Un univers mystérieux et fascinant |
1er avril, sous le signe du poisson !
« L’aquarium, c’est l’histoire d’un frère et d‘une sœur qui ont réalisé le rêve de leur père » explique Roselyne Coutant Bénier.
Le premier aquarium voit le jour en 1970 dans le quartier la Ville en Bois. Il est alors situé à l’intérieur de l’entreprise de René Coutant. « Mon père le faisait visiter tous les week-ends gratuitement. Il voulait en proposer un plus grand. À l’époque, personne n’a voulu le suivre. Quand il présentait son projet aux élus, il avait 70 ans, mon frère et moi une vingtaine d’années. Les responsables ne croyaient ni en lui, ni en nous ! Fataliste, Papa disait : quand on dirige une société privée, on est privés de tout ! » se souvient-elle. En conséquence, la famille prend la décision de demander deux francs pour chaque visite. Roselyne tient la caisse.
L’initiative est remarquée par l’émission télévisée “Les animaux du monde” de Maryse Delagrange. Le succès est au rendez-vous avec 100.000 visiteurs par an. Parallèlement, la production d’aquariums se poursuit : « elle s’était développée à l’international. Nous envoyions des cuves faites sur mesure pour des laboratoires de recherches aux îles Kergelen, à Kalarach, etc ».
Un jour, le comptable leur annonce que les recettes de l’aquarium sont suffisantes pour se recentrer sur cette seule activité. « Arrêter la fabrication ? Pour moi, c’était idiot car on pouvait faire les deux ».
Malheureusement, tout bascule dans la nuit du 31 juillet 1985. La Ville en Bois s’embrase et l’aquarium n’échappe pas aux flammes. « Pascal m’a appelée vers 7 h pour me prévenir que nous n’avions plus rien. L’usine avait brûlé, les aquariums avaient éclaté et les poissons étaient morts. C’était horrible. Nous n’avons pas baissé les bras et sommes repartis comme des fous, sans réfléchir. Les assurances ont finalement remboursé. Les salariés ont été payés ».
Quand il s'agit de reconstruire, les Coutant ne sont pas enthousiastes à l'idée de retrouver leur ancien site, d’autant que le terrain appartient à la ville. L’usine de fabrication déménage alors à Chef de Baie. « L’aquarium a été installé dans un bâtiment en location du côté des Minimes, non loin du musée océanographique ». Il est inauguré le 1er avril 86.
Roselyne et son frère ne veulent pas en rester là : pour eux, la Rochelle doit avoir un grand aquarium “vaisseau de verre et de bois amarré au bassin des grands yachts” !
Grâce à des soutiens bancaires, le rêve devient réalité le 1er avril 88. Encore une date placée sous le signe du poisson ! L’effet est remarqué : l’aquarium nouvelle version est le plus grand de France, devant celui de Monaco avec ses 500.000 litres d’eau de mer et une surface de 1 300 m2.
La communication gravite autour de la richesse des espèces réunies en un même lieu : le visiteur a devant lui des fonds marins de l’Atlantique, du Pacifique et des Tropiques. Bien sûr, la télé ne veut pas manquer l’événement. « Le samedi de Pâques, j’étais à l’accueil. Cette journée-là, nous avons eu 6 000 personnes et une évidence nous a sautés aux yeux : l’aquarium était déjà trop petit ! ».
Le prochain sera donc plus vaste : « Nous avons économisé pour concrétiser l’aquarium actuel situé près de l’Encan. S’il a été inauguré officiellement le 1er avril 2001, il a ouvert ses portes au public quelques mois auparavant, juste avant Noël pour que ce soit le cadeau de Noël des Rochelais. La fête était magnifique en présence d’Éric Cordier, l’architecte. Tout a tout étudié, pensé, préparé ». La structure est six fois plus grande que celle des Minimes, soit 8700 m2 et 3500.000 litres d’eau.
Le résultat est là : la fréquentation est de 800.000 visiteurs par an.
Vingt mille lieues sous les mers
Le concept est une porte ouverte sur la connaissance, tout en privilégiant l’émotion de la découverte. L’entrée est un clin d’œil au roman de Jules Verne “Vingt mille lieues sous les mers”. Le voyage ne fait que commencer ! Passager d’un sous-marin, vous naviguez en silence au milieu des océans. Chaque aquarium est une scène où évoluent les poissons au milieu d’un décor végétal. Des esturgeons aux maigres en passant par des espèces vivant dans les eaux claires des lagons ou des massifs coraliens, le dépaysement est assuré ! D’argentées le plus souvent, les écailles se colorent pour offrir des parades étonnantes que révèle la lumière. Certains poissons semblent porter des déguisements, le Créateur les ayant peints d’extraordinaire façon ! Il y a là des hippocampes qui fascinaient l’Antiquité, des pieuvres, des nautiles, des limules, héritières des temps anciens.
Les salles, qui se succèdent, ont chacune leur originalité. Sur fond musical, l’ambiance y est intime, chacun pouvant évoluer à sa guise, sans éprouver le sentiment d’être « canalisé ».
Seule une barrière transparente - vite oubliée - sépare le visiteur de l’élément aquatique. En laissant libre cours à son imagination, il peut alors plonger au milieu des anémones de mer ou des flots atlantiques ! L’esprit qui vagabonde navigue en toute quiétude… Enfin pas tout à fait car les requins sont là. Pour admirer leur ronde, des gradins permettent de les observer. Associés à des histoires qui font frissonner, les “dents de la mer” font toujours impression. Derrière leur miroir, ils deviennent proches et accessibles, tout en restant inoffensifs. Chacun est dans sa bulle et médite : « Il faut arrêter de dire qu’ils sont mangeurs d’homme car la majorité n’attaque pas les plongeurs. Détruire cette espèce serait la pire des fatalités. Les Japonais prétendent que leurs ailerons sont aphrodisiaques, d’autres que leur cartilage pourrait guérir certains cancers. À ce rythme, ils disparaîtront. Nous devons rester vigilants » estime Roselyne Coutant Bénier. Il est évident qu’ils constituent le point de rencontre le plus attendu. Evoluant dans 1 500.000 litres d’eau, les derniers arrivés sont des requins gris.
Si les squales ont la “vedette”, les piranhas de la serre tropicale attirent l’attention. « Nous avons été obligés de repousser les bords du bassin car les gens mettaient leurs doigts dans l’eau et se faisaient mordre » explique Roselyne. Elle met également en garde contre les tortues américaines des jardineries : « petites, elles sont adorables. Grandes, c’est une autre histoire car elles sont carnassières. Adultes, leurs propriétaires s’en débarrassent dans les marais où elles deviennent les prédateurs de nos tortues cystudes, les mettant ainsi en danger » ! Bien utile aux visiteurs, un audioguide permet de s’instruire devant chaque aquarium, tout en gardant les mains libres. Par des récits pleins d’humour, il agrémente plus de deux heures de visite. « Il est important d’ajouter des anecdotes aux textes habituels. Ils sont dits par deux voix différentes, celles d’un homme et une femme, comédiens. Des traductions existent en anglais, espagnol et allemand ».
La famille Coutant a concrétisé son rêve : elle est responsable du premier aquarium privé d’Europe. Ses résultats, elle les doit à son travail, sa ténacité et à sa constante volonté d’innover tout en gardant de vue un domaine qui lui tient à cœur, le respect de l’environnement. En tirant des sonnettes d’alarme, en sauvegardant des espèces, en effectuant des recherches sur le monde sous-marin, l’aquarium contribue à la protection de la nature et à la transmission de la connaissance. Ouvert tous les jours de l’année, il n’a pas fini de nous étonner puisqu’une innovation est prévue en 2015. Chut, c’est un secret….
• L'Aquarium :
Salle Atlantique : seiches, raies, soles, turbots, sardines, langoustines, anémones bijou, saint-pierres, bars, cerniers, dorades royale, hippocampes moucheté
Salle Méditerranée : poissons saupe, poissons cardinal, corail rouge, poissons bécasse, poissons sanglier, cérianthes, castagnoles, gorgones, cigales des mers, rascasses, pieuvres, tritons
Salle des méduses er océanique : barracudas, carrangues, raies guitare, méduses
Salle des Caraïbes : diodons, poissons ange, poisson chirurgien, gorgones,murènes verte ou étoilée, baliste royal, perroquet
Le Lagon : napoléons, poisson ballon, gaterins a bande jaune, vivaneaus voilier
Salle Indo-Pacifique : oursins diadèmes, holothuries tricolores, rascasse volante, demoiselles bleues, poissons clown
Les tortues : carrangues royales, tortues marines, tortues imbriquée, tortues verte, murènes léopard Bassin des requins : poissons scies, requin gris, taureau, à pointes noires, à pointes blanches, nourrice, zèbre, bambou
Serre tropicale : vanillier, orchidées, jasmin, citronnier, bananier, palmier, alamanda, fougères arborescentes
Tous renseignements 05 46 45 35 71 - www.aquarium-larochelle.com
Roselyne Coutant Bénier :
« Je suis de la planète ! »
• Roselyne Coutant Bénier, vous êtes intarissable sur le monde aquatique. Quelle espèce préférez-vous ?
Les céphalopodes et le poulpe en particulier. Dans le monde des invertébrés, ils présentent une évolution maximale avec une double mémoire. Le poulpe peut reproduire ce qu’il vient de voir. Je trouve son œil magnifique. Les nautiles sont également fascinants, ce sont les descendants directs des ammonites. Dans la serre, nous avons des periophtalmes. Ce sont des poissons en pleine évolution. Ils peuvent sortir de l’eau et se reposer sur des racines, dans les mangroves. Ils respirent alors par la peau. Ils sont mutants entre le batracien et le poisson.
• Les plus spectaculaires de vos occupants sont les requins. Leur présence est-elle une manière de sensibiliser le public à leur protection ?
Nos requins sont venus d’Amérique par avion cargo. Ils ont été pêchés par des spécialistes et leur transport a été suivi attentivement. Je me souviens qu’ils sont arrivés la veille des événements du World Street Center. Leur bassin est le plus grand de l’aquarium, il contient 1500.000 litres d’eau pour une profondeur de dix mètres. Ils sont nourris avec du poisson par nos soigneurs et non pas par des plongeurs car ce n’est pas une attraction. On fait attention à leur nourriture. J’en profite pour rappeler que les requins subissent des sévices qui les mettent en péril. Ils jouent un rôle important dans leur environnement. Les Asiatiques, par exemple, coupent leurs ailerons et les rejettent à l’eau où ils sont sûrs de trouver la mort...
• Vous avez fait appel à une société japonaise pour le verre des aquariums. De quel matériau s’agit-il ?
Les glaces ont été remplacées par du polycarbonate méthacrylate fabriqué par une société japonaise. Il n’existe que deux sociétés dans le monde à commercialiser ce produit au Japon et aux USA. Ce matériau est extraordinaire. Il est plus transparent que le verre et permet de voir la véritable couleur des poissons. Moins rigide également, la taille des aquariums peut être plus haute.
• La société Coutant a une particularité, celle d’exporter ses connaissances dans le domaine très spécifique des aquariums…
En effet. Nous avons des commandes d’aquariums publics émanant de différents pays et villes. Le savoir-faire Coutant constitue 80% de notre chiffre d’affaires à l’export. Saragosse, par exemple, nous a commandé le plus grand aquarium d‘eau douce et nous avons refait celui de Monaco. Nous sommes intervenus en Crète, à Nouméa, Barcelone, Majorque, la cité de mer de Cherbourg, le Croisic. Nous répondons à des appels d’offres pour l’Arabie Saoudite, la Lituanie, etc. Nous travaillons également à la reconstitution de décors à l’identique comme des rochers pour les animaux. Exemples à Vulcania en Auvergne ou au zoo de Madrid.
• Vous menez également une action importante en faveur des tortues marines ?
Nous avons ouvert un centre de soins et d’études qui permet de recueillir et de soigner les tortues qui s‘échouent sur la Côte Atlantique. Quand la tortue est morte, on pratique une autopsie. On s’aperçoit que nombreuses sont victimes des plastiques, des ailerons de bateau. Quand elle est blessée, on la soigne sur place et elle est remise à l’eau à la belle saison. Certaines sont équipées de balises qui permettent de suivre leurs évolutions. 112 tortues sont passées par le centre entre 2000 et 2010 ; 465 observations ont été signalées.
• Vous sentez-vous écologiste ?
Le terme écologie est trop galvaudé. Je suis ni de droite, ni de gauche, je suis de la planète ! Je partage le sentiment de James Lovelock : la Terre est un être vivant, hypothèse que remettent en cause certains scientifiques. Elle s‘en sortira toujours ; nous, on disparaîtra. Notre fonctionnement n’est pas écologique, il est économique. C’est comme dans un aquarium : si l’équilibre n’est pas respecté, la vie ne pourra pas s’y dérouler normalement. Si on arrêtait de mettre des pesticides partout, on pourrait nourrir la planète entière ! L’écologie est le parti de tous et ce n’est pas un parti. Il faut aller vite dans la sensibilisation internationale car nous sommes au dessus de toutes les prévisions.
J’aime beaucoup le mouvement des Colibris, cher à Pierre Rabhi. Sur une plage du Sri Lanka où des plastiques traînaient, j’ai incité les personnes présentes à faire un grand nettoyage. Tout le monde a participé. L’année suivante, les responsables avaient acheté un matériel à cet effet et l’endroit est devenu impeccable. Comme le colibri, j’ai eu l’impression d’avoir apporté ma goutte d’eau. En unissant nos efforts, nous pouvons changer les choses.
Reportage/photos Nicole Bertin
L’aquarium accueille 12000 animaux marins (dont 6000 poissons) de 600 espèces différentes. 13500 scolaires y viennent tous les ans. 26 animations ont mises en place à leur intention.
L'Académie de Saintonge en visite à l'Aquarium |
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