mardi 31 janvier 2017

Daniel Genet nous a quittés : Le moulin de la Sablière est en deuil à Floirac

Le 21 janvier, à l'âge de 90 ans, Daniel Genet, qui avait restauré avec amour et exactitude le moulin de ses ancêtres à Floirac, a rejoint le paradis des meuniers. Il n'hésitait pas à en ouvrir les portes et à le faire visiter, fournissant moult détails sur les mécanismes, les ailes et ce métier aujourd'hui disparu. « Au Japon, on l’aurait honoré comme un Trésor Vivant » souligne l'ethnologue Noëlle Gérome. « C'est avec beaucoup de tristesse que j'apprends la nouvelle de sa disparition. Un pan de mémoire s'en est allé, mais je garde précieusement la connaissance de son moulin que M. Genet avait accepté avec beaucoup d'entrain de partager avec moi » ajoute Yannis Suire, conservateur en chef du Patrimoine. Pour tous, Daniel Genet était un homme qui savait partager ses connaissances et surtout les transmettre avec une grande simplicité et beaucoup de gentillesse. Son souvenir restera dans les mémoires.

Le moulin en 1931, Daniel Genet avait 4 ans et il tenait sa maman par la main
Michel Seguin, qui le connaissait bien, raconte son histoire :

« Une visite sympathique, pour mieux connaître et apprécier l'un des fleurons du patrimoine bâti sis sur la commune de Floirac. Le moulin à vent de la Sablière, propriété de la famille Genet,
meuniers depuis cinq générations. Daniel, le patriarche, nous fait découvrir son moulin et le fait revivre par ses paroles. Il les répète volontiers à chaque personne qu'il rencontre. Ce brave meunier en retraite depuis quelque temps ne manque pas de faire l'éloge de son beau moulin. Il n'est pas avare de ses pas ; il n'hésite pas à gravir les nombreuses marches en forme de colimaçon (cagouille), confectionnées dans de la pierre locale. Il fait ainsi revivre l'espace d'un instant, des scènes vécues ou mémorables.
J'ai pris quelques photos de l'intérieur et de l'extérieur de cette attachante bâtisse, pour la
journée des moulins. Je reviens aujourd'hui pour partager un moment convivial avec Paulette et Daniel Genet. J'en profite pour leur poser des questions.

Daniel Genet, un homme affable qui restera dans les mémoires (photo Michel Seguin)
Daniel Genet,  vous êtes né en 1927, le 21 novembre pour être précis. Vous avez perpétré la tradition familiale et meunière. De ce fait, vous vous êtes fait un réel plaisir, sûrement partagé avec votre père André François. Vous faisiez le petit chasseron perché sur la charrette tiré par un fier cheval ; vous, tout aussi fier d'aller chercher le blé chez le paysan du cru ou bien de St-Fort ou de Virollet, et inversement, pour livrer la farine odorante et colorisée de diverses teintes de gris.
Pour en revenir à votre moulin, la maçonnerie est anonyme. Sur la crochette, il n'y a point de graffiti ou autres marques de compagnons et de maîtres ouvriers qui pourraient apporter un témoignage. Par contre, vous vous souvenez bien du moulangeur (ébéniste) qui a confectionné et assemblé la calotte sur le chemin dormant de la tonnelle. C'est Claude Lutard de Champagnac.
Vous avez fait, il y a quelques années, restaurer les verges des ailes Berton qui ont remplacé les voilures en toile de lin des origines. Une petite anecdote pour protéger les toiles des sacs de jute qui séchaient, pendus à un fil tendu entre deux éléments de boiserie de la charpente majestueuse. Pour ruser avec les prédateurs, vous enfiliez une bouteille en verre à chaque extrémité du filin.
Vos ascendants ont adapté une poulie (prise de force) au bout d'un axe en départ de la machinerie du sous-sol et qui aboutissait dans un petit bâtiment adjacent appelé tamiserie ou nettoyage. Pour faire fonctionner la bluterie. En cas de manque de vent, de problèmes et autres raisons techniques, en 1927 vous avez fait l'acquisition d'un moteur Pineau à essence, flambant neuf.

Daniel Genet, gardien de la Sablière (photo Patrick Loiseau)
Les meules en silex meulier jaunâtre, dormantes ou gisantes (fixes) ou tournantes (mobiles) étaient rhabiller très souvent avec une pigette ou marteau pigeur (pic à deux pointes), 8 à 10 pigettes par meule de 1,80 m environ étaient nécessaires. Le travail de rhabillage était très pénible et dangereux (dixit Mr Genet). Le piquetage servait à affûter les meules et il fallait aussi refaire les rigoles, petites tranchées en rayons qui acheminent la mouture (farine) à l'extérieur dans le coffre en bois qui alimente l'anche et ensuite la maie.
Le bois pour la confection des charpentes et autres éléments, trempait de nombreuses années dans de l'eau et il était retourné tous les deux jours. Daniel Genet m'a conté des histoires sur la guerre, suite aux trous faits dans le drapeau métallique et patriote sur lequel est juché le coq qui est un fort emblème.
Deux dernières questions : La personne que vous admirez ou que vous aimez le plus ? Mon père. Un personnage qui vous a marqué ? James Lavergne de Floirac, Pascal Ferchaud de Saujon, Mme Danièle Mazoin et son époux Daniel. Paulette Genet tient à jour un livre d'or dans lequel il y a de multiples témoignages enthousiastes et humains. ll y a même des Américains qui ont écrit quelques lignes. Des Belges reconnaissants leur ont confectionné un joli tableau représentant le moulin Genet (ainsi nommé sur les cartes géographiques) ».

Le moulin a perdu son gardien mais si vous passez par Floirac, n'hésitez pas à rendre une visite à ce témoin d'un autre temps ! Daniel Genet mérite cet hommage que vous rendrez à ce "compagnon" qui a constitué l'aventure de sa vie.

Le moulin de la Sablière (photo Michel Chanaud)

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