jeudi 5 janvier 2017

Francis Perrin à Jonzac : « Durant toute ma carrière, j’ai joué des rôles que j’aimais ! »

L'hommage du comédien à Molière 

Molière et Francis Perrin, une longue histoire (© Nicole Bertin)
« Molière malgré moi ne veut pas dire que j’ai décidé de faire revivre Molière contre mon gré. Bien au contraire ! Je n’ai pas pu faire autrement. C’est lui qui m’y a poussé en quelque sorte » souligne Francis Perrin. A Jonzac où il a donné deux représentations au théâtre du château, il a conduit le public dans l’univers haut en couleurs de Jean-Baptiste Poquelin. Observateur de son temps, bénéficiant d’une liberté d’expression rare à l’époque, Molière est irremplaçable. La vie à la Cour était, à elle seule, une formidable source d’inspiration, comme le sont aujourd’hui l’Elysée, Matignon et les partis politiques !Auteur, metteur en scène, interprétant Molière seul sur scène, Francis Perrin revit et fait revivre avec émotion les tribulations souvent cocasses des quinze dernières années de la vie du célèbre dramaturge dont la vie s’est arrêtée brusquement en 1673. Ce sacré spectacle s’est terminé en toute simplicité par les questions du public au comédien.

Les confidences de Francis Perrin :

Une rencontre privilégiée entre le public et le comédien
• « Quand on entre en scène, il faut toujours être en énergie. L’essentiel est de partager plaisir et passion avec le public. J’ai fêté en juin dernier mes 50 ans de carrière. J’ai calculé que j’avais donné à peu près 8500 représentations, soit plus de vingt ans en scène.
Pour moi, entrer en scène, c’est une religion, c’est une mission. Ce n’est pas par hasard que je suis encore là. Je l’avais déjà compris à mes débuts quand je jouais un garde dans Britannicus. Pourquoi j’ai choisi Molière ? Parce que j’ai eu une vraie rencontre avec lui !

• J’ai joué une quinzaine de pièces de Molière, dont les Fourberies de Scapin 333 fois au total. J’ai joué cette pièce à 30, 40 et 50 ans avec trois mises en scène différentes. C’est un beau souvenir. Scapin, c’est un faux beau rôle : quand le Scapin n’est pas extraordinaire, les autres ramassent tout ! Je me souviens d’une critique de Jean-Jacques Gautier qui avait titré « les fourberies de Sylvestre ». Comme j’avais le rôle de Sylvestre, j’étais content… celui qui incarnait Scapin l’était moins ! Scapin fait formidablement rire, mais le personnage en lui-même n’est pas gentil ! La pièce que je préfère de Molière est le Misanthrophe. 

• J’ai présenté « Molière malgré moi » en France, en Belgique et aux Etats-Unis. L’accueil y a été très chaleureux. C’est formidable pour Molière d’être présent outre Atlantique, il le mérite ! Des représentations ont eu lieu à New-York, Boston, Sans Francisco, Los Angeles (l’après-midi pour les universités françaises et le soir pour le public).

• Molière malgré moi : J’ai fait deux ans de recherches sur la vie de Molière et tout ce qui est dit est historique. Au départ, le spectacle était beaucoup plus long, je l’ai volontairement réduit. Je m’intéresse à Molière depuis l’école. C’est un comédien qui écrit ; ses textes sont faits pour être joués. J’ai des affinités avec lui depuis longtemps. Quand j’ai passé mon bac en 1966, j’ai eu Molière en dissertation. J’ai obtenu 17 sur 20, mon travail étant publié dans le Figaro littéraire ! Molière m’a sauvé de ma faible note en mathématiques !

• Molière est très moderne, les personnages n’ont pas vieilli et ils font rire dans le monde entier. Il a eu beaucoup de succès durant sa vie. Toutefois, certaines pièces ont reçu un accueil mitigé, l’Avare, le Misanthrophe, les Fourberies de Scapin. Ce sont elles qui marchent le mieux actuellement. Molière avait le souci de plaire au Roi, à la Cour et en même temps au peuple.

• Molière était en colère quand il a été imprimé pour la première fois contre son gré. Il s’agissait des Précieuses Ridicules. « Si on m’avait prévenu, j’aurais travaillé davantage. Je ne suis pas un poète, ni un écrivain » avait-il déclaré à l’époque. Je pense qu’il devait beaucoup improviser. Les critiques l’aimaient peu. Boileau et La Fontaine l’ont défendu.  
Il y a une polémique au sujet de ses pièces : c’est impossible qu’il ne les ait pas écrites. Thomas, le frère de Corneille, le haïssait. Si Corneille avait écrit les pièces de Molière, ses confrères se seraient empressés de le faire savoir sur la place publique. Ils ont écrit une fois ensemble, Psyché. Par ailleurs, Molière a été trahi par Lully et Racine.

• Molière était protégé par le Roi jusqu’au moment où il est tombé made, la tuberculose vraisemblablement. En effet, le Roi ne voulait pas de gens malades autour de lui…

• Contrairement à ses prédécesseurs, Louis XIV ne voulait pas de bouffon. Ces derniers, en effet, avaient seuls le droit de se moquer du Roi. Il s’est servi de Molière pour se moquer de son époque ! Si l’on prend la pièce « Les Fâcheux » donnée à Vaux-le-Vicomte, c’est le Roi qui a suggéré à Molière le passage du chasseur, lui indiquant la personne de la Cour qui pouvait l’inspirer. C’est l’une des scènes le plus extraordinaires des Fâcheux !

• Molière est mort à l’âge de 51 ans en 1673. Réunissant plusieurs troupes, la Comédie Française a été créée en 1680.

Francis Perrin fait revivre Molière (© Nicole Bertin)

Molière malgré moi, un défi que relève Francis Perrin avec panache. Il en sort « vidé » mais l’essentiel n’est-il pas de tenir le public en haleine ? A Jonzac, dans le cadre des Feuillets d'automne, il a donné deux représentations au théâtre du château, la seconde étant manifestement différente de la première (selon les déclarations du comédien).

Durant toute sa carrière, Francis Perrin a joué des rôles qu’il aimait à l’exception d’une pièce d’Ionesco. « La soif et la faim m’a posé problème. Robert Hirsch m’avait prévenu. J’ai joué cette pièce 40 fois, mais j’étais content d’arrêter ». Francis Perrin porte de l’admiration à Molière, Beaumarchais, Anouilh.


• La costumière Pascale Bordet a imaginé les vêtements de la pièce. Elle a trouvé le tissu de la robe de chambre en Angleterre.

• Francis Perrin est apparu récemment à la télévision dans la série « Mongeville » tournée à Bordeaux

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