Lundi 16 octobre place de la République, un hommage émouvant a été rendu à Dominique Bernard et Samuel Paty, deux enseignants assassinés par des terroristes. Cette cérémonie avait lieu en présence de Claude Belot, président de la CDCHS, Christophe Cabri, maire, et du conseil municipal. Après la sidération que provoquent les actes d'une telle barbarie sur notre sol, viennent les interrogations. Comment en est-on arrivé à ce point d'incompréhension qui conduit à l'atrocité ? Aujourd'hui, triste constat, certains professeurs se voient dans l'obligation de s'autocensurer durant leurs cours. « Mes mots pleurent » disait ce matin Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, lors d'un entretien. Oui, nos mots pleurent et nos pensées vont aux familles endeuillées.
« Cessons d'être naïfs » a souligné Claude Belot dans ses propos. Tout au long de ces décennies, il a vu la société changer, évoluer, occulter des réalités : « Certaines lois ne sont plus adaptées au contexte actuel ». Il prône donc la fermeté face à l'absurdité et l'intolérance. « La France doit faire preuve de courage car le péril est grand quand la guerre est à nos portes ».
Dans son discours, Yvon Chevalier, qui connaît bien le monde enseignant, a détaillé la situation avec clairvoyance : « "J'ai moins peur des intégristes religieux que des laïcs qui se taisent", ces mots de Charb prononcés quelques jours avant sa mort en 2015 résonnent chaque fois que la France républicaine est attaquée. Le cœur de la France républicaine, c'est son histoire, ses combats, son siècle des lumières, sa culture, sa laïcité. Cette dernière est tantôt raillée, tantôt critiquée et parfois aussi, elle est enviée par les femmes iraniennes luttant pour leurs droits. La loi de 1905 voulait d'abord mettre fin à la domination d'une seule religion, sans pour autant porter atteinte à son existence. Elle avait une idée d'émancipation en privilégiant la liberté de conscience dont l'Etat assurait la garantie. Tel était alors défini le rôle de l'école républicaine, la liberté de conscience devant permettre à nos élèves de se construire citoyens, à l'abri des dogmes politiques ou religieux.
Cette liberté de conscience s'exerce dans une école où l'on reçoit des connaissances et non pas des croyances, les croyances et la foi devant rester dans le domaine intime de chaque individu. L'école est là pour développer notre sens critique à travers des professeurs pour faire de nous des hommes et des femmes éclairés, libérés des dogmes, éloignés de l'obscurantisme et du fanatisme. C'est pour cette raison que l'école est attaquée, parce qu'elle est un danger aux yeux de ces fanatiques religieux. Le philosophe Averroès disait : "L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence, voilà l'équation". Des esprits perfides trouveront toujours des esprits perfides pour accomplir leurs lâches besognes. Peut-être l'assassin de Dominique Bernard ignorait-il que selon Marx, "la religion est l'opium du peuple" ou que pour Nietzsche "Dieu est mort" ? Notre France n'est pas un pays de mécréants ou d'apostats, elle nous offre la possibilité de croire ou de ne pas croire. Elle nous donne le droit de critiquer une religion tout en respectant les croyances. Notre France ne fait pas l'apologie de l'athéisme en nous accordant la liberté de conscience. Elle a sur son territoire des églises, des temples, des synagogues, des mosquées parce qu'elle connaît toutes les religions, mais ne veut en reconnaître aucune depuis la loi de 1905 par principe de neutralité ».
Quelles leçons avons-nous tiré des terribles drames qui ont précédé (Bataclan, Charlie Hebdo...) ? « On parle alors d'unité nationale, le temps passe et une petite musique commence à retentir avec le "oui mais". Quel "oui mais" pourra-t-on trouver à l'assassin de Dominique Bernard ? A force de "oui mais", à force de nourrir de l'ambiguïté, ne prenons-nous pas le risque d'aider les bourreaux à devenir des victimes ? Ce sont nos valeurs et notre école républicaine qui dérangent les assassins. Je finirai par une note d'espoir en citant cette phrase de Gandhi : "il n'y a pas de chemin vers la paix, la paix est le chemin" ».
Suivit une minute de silence et de recueillement avant que les participants entonnent en chœur (cœur) la Marseillaise.
« Nos mots pleurent » |
Cérémonie sous le regard de Marianne, symbole de la République |
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