lundi 17 février 2025

Jonzac/Le malade imaginaire : Molière est bien vivant : la preuve, il nous fait toujours rire !

En cette année 2025, où le thermomètre du monde fait apparaître une forte fièvre, quoi de plus rafraîchissant qu'un bon spectacle en ce vendredi de la Saint-Valentin ? Le Malade Imaginaire, présenté par le Théâtre du Pont Tournant au château, tombait à point donné. Costumes d'une fringante originalité, jeu subtil des comédiens, mise en scène éprise de liberté, accessoires où trônaient les pots de chambre, rien ne manquait à cette pièce de Molière. Hasard du destin, l'auteur poussa son dernier soupir sur scène alors qu'il jouait Argan lors la quatrième représentation. Ne soyons pas tristes, Molière est bien vivant : la preuve, il nous fait toujours rire !

Bravo le Théâtre du Pont Tournant !

Argan et sa femme Béline

Que le rideau s'ouvre ! Trônant sur son fauteuil, Argan suit à la lettre les recommandations de ses médecins : saignées, purges, lavements et autres tortures censées lui rendre vigueur et entrain. Sa jeune femme, fort intéressée par son état ou plutôt par l'état de ses biens, l'encadre avec toute l'hypocrisie nécessaire. Seules Toinette, son insolente servante, et sa fille Angélique sont sincèrement attachées à lui. Il le réalisera grâce à un stratagème en se faisant passer pour mort. Angélique échappe de justesse à un mariage forcé avec Thomas Diafoirus pour enfin s'unir à Cléante. Le comique de la situation est servi en conclusion : sur les conseils de son frère Béralde, Argan devient lui-même médecin. 

Morale de l'histoire : on n'est jamais mieux soigné que par soi-même !

Angélique, fille d'Argan et Toinette

Un décès simulé pour tester sa cote d'amour...
Diafoirus père et fils, pas terrible le parti !
Cléante et Angélique, les amoureux
M. Purgon : Vous prendrez bien un petit lavement ?

Les chirurgiens étaient des barbiers...


Cette pièce nous plonge dans l'univers du Roi Soleil où mieux valait être riche et bien portant que pauvre et malade ! A cette époque, la médecine reposait sur les théories héritées de l'Antiquité, celles du grec Galien en particulier, elles-mêmes inspirées d'Hippocrate. On croyait aux quatre humeurs : le sang, la lymphe, le bile jaune et la bile noire. Toute instabilité entraînait des "sautes d'humeur", expression bien connue. Saignées ou lavements ne faisaient en réalité qu'affaiblir le malheureux patient. La profession aurait sans doute progressé si l'Eglise, très puissante, s'était montrée compréhensive. Or, elle interdisait les dissections de cadavres. Certains les pratiquaient tout de même, mais au péril de leur vie ! « Pour prétendre être médecin, il fallait être catholique, savoir le latin et payer un droit d'inscription élevé pour s'inscrire à la Faculté de médecine. En fait, l'étudiant devenu médecin n'avait appris son métier que dans les livres et ne possédait aucune pratique. En revanche, le chirurgien n'était pas médecin. L'acte de chirurgie était réalisé par des barbiers qui avaient l'expérience de la pratique : le chirurgien traitait les plaies, incisait les abcès. Contrairement aux médecins, la chirurgie a obtenu des résultats, en opérant avec succès Louis XIV d'une fistule anale par exemple » soulignent les  historiens. 

Portant une grande robe, une fraise et un chapeau, les médecins ne pouvaient qu'inspirer Molière qui ne les a pas ménagés.

Ce Malade Imaginaire, qui vient jusqu'au public en l'amusant, est un hymne à la bonne humeur et à la liberté d'expression. En ironisant sur les pratiques, en se moquant de ses congénères sans jamais devenir grossier, Molière est un observateur de grand talent. Il aurait pu faire sienne cette citation de Coluche : « Avant moi, la France était coupée en deux. Avec moi, elle sera pliée en quatre ». Rions donc le plus longtemps possible, une journée sans rire étant une journée perdue, dit-on !

Un grand coup de chapeau au Théâtre du Pont Tournant et à sa troupe. Et que vive la culture, dans les grandes comme les petits villes !




Photos Nicole Bertin

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