A Royan, sur la grande esplanade, on découvre un monument érigé en mémoire de Pierre Dugua de Mons. Face à l'estuaire et donc aux flots, quel meilleur endroit ! Ce Saintongeais, marié à Judith Chesnel de Meux, est étroitement lié à Samuel Champlain et à la fondation de Québec en 1608. Il est mort en février 1628 dans son château d'Ardennes à Fléac-sur-Seugne, près de Pons. Entrons dans l'histoire et si vous souhaitez en savoir plus, une exposition "Au cœur de l'histoire du Canada" est organisée par l'association Amacadie aux Archives de Jonzac
Monument à Royan à la mémoire de Dugua de Mons |
Ses interventions ont été couronnées de succès : La ville de Québec et le Ministère de la Culture ont reconnu l’action déterminante de Dugua, dont le rôle dans la fondation du premier établissement français en Amérique du Nord est incontestable. A l'époque, une plaque avait été dévoilée en présence des autorités dont Agnès Maltais, alors ministre de la Culture et Jean Paul l’Allier, maire de la ville de Québec. Imaginez le bonheur de Jean Yves Grenon qui n’avait jamais cessé de "militer" en faveur de Dugua.
Au musée de Royan, le regretté Jean Glénisson, Marie-Claude Bouchet et Jean-Yves Grenon devant la maquette de l'habitation (croquis ci-dessous) © N.B. |
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• Allocution prononcée le 3 juillet 1999 par Jean-Yves Grenon, à l’occasion du dévoilement de la plaque « Pierre Dugua de Mons » par le maire de Québec Jean-Paul l’Allier
« La ville de Québec, ville de mémoire, accomplit un devoir de reconnaissance historique envers l’une des plus grandes figures de sa fondation, Pierre Dugua, Sieur de Mons, trop longtemps oublié dans la mémoire populaire.
La plaque dévoilée rappellera que Samuel de Champlain, notre fondateur, n’était pas seul dans son audacieuse entreprise.
Qui était Pierre Dugua ? Pierre Dugua, Sieur du fief de Mons, est né à Royan en Saintonge, de famille noble, vers 1560 et il est décédé en 1628 à Fléac sur Seugne, près de Pons dont il fut gouverneur de 1610 à 1618. Pour avoir combattu sous la bannière d’Henri de Navarre, le roi l’élève à la dignité de Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.
Champlain lui-même et l’historien de la Nouvelle France, Marc Lescarbot, l’ont décrit comme un homme aimable, bon organisateur, persévérant et surtout animé d’un grand dessein, celui de donner à la France une terre en Amérique du Nord, avant que les Anglais ou les Hollandais ne s’y installent. Pour l’honorer, Champlain, sur sa carte de 1613, désigne du toponyme de « Mons du Gua » le promontoire de l’actuel Cap aux Diamants.
Financier prospère à Paris, il rêve d’Amérique. En 1600, l’occasion se présente d’accompagner son ami Pierre Chauvin à Tadoussac, alors simple comptoir saisonnier pour la traite des fourrures. Dugua, revenu en France, est déterminé à fonder une colonie de peuplement en Amérique. Non sans difficulté, il en obtient l’autorisation politique du roi Henri IV qui le nomme son lieutenant général pour l’Acadie et la Nouvelle-France, de 1603 à 1612, mais à la condition qu’il s’engage à financier lui-même les coûts de l’incertaine colonisation. En contrepartie, le roi lui accorde le monopole de la traite des fourrures avec le Canada, de manière à compenser les frais de l’entreprise, car il doit rien en coûter à l’Etat.
La traite des fourrures avec les Indiens |
C’est ainsi que Dugua de Mons revient en Amérique en 1604 pour y installer une première colonie, éphémère, à l’île Ste Croix, colonie qu’il lui faut déplacer dès 1605 à Port Royal, l’actuelle Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse. L’Acadie est fondée.
Hélas, son monopole commercial ayant été aboli prématurément suite aux pressions de l’intendant Sully et des marchands rivaux, privés du commerce des fourrures, Pierre Dugua doit se résigner, en 1607, à fermer Port Royal et à ramener les colons en France.
Malgré ce dur revers financier et politique, le sieur de Mons demande au Roi et obtient le renouvellement de son monopole commercial, mais pour une année seulement. Il choisit alors son jeune ami Champlain, en qui il a toute confiance, pour aller fonder Québec. Dans ce but, il le nomme son lieutenant et lui confère pratiquement tous ses pouvoirs politiques. Il donne également à Champlain tous les moyens matériels et financiers nécessaires à la réussite de la lointaine entreprise. C’est ainsi que Québec et son « habitation » sont la propriété de la compagnie du Sieur de Mons de 1608 à 1613, même si lui-même ne s’y rend pas, soucieux de veiller en France aux intérêts de sa compagnie, constamment menacée par les autres marchands.
Et quand en 1609, alors qu’il n’y a plus que sept survivants à Québec, au moment où tout semble perdu pour la France en Amérique, c’est à Pierre Dugua que la Nouvelle France doit sa survie. L’historien jonzacais Jean Glénisson l’a rappelé dans son livre « la France d’Amérique ».
Plus tard, en 1617, Dugua écrit une très belle lettre à Louis Hébert afin de l’encourager à aller prêter main-forte à Champlain, en s’établissant à Québec avec sa famille. En 1619, déjà âgé et alors qu’il est à la retraite, Dugua entreprend le long voyage de Pons à Fontainebleau pour défendre son lieutenant Champlain et obtenir que Louis XIII le confirme comme commandant à Québec, alors qu’une nouvelle compagnie commerciale veut l’en déloger.
Enfin, permettez-moi d’emprunter ma conclusion à l’historien Marcel Trudel qui a écrit que : « sans Dugua, on peut présumer qu’il n’y eût pas eu de Champlain». Pour ma part, j’ajouterais : et qui sait si Québec aurait été fondée, et fondée Française ? ».
En 1610, Dugua de Mons devient gouverneur de Pons. Il trouve la mort le 22 février 1628 au château d’Ardennes, sa propriété de Fléac. Il est inhumé sous un if immense, planté devant la demeure. « Si c’est dans l’adversité qu’on reconnaît les grands hommes de l’histoire, Pierre Dugua de Mons en est un, incontestablement » remarquait Jean-Yves Grenon. Un compliment amplement mérité…
L'info en plus
• Jean-Yves Grenon était passionné par Dugua de Mons. Il l’a réhabilité dans l’histoire en rétablissant la vérité : « On parle toujours de Champlain, fondateur du Québec en 1608. C’est erroné et injuste. Sans Dugua de Mons, cette entreprise française audacieuse en Amérique n’aurait jamais abouti ». Diplomate de carrière, Jean-Yves Grenon a été nommé consul général du Canada à Strasbourg, ambassadeur du Canada au Pérou et en Bolivie, ainsi qu'observateur permanent au Conseil de l’Europe. Il a par la suite été professeur à l’Université de Montréal, à l’Université Laval et à l’École nationale d’administration publique. Marié à une Jonzacaise, il est décédé en 2019.
• Le 3 juillet 2007, la Ville de Québec a érigé un imposant monument à la mémoire de Pierre Dugua de Mons, grâce au travail de dix ans de recherche de l'historien Jean-Yves Grenon, en présence d'une délégation officielle de Royan, sur la terrasse Pierre Dugua de Mons
• En 1596, Pierre Dugua épouse Judith Chesnel de la Seigneurie de Meux, près de Jonzac. La dot s'élève à 25 000 livres. Cette "manne" lui permet de réaliser ses projets. Pierre Dugua descend d'une famille établie depuis le XVème siècle au château de Châtelard à Meursac.
Eglise et logis de Meux |
Le logis de Meux restauré par Monique Guilbot (collection particulière) |
• Après avoir obtenu le feu vert du Roi de créer une nouvelle colonie à l’intérieur du Saint-Laurent, deux navires sont armés, des colons volontaires recrutés : l’ensemble dépend d’une nouvelle compagnie commerciale soutenue par deux financiers de La Rochelle. Champlain dispose de tous les moyens (bateaux, hommes, argent) pour mener à bien ce projet commun. Dugua, quant à lui, reste en France. Plus apte à veiller aux coups bas, il protège les intérêts de l’expédition. Dans la réalité, Dugua et Champlain ne s’abandonneront jamais.
L'if sous le lequel est enterré Dugua de Mons au château d'Ardennes |
• Marc Lescarbot, poète historien de la Nouvelle France qui embarqua avec Dugua de Mons, avait tenu à célébrer l’illustre Saintongeais en lui consacrant ce joli sonnet tiré de son théâtre de Neptune (1) :
De Monts, tu es celui de qui le haut courage
A tracé le chemin à un si grand ouvrage
Et pour ce, de ton nom malgré l’effort des ans
La feuille verdoiera d’un éternel printemps.
1 - Le Théâtre de Neptune de Marc Lescarbot a été composé et interprété à Port Royal en 1606. C’est la première pièce en français. A une époque, l'historien Jean Glénisson avait pensé présenter la pièce à Royan. Malheureusement, le projet n'a pas abouti.
• La suite de l'histoire : À la suite de la guerre de Sept Ans, le Québec est une colonie britannique entre 1763 et 1867 d'abord en tant que province de Québec, puis comme province du Bas-Canada avant de devenir le Canada-Est. Elle est finalement unie avec le Canada-Ouest, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse en 1867. Le nouveau pays devient officiellement le Canada.
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