérité de figurer dans un reality show.. En effet, alors que le budget supplémentaire venait d’être enfin voté à main levée à une faible majorité, ainsi que ceux du camping et de l’eau, voilà que le vote récapitulatif des trois postes fut demandé à bulletin secret. Un conseiller, Gérard Cœuret, reçut alors un coup de téléphone venant d’un portable que lui tendit Hélène Croué, adjointe aux affaires sociales. Qui lui voulait cet interlocuteur inconnu ? L’aurait-il encouragé à revoir sa copie ? Suivit une belle agitation face à ce qui fut considéré comme une manipulation. Bref, la séance fut levée et il faudra revoter l’intégralité des trois budgets.
• Dis-le-moi dans l’oreille
• Véolia porte plainte pour diffamation contre X :
En effet, ses responsables estiment qu’on ne peut pas dire tout et n’importe quoi sur leur société. Le contenu de tracts, distribués sur le marché dominical de Royan, les a choqués. Ils porteront l’affaire devant le Tribunal.
• Après avoir insinué qu’Henri Le Gueut avait tapé une lettre anonyme sur sa machine, fait que le premier adjoint a démenti, Didier Quentin lui rappela un courrier, plus officiel, adressé à Michel Doublet et Daniel Laurent. Réaction d’Henri Le Gueut : « quand on est un patron, on est au dessus tout ça ».
Photo 1 : Le député maire Didier Quentin. A ses côtés (gauche de la photo) son premier adjoint Henri Le Gueut, ex maire de Royan, proche de Philippe Most qui se présente aujourd'hui comme médiateur.
Photos 2 et 3 : Ambiance tendue et journalistes en grand nombre !
Photo 4 : Didier Quentin souhaite recomposer un conseil avec des gens "sûrs" pour avoir une majorité. Dans ce cas, Henri Le Gueut, 76 ans, pourrait bien perdre certains pouvoirs.
Photos 5 et 6 : Un nombreux public présent à ce conseil
Photos 7 à 13 : Le retrait des délégations à Didier Quentin a fait l'objet d'un vote à bulletin secret. 16 voix ont voté ce retrait, 15 étaient contre et deux blancs.
Photos Nicole Bertin
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